17/06/2016
Étude n°13, Crucifié et ressuscité, Mat 27.45-55 (25 06 16)
Étude n°13, Crucifié et ressuscité, Mat 27.45-55 (25 06 16)
(Abbatiale de Goudargues, Gard, Christ crucifié et ressuscité)
« Jésus s’approcha et leur parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » Mat 28.18
Observons
Le contexte
Le récit de la Passion de Jésus chez Matthieu insiste beaucoup sur les réactions des spectateurs, même des deux brigands, et sur la dernière tentation subie par Jésus, de prouver qu’il est le Fils de Dieu, en descendant par lui-même de la croix. L’évangéliste oppose la détresse de l’homme Jésus, aux manifestations de la puissance divine qui accompagnent sa mort et préparent sa résurrection.
Le texte
- V 45 : Quel événement cosmique se produit à l’approche de la mort de Jésus ? Que peut-il signifier symboliquement ?
Quelle indication de temps est répétée deux fois ? Que représentait-elle dans les rites sacrificiels juifs ? voir Ex 12.6 ; 29.39,42 ; Lév 23.6 ; Nb 28.3-4 ; Dt 16.6
- V 46-50 : Agonie de Jésus
Quel cri pousse Jésus dans son agonie ? Que révèle-t-il sur son état d’esprit apparent? Pourtant, en se référant au Psaume 22, que laisse entendre Jésus ? Quelle réalité son cri exprime-t-il ? A l’exemple de Jésus, comment voir au-delà des apparences désespérantes ?
- V 47-49 : Dernières réactions
Quel parallélisme trouvons-nous dans ces trois versets ? Que met-il en valeur et en opposition au centre ? Il faut savoir qu’en hébreu « Mon Dieu » » se dit bien Eli, mais le prophète mentionné par les spectateurs se dit Eliyahou. Les moqueurs juifs font donc un méchant jeu de mots ! Que révèle-t-il sur eux ?
En contraste, qu’accomplit un des soldats romains ? Le vinaigre coupé d’eau était la boisson rafraîchissante des soldats romains. Voir Jean 19.28-29. Comparer ce geste avec le v 54. Que veut démontrer Matthieu en rapportant ces détails ?
- V 50 : Mort de Jésus.
Matthieu ne mentionne pas ce que dit Jésus dans son dernier cri, à la différence de Luc (23.46) et Jean (19.30). Que peut signifier « rendre l’esprit » ? Comparer avec Actes 7.59 : quelle expression différente est employée pour la mort d’Étienne ? Pourquoi cette différence ? Quel impact a-t-elle aujourd’hui quand on parle de la mort ?
- V 51-53 : Miracles
Comment Matthieu exprime-t-il l’accumulation des miracles ? Que peut signifier symboliquement chacun de ces miracles ? (Voile déchiré, tremblement de terre, rochers fendus, ouverture des tombeaux, résurrection de « saints » morts) ?
Quand furent aperçus en ville les ressuscités ? Pourquoi à ce moment ? Voir Es 49.8- 9. Comment Paul parle-t-il peut-être de ces ressuscités, Eph 4.8 ? Que sont-ils devenus ensuite ? Voir Ap 4.4 et 5.8. Que peuvent-ils représenter pour nous ? Leurs attributs, couronne d’or, vêtements blancs, harpe et coupe d’or, leur sont spécifiques et les font reconnaître. Symboliquement, que signifient-ils ? voir Ap 19.8 (vêtements) ; 2 Tim 4.8 et Ap 2.10 (couronne d’or) ; Nb 7.11, Ps 116.12-13, Phil 4.18, Ap 5.8 (coupe de parfums), 1 Sam 16.23, 2 Rois 3.15, Ps 33.1-2 (harpe).
D’après ces textes, à quoi peut-on et doit-on encore aujourd’hui reconnaître que Christ nous a spirituellement ressuscités par sa mort et sa résurrection ?
