06/05/2016
Étude n°7 Seigneur des Juifs et des Gentils, Mat 15.21-28 (14 05 16)
Étude n°7 Seigneur des Juifs et des Gentils, Mat 15.21-28 (14 05 16)
Moi, l’Éternel, je t’ai appelé pour la justice et je te prends par la main, je te protège et je t’établis pour faire alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations… » Es 42.6
(Jésus et la Cananéenne, Drouais , 18ès)
Observons
- D'où part Jésus et où se rend-il ?
- Qui rencontre-t-il ? D'où vient-elle ? Comment l'appelle-t-elle ? Quelle est sa requête ?
- Comment réagit Jésus ? Que lui demandent ses disciples ? Quel double sens a le verbe employé par les disciples ?
- Quelle forme ont les phrases des deux premières réponses de Jésus ?
- Comment Jésus définit-il sa mission ?
- Comment la femme insiste-t-elle ?
- Que signifie l'image employée par Jésus pour lui répondre ?
- Quelle est l'attitude de la femme devant ces propos ?
- Qu'admire Jésus chez elle ? Comment l'exauce-t-il ?
Comprenons
Un texte où l’attitude de Jésus paraît dure. Est-ce de la pédagogie, ou Jésus a-t-il besoin de se laisser convaincre par la femme ?
Un face à face en territoire païen
Jésus quitte la Galilée pour la région de Tyr et de Sidon. L’association des deux noms de ville ne donne pas l’indication géographique précise, mais indique un territoire païen, sans doute la Phénicie. La femme qui interpelle Jésus est cananéenne, donc païenne. Le fait que sa fille soit tourmentée par un démon la situe encore davantage du côté de "l’impureté", comme le pensaient les Juifs au sujet de tous les païens (= les Gentils), et de tous les « fous » appelés démoniaques.
Une sortie du cadre pour chacun des personnages
Curieusement le texte commence par deux sorties : celle de Jésus d’abord, qui « sort de là » (= Israël, la Galilée), puis celle de la cananéenne qui « sort de ces contrées» (le verbe est traduit à tort par « vient »). Le départ de Jésus apparaît comme une pause, un temps de vacances, de repos, qui rompt avec le rythme soutenu des récits précédents, où il était suivi par les foules et assailli de questions pièges par les Pharisiens. Lui le Juif, il ose choisir, pour souffler un peu, un territoire païen où il espère rester incognito.
La femme païenne ose sortir de son cadre païen pour appeler au secours un homme juif, qu’elle reconnaît comme Messie, Sauveur, Fils de David donc de lignée royale. Elle sort donc de son territoire culturel, social et religieux.
Tous les deux sont sortis hors de leur milieu naturel, pour offrir une possibilité de rencontre avec l’autre. Pour se rencontrer ne faut-il pas sortir de soi, de ses habitudes, de ses préjugés ? Mais il faut du temps pour se rencontrer en dehors de soi. C’est ce que peut aussi enseigner ce récit.
Un dialogue à sens unique ?
Mt 15.22 : la femme commence par assaillir Jésus de supplications, en le reconnaissant comme Seigneur, Fils de David, qui sont des titres messianiques. Est-ce de la foi ou un simple savoir sur quelqu’un dont elle n’attend qu’un geste ponctuel de guérison pour sa fille ? (Icône, guérison de la fille de la Cananéenne)
V 23-26 : A cette femme qui se prosterne devant lui et qui l’appelle à l’aide, Jésus ne répond que par le silence, puis par deux phrases impersonnelles qui commencent chacune par une négation, et s’adressent surtout à lui-même et aux disciples : elles rappellent avec force la place première d’Israël dans sa mission, telle qu’il l’avait comprise jusque-là. Jésus en tant qu’homme avait à affiner sa compréhension de sa mission. Sa rencontre avec la cananéenne va lui en donner l’occasion.
Les disciples ont un comportement équivoque, ambigu. Cherchent-ils à la « renvoyer » ou à la « délivrer » ? (le verbe employé peut avoir les deux sens). Les disciples dans un sens comme dans l’autre, le renvoi ou la guérison, désireraient être débarrassés au plus vite de cette femme païenne et impure qui les dérange. C’est pourquoi Jésus ne peut pas accéder à leur demande ni à celle de la cananéenne, le dialogue doit se poursuivre pour que chacun comprenne qui il est : un guérisseur juif, le Messie des Juifs, ou le Sauveur de l’humanité toute entière ?
Les miettes de l’abondance
V 27 : la femme rebondit sur l’image du pain et des chiens utilisée par Jésus, en interrompant la suite des négations par une affirmation : « Oui, Seigneur ». Elle témoigne ainsi de sa capacité à entrer dans le raisonnement de Jésus, et de son désir d’entrer dans le monde du salut où la surabondance de la nourriture spirituelle rejaillit sur les plus humbles. La femme en reconnaissant dans les « enfants » (pour Jésus = les Juifs) des « maîtres », accepte humblement la préséance du peuple juif, mais affirme que les païens peuvent aussi bénéficier du salut sans porter ombrage aux Juifs.
Elle a accompli tout un chemin intérieur : elle n’intercède plus seulement pour une action miraculeuse extérieure à elle (pour sa fille, v 22), mais elle demande du secours pour elle (v 25) et reconnaît en Jésus celui qui donne la nourriture de vie, dont même une miette peut faire vivre (v 27).