- V 54-56 : Reconnaissance et fidélité
Qui reconnaît l’identité divine de Jésus ? Que signifie « Fils de Dieu » ? Qu’y a-t-il d’insolite dans cette reconnaissance ? Parmi les disciples, lesquels assistent à la mort de Jésus ? Pourquoi sont-elles mentionnées ? Quelle est la grande absente dans le récit de Matthieu (Jn 19.25) Que peut signifier cette absence ?
Comprenons
V 41-44 : Comme au moment de sa retraite dans le désert, après son baptême, et à Gétsémané, Jésus doit encore une dernière fois résister aux suggestions sataniques de déclarer sa puissance divine sans passer par la mort infâme sur la croix. Sous les insultes et les sarcasmes, Jésus reste muet, concentrant, en silence, ses forces physiques, morales et spirituelles sur son Dieu et Père (Es 53.7).
V 45 : Matthieu est le seul à mentionner le phénomène des ténèbres recouvrant pendant trois heures toute la terre : la création participe à l’événement le plus important pour l’histoire humaine, et marque symboliquement sa solidarité avec cette agonie du Seigneur créateur, mais aussi reflète concrètement les ténèbres spirituelles de humanité, inconsciente de son crime.
V 45-49
La neuvième heure de la journée était, vers 15h, l’heure « d’entre les deux soirs », (c’est-à-dire sans doute entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit) où chaque jour avait lieu au temple l’holocauste d’un agneau. En ce soir du début de sabbat et pendant la semaine de la Pâque, Jésus, Agneau de Dieu, accomplit ce que préfigurait ce sacrifice rituel.
Au plus profond de la douleur physique, Jésus est pris d’une angoisse terrible, comme à Getsémané : il se sent abandonné de Dieu, car il sait qu’il souffre et meurt en portant le péché de l’humanité (Es 53.4-5). Il éprouve à ce moment précis le sentiment d’être séparé de Dieu comme l’est tout pécheur. Le « Pourquoi ? » qu’il crie est celui que tout homme crie dans sa souffrance dont il ne comprend pas les causes. Jésus sait bien que ce n’est pas son propre péché qu’il expie, puisqu’il est Saint et Juste ! C’est le cri de son être humain accablé par le poids du péché du monde qu’il a choisi de porter pour en délivrer les hommes.
Toutefois, il utilise les paroles du Psaume 22 et s’adresse non plus à son Père, mais à Dieu, qu’il persiste pourtant à appeler Mon Dieu ! Au-delà de son impression d’abandon, sa pensée conserve la conscience de l’existence d’un Dieu personnel à qui il peut faire confiance. Comme ce psaume commence dans un cri d’épouvante, et s’achève dans un chant de victoire et de délivrance (Ps 22.22b-32), Jésus peu après soupirera avec confiance : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Mat 27.50 // Luc 23.46). Le mot hébreu ou grec traduit par « esprit » signifie d’abord le « souffle ». Comme Dieu a donné le souffle pour permettre la vie de l’homme, au moment de la mort, ce souffle disparaît, revient à sa source, Dieu, qui seul peut le redonner. Il ne faut pas voir dans cette expression de Jésus une allusion à un quelconque dualisme de son être (son corps charnel sur la croix, son esprit ou son âme volant vers Dieu, comme le penseront les chrétiens plus tard sous l’influence du philosophe grec Platon). Jésus s’éteint tout entier, comme Étienne dont le texte dit qu’il s’endormit (Act 7.59), pour signifier l’inconscience totale de l’état du mort. En employant cette expression « Je remets mon esprit entre tes mains », Jésus manifeste la confiance absolue qu’il a en son Père, qui peut disposer de lui à son gré, et qui dans son amour peut le ressusciter. Matthieu ne rapporte pas ces paroles, mais seulement le cri poussé par Jésus. En contraste il place au centre du passage de l’agonie de Jésus (v 45-50), dans les versets 47-49, les réactions des spectateurs à ce cri de détresse : les Juifs (47et 49) par un cruel jeu de mots sur « Eli »(= mon Dieu), qu’ils feignent de comprendre comme un appel au prophète (= Eliyaou), continuent à ironiser, tandis qu’un soldat romain (v 48) se saisit de sa boisson ordinaire, pour tenter dans un geste inattendu de compassion, de soulager la soif de Jésus (Jean 19.29). Son peuple renie Jésus, mais des païens le reconnaissent comme Fils de Dieu, (Mat 27.54 ; Marc 15.39) ! Face à la croix, l’homme ne peut rester neutre. Et ce sont les moins instruits des Écritures qui devinent au-delà de l’atrocité présente, un mystère divin devant lequel ils s’inclinent avec crainte et humilité (v 54).
V 51-53 : Matthieu mentionne plusieurs miracles qui accompagnèrent l’expiration de Jésus : le voile du temple, placé entre les deux pièces du sanctuaire, devant l’arche de l’alliance qui symbolisait le trône de Dieu, n’était franchi par le grand sacrificateur qu’une fois l’an, au Yom Kippour, pour faire la purification du sanctuaire, par l’expiation virtuelle des péchés du peuple. A la mort de Jésus ce voile se déchire depuis le haut (= par la main divine et non par une main humaine) : l’accès au Lieu très saint est libéré, car par sa mort, Jésus a fait mourir le péché de l’homme qui le séparait de Dieu (Rom 6.6). A sa mort, les symboles du Yom Kippour (Héb 6.19-20) s’accomplissent dans le pardon offert à l’homme. En même temps, le voile déchiré marque la fin des rites de l’Ancienne Alliance, qui n’ont plus de sens, puisque Jésus les accomplit parfaitement[1].
Le tremblement de terre qui accompagne ce déchirement, en renforce le sens : tout ce qui faisait la sécurité d’Israël est bouleversé, une autre économie s’instaure, les valeurs les plus sures (rochers) se fissurent : il faut penser et vivre autrement ! Les tombeaux qui s’ouvrent symbolisent la victoire sur la puissance de la mort que Jésus vient de remporter et dont il fera éclater la réalité à sa résurrection. Sa mort libère en prémices, en trophées de victoires quelques croyants parmi les juifs ou parmi les premiers chrétiens. Inutile de se poser la question du lieu où ils se sont trouvés entre la mort et la résurrection de Jésus ! On ne put les voir qu’après que leur Sauveur fut ressuscité ! Contrairement à Lazare, ressuscité avant Jésus, on pense qu’ils ne connurent pas une seconde mort. Paul suggère qu’à son ascension Jésus les a emmenés avec lui, délivrés définitivement de leur captivité dans le tombeau (Eph 4.8 selon Ps 68.19). Ils font peut-être partie des vingt-quatre anciens, que Jean vit autour du trône de Dieu (Ap 4.4), vainqueurs par leur foi (= couronnés d’or), humains revêtus de la robe blanche de la justice divine, et chantant les louanges de leur créateur et sauveur, en prémices des élus de la résurrection finale[2].
Matthieu multiplie ces signes extraordinaires, pour mettre en valeur l’importance de l’événement qui vient de se produire et en faire saisir le sens spirituel.
V 54-56 : la conclusion du récit porte le regard sur les attitudes de spectateurs un peu incongrus : le centenier et les soldats romains d’un côté, et les femmes fidèles à Jésus depuis le début de son ministère : ceux-là reconnaissent et celles-ci n’abandonnent pas Jésus, alors que les disciples les plus proches et même la mère de Jésus sont absents, dans le récit de Matthieu ! Il n’y a pas encore de vénération particulière pour Marie ou pour Pierre. Leur absence n’est pas non plus un signe de désapprobation de la part de l’évangéliste, qui peut-être a respecté leur douleur en les passant sous silence. Seules sont mentionnées les deux Marie et Salomé (Marc 15.40) la mère des fils de Zébédée, Jacques et Jean, parce qu’elles furent les trois premiers témoins de la résurrection (ch 28 ; Mc 16.1).
Très habilement le récit de la mort de Jésus ouvre sur la perspective de la victoire de la résurrection. Matthieu fait sentir ainsi que tout n’est pas fini, mais que Jésus inaugure une autre alliance, éternelle cette fois.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Dans la souffrance souvent incompréhensible, sur quelle parole puis-je m’appuyer, comme Jésus l’a fait, pour la supporter et voir au-delà ?
- Par quels gestes puis-je montrer ma compassion envers celui ou celle qui souffre près de moi ?
- Qu’est-ce que la mort de Jésus a rompu dans ma vie ? Sa puissance de vie m’a-t-elle ressuscité avec lui ? Comment cela se voit-il dans ma vie quotidienne et dans celle de mon église ? De quoi l’Esprit doit-il encore nous débarrasser, pour que notre vie manifeste la puissance et la gloire de notre Seigneur ?
- Quelle est ma position face à la croix ? Mon esprit s’arrête-t-il sur les souffrances de Jésus-homme ? distingue-t-il en Jésus le Fils de Dieu qui se donne pour me sauver ? Comment puis-je y voir un acte de pardon et d’amour pour moi ? Comment concrètement m’identifier à cette mort, pour revivre avec Christ (Rom 6.4-5) ?
08:00 Publié dans Matthieu | Lien permanent | Commentaires (0)
10/06/2016
Étude n°12 Les derniers jours de Jésus, Mat 26.21-30 (18 06 16)
Étude n°12 Les derniers jours de Jésus, Mat 26.21-30 (18 06 16)
« Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où j’en boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père » Mat 26.29
Observons
Le contexte v 17-20 : A quelle date va se passer le dernier repas de Jésus ? Quel était le rite célébré ainsi ? Comment Jésus est-il considéré par ses disciples pour qu’ils l’interrogent sur le lieu de célébration ? Comment Jésus explique-t-il sa demande d’accueil ? Qu’est-ce que cela sous-entend dans la relation qu’il a avec cet hôte anonyme ?
Le texte (Baiser de Judas)
V 21-26 : révélation de la trahison de Judas :
- A quel moment Jésus révèle-t-il la trahison d’un des disciples ? voir Marc 14.18-21 ; Luc 22.21). Pourquoi fait-il cette révélation publique ?
- Quelle réaction ont ses disciples ? Comment Jésus leur désigne-t-il le traître ? Quelle est son intention ?
- Comment Jésus envisage-t-il sa mort ? Dépend-elle de la trahison de Judas ? Comment considère-t-il cette trahison du point de vue de Judas ? Pourquoi la non-existence de Judas eût-elle été préférable pour lui ?
- Quel est l’état d’esprit de Judas lorsqu’il interroge Jésus ? Que signifie la réplique de Jésus ?
V 26 : partage du pain : Comment Jésus transforme-t-il le rite du partage du pain de la Pâque ? Quel est le nouveau sens du symbole ?
V 27-28 : partage du vin : Qu’est-ce qui accompagne la coupe prise par Jésus ? Quel ordre donne-t-il à son sujet ? Quels sens en donne-t-il ? Qu’annonce-t-il par-là ?
V 29-30 : achèvement du repas et sortie vers le Mont des oliviers : Quel sentiment exprime Jésus dans ses paroles du v 29 ? Quelle promesse consolante fait-il à ses disciples ? Comment se termine cet ultime repas ?
Comprenons
Au cours du repas de sa dernière Pâque, Jésus révèle qu’il va être livré par Judas (v 20-25), non pour plonger dans l’horreur les disciples, mais pour réveiller la conscience de Judas et l’amener à se repentir si possible. On ne sait à quel moment du repas il fit cette révélation, avant (Mt et Mc) ou après (Luc 22.21) l’institution de la Cène. Matthieu dit que ce fut pendant qu’ils mangeaient (v 21), donc qu’ils célébraient la Pâque, sans préciser à quel moment Judas s’en alla. Jusqu’au bout Jésus offrit à Judas une chance de retour à lui, allant même jusqu’à lui laver les pieds comme aux autres disciples (Jean 13.10-11 ; 21-30). Même dans l’échange en aparté avec Judas, Jésus ne l’accuse pas, mais montre qu’il connaît le projet de Judas. Il ne lui fait pas porter la responsabilité de sa mort : elle fait partie du plan du salut conçu par le Père dès les origines (Act 2.23), annoncé par les prophètes et assumé volontairement par Jésus. Simplement, Jésus plaint le sort malheureux de Judas, qui a mésusé de la vie que Dieu lui a donnée, en suivant ses propres désirs de puissance terrestre, (il voulait forcer Jésus à se déclarer avec puissance comme le Messie libérateur des Romains qu’attendait Israël), sans comprendre ni saisir les appels d’amour de son Maître. Dans ses derniers mots à son disciple dévoyé, Jésus l’appelle encore « Ami ! » (Mat 26.50). Mais Judas reste sourd à ces signes d’affection, au point que lorsqu’il verra l’étendue des conséquences funestes de son acte, il ne s’en souviendra pas, et désespèrera du pardon de Jésus, préférant mettre fin à une vie qui n’avait plus aucun sens pour lui, comme Jésus l’avait prévu (Mat 26.24). Cette prévision n’est pas une malédiction lancée sur Judas, mais une plainte profonde de Jésus sur le sort que son disciple s’est choisi.
V 26 : Le repas pascal juif comprend quatre moments principaux :
1- le père de famille rend grâce pour le vin et pour la fête, et fait circuler une première coupe.
2- On apporte une table chargée des herbes amères trempées dans du vinaigre et de l’eau salée, des pains sans levain, de l’agneau rôti et de la sauce à base de figues et de dattes, appelée « charoset », de la couleur des briques fabriquées par les hébreux esclaves en Egypte. Après une formule de bénédiction, le père, puis les autres convives trempent les herbes amères dans la sauce et les mangent. Sur une question du fils aîné, le père donne la signification symbolique et commémorative de ces gestes, et on chante les Psaumes 113 et 114, en faisant circuler la seconde coupe.
3- Après s’être lavé les mains, en signe de purification, le père prend deux pains, en rompt l’un et dispose ses morceaux sur l’autre, prononce une action de grâce ou bénédiction, enveloppe un morceau de pain avec des herbes amères et le trempe dans la sauce, puis le mange avec un morceau de l’agneau. Le repas se poursuit en mangeant l’agneau, dans une conversation libre, jusqu’à ce que le père mange le dernier morceau d’agneau. Il se lave à nouveau les mains et distribue la troisième coupe, appelée coupe de bénédiction.
4- On chante ensuite les psaumes 115 à 118, tandis qu’une quatrième coupe circule, pour clore le repas.
Les mots « comme ils mangeaient » (v 21 et 26) désignent le troisième moment où après le rappel du sens de la Pâque, la conversation était libre. C’est pourquoi, Paul appellera la coupe de la cène, la coupe de bénédiction (1 Co 10.16).
Jésus, comme « père » de la famille de ses disciples, a déjà choisi le lieu du repas, sans doute avec un accord préalable de l’hôte qui le reçoit avec confiance et joie ; il préside la cérémonie et prend le pain sans levain de la Pâque, dont il va faire le symbole de son corps (v 26), c’est-à-dire, selon la pensée hébraïque, de sa personne toute entière, sans péché. Il l’offre à tous en nourriture pour leur vie éternelle. De même que le pain pris et assimilé nourrit et permet la croissance physique, de même la présence de Jésus acceptée et intégrée à la vie du croyant le nourrit et permet sa croissance spirituelle jusque dans l’éternité.
Jésus prononce la bénédiction ou action de grâce d’usage pour ce don du pain de vie. L’Église a conservé cette action de grâce, dont le nom grec a donné le mot « eucharistie » par lequel le catholicisme désigne la cène. La rupture et le partage du pain prirent, à partir du geste de Jésus, valeur symbolique de sa mort offerte pour la vie de tous ceux qui l’acceptent comme moyen de libération du péché et de salut éternel (Mt 20.28). Notre église a conservé ce geste symbolique du pain brisé, à la différence du catholicisme qui en donnant à chacun une hostie insécable (on ne peut la croquer), a ôté son sens au geste de Jésus.
En demandant de prendre et de manger son corps, alors qu’il est encore en vie, Jésus indiquait à ses disciples qu’il n’y avait pas de valeur magique dans le pain en soi. Mais pour que son sacrifice soit efficace spirituellement, le croyant devait se l’approprier intérieurement et personnellement par une foi vivante en lui, de façon à vivre intimement avec Christ (1 Co 10.16).
Par la coupe distribuée à tous, (et pas seulement au prêtre comme le catholicisme le pratique encore souvent), Jésus signifie que son sang (= sa vie) va être répandu pour le salut de tous. Christ veut demeurer « en nous », s’unir à nous, devenir source de la force et de la vie dont il désire animer tout homme. En expliquant (v 28) le symbole du vin de la coupe de bénédiction (son sacrifice sera en bénédiction pour ceux qui l’accepteront), Jésus reprend à son compte les paroles prophétiques de Moïse (Ex 24.8). Pour faire alliance avec l’homme pécheur, le Dieu saint, en Jésus, passe par une mort expiatoire qui efface le péché de l’homme ; ce qui permet au croyant d’être considéré comme juste par Dieu. Dieu, devenu homme en Jésus, a pris sur lui notre nature pécheresse et l’a fait mourir avec lui sur la croix ; puis en ressuscitant, il a donné au croyant la possibilité de vivre de sa vie divine.
En précisant que son sang est répandu pour plusieurs, ou beaucoup, Jésus ne limite pas son offre de salut à certains qui seraient prédestinés et choisis par lui, à l’exclusion des autres. Il indique seulement que si l’offre est faite à tous (v 27 et 1 Jn 2.2), elle ne pourra être efficace que pour ceux qui l’accepteront par la foi.
Après avoir donné le sens de l’institution de la cène, Jésus veut laisser à ses disciples attristés par la perspective de sa mort, une consolante promesse. Il élève leurs pensées au-delà du présent, vers l’avenir glorieux de sa résurrection et de l’établissement du royaume éternel de son Père. Là, les réalités spirituelles que présente la Cène, pardon, union avec Christ, amour et vie, atteindront leur perfection (désignée comme le vin nouveau bu avec Christ, v 29). La cène devient alors une annonce, un avant-goût de la communion intime de l’Eglise glorifiée avec son Sauveur divin. En instituant la Cène, Jésus nous a donné une sorte de parabole pour nous faire comprendre le sens spirituel de sa mort expiatoire. Il nous invite à dépasser la lettre, le visible et le sensible, et à tourner notre entendement vers l’invisible, le spirituel et l’éternel.
Le chant des psaumes 115 à 118, appelés par les Juifs le « grand hallel » (louange) vient tout naturellement conclure cette promesse, et ce moment intime de commémoration, de communion et d’espérance. Jésus peut alors sortir et monter au Mont des Oliviers, à la rencontre de son destin !
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- La cène partagée en église reste-t-elle pour moi un rite extérieur à moi, ou prend-elle un sens personnel dans ma vie avec Christ ?
- Catholiques, protestants, orthodoxes, adventistes, pratiquent la cène à des rythmes différents (tous les dimanches, tous les quinze jours ou tous les mois, ou encore quatre fois par an) Essayez d’examiner les raisons possibles de chacun. (toutes les semaines = symbole de la nécessité impérative du pardon et de la communion de vie avec Christ. Tous les autres rythmes sont adoptés pour éviter la routine et la perte de sens du rite). Qu’en pensez-vous ?
- Qu’est-ce qui peut empêcher ma participation à la cène, si je crois au pardon que Christ m’accorde en offrant sa vie pour moi ? D’après l’exemple de Judas qui a participé à ce repas, en quoi consiste « l’indignité » dont parle Paul en 1 Co 11.26-29 ? (voir le v 29).
08:00 Publié dans Matthieu | Lien permanent | Commentaires (1)