Jésus aussi a parcouru un chemin : il s’émerveille de la foi de cette femme cananéenne, en contraste avec les préjugés (v24,26) et l’incrédulité de son peuple (v 12-20). Il entre alors en contact direct avec elle (v 28), en admirant sa foi et en affirmant la guérison de sa fille. C’est la foi, exprimée par la prière et la recherche de salut, qui permet l’intervention divine, et non l’envie du prodige ou le désir d’être débarrassé d’un problème gênant.
Jésus est amené par la cananéenne et le centenier (Mt 8.5-13) à affirmer sa mission universelle : si le salut vient des Juifs, il est offert à tous, juifs et païens, qui le désirent d’un cœur humble et sincère.
Audace, humilité, écoute de la Parole, persévérance et confiance totale dans la puissance de Dieu, tels sont les enseignements de cette femme pour la croissance de notre foi.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Par quoi est motivé notre désir de rencontrer Jésus ? Une simple curiosité, un souhait personnel de miracle, un besoin de nourriture solide pour notre vie, la conscience de notre faiblesse, l’aspiration à un changement de vie et d’état, la nécessité et le désir de grandir dans la foi ?
- De quoi avons-nous besoin de « sortir » pour rencontrer Christ, ou notre prochain ? Quelles exclusions freinent notre témoignage à « toutes les nations » ? Comment imiter l'ouverture aux autres de Jésus dans nos contacts avec les Juifs, les Musulmans, les Orientaux bouddhistes et hindous ou même les agnostiques ?
- Quelles miettes de notre abondance spirituelle offrons-nous aux autres ?
08:00 Publié dans Matthieu | Lien permanent | Commentaires (0)
29/04/2016
Étude n°6 : Le repos en Christ Mat 12.1-15 (07 05 16)
Étude n°6 : Le repos en Christ, Mat 12.1-15 (07 05 16)
« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos» Mat 11.28
Polyptyque de Montbéliard 16è, les épis mangés le sabbat
Observons
Deux parties distinctes à propos du Sabbat :
A : 12.1-8 : premier conflit à propos du sabbat : les épis arrachés :
1-2 : Les Pharisiens scandalisés par les disciples
3- 8 : Réponse de Jésus :
a) David a enfreint la loi (3-4)
b) les sacrificateurs aussi (5)
c) Le Fils de l’homme est maître du sabbat (6-8)
B : 12.9-15 : second conflit à propos du sabbat : la guérison de l’homme à la main sèche
9-10 : à propos d’un malade dans la synagogue, les pharisiens questionnent Jésus pour le piéger
11-13 : Réponse de bon sens de Jésus et guérison
14-15 : Projet de mort contre Jésus qui se retire
Questions d’observation :
A-12.1-8
- Où se situe la première scène, avec quels personnages ? (12.1) Qu’est-ce que les Pharisiens interdisaient de faire le sabbat ? Pourquoi ? (2)
- Quelle est la transgression de David et de ses gens ? Au nom de quoi transgressent-ils la loi ? Qu’avaient de « sacré » les pains de proposition ?
- Quelle dispense obtiennent les sacrificateurs le jour du sabbat ? Pourquoi ?
- Qu’est-ce qui est plus grand ou important que le « temple » ? (6-7) Quel mot du v 7 explique ce que Jésus sous-entend par « temple » ?
- Qu’en conclut Jésus sur le geste de ses disciples ? Que met-il au-dessus de l’interdiction d’activité le sabbat ?
- Pourquoi se déclare-t-il maître du sabbat (8) ?
B- 12.9-15
- Où se situe la seconde scène ? Quels en sont les personnages ?
- Qu’y a-t-il de curieux dans la présence d’un malade dans la synagogue ? Qu’est-ce que cela signifie sur cet homme ? De quoi souffre-t-il ? Quel symbole peut-on y voir ?
- Quelles sont les attitudes et les intentions des Pharisiens ? (10)
- Quelle question leur pose Jésus ? A quoi fait-il appel ? A qui compare-t-il l’homme, pour le mettre en valeur ? Qu’en conclut-il ? (12)
- Que rétablit Jésus en guérissant l’homme ? Que veut-il enseigner aux Pharisiens ?
- Observez la progression de l’hostilité contre Jésus dans ces deux passages ? - Quelles sont les forces et les enjeux opposés dans ces récits sur le jour du sabbat ?
Comprenons :
a) Les épis arrachés
La scène champêtre décrit l’attitude naturelle et pleine de liberté des disciples qui, sur la route,éprouvent de la faim, et se servent dans ce que la nature leur offre. Le silence de Jésus sur ce geste semble sinon une approbation, du moins de l’indulgence envers ceux dont il connaît le besoin. Il va se servir de cet épisode de leur vie courante pour enseigner le sens réel du sabbat.
Les pharisiens sont scandalisés par ce geste, non pas qu’il soit un vol du bien d’autrui (Dt 23.26), mais parce qu’ils l’assimilaient à un travail, une moisson interdite par la loi mosaïque (Dt 34.21 ; Ex 16.26-28). Jésus et ses disciples leur semblaient non seulement enfreindre la loi, mais surtout se mettre au-dessus de la loi de Moïse. C’est pourquoi Jésus va se référer à l’exemple de David, futur roi au moment où il se permit d’utiliser les pains consacrés, destinés aux seuls sacrificateurs, pour satisfaire un besoin vital pour lui et sa troupe. En prenant cet exemple, Jésus ne veut pas en faire un cas de jurisprudence, pour justifier un acte répréhensible selon la loi. En déclarant que le sabbat n’a pas d’autre fin que le bien (physique et spirituel) de l’homme, il veut faire comprendre que l’homme n’est pas soumis à une loi cérémonielle, aveugle et inhumaine.
Dans le second exemple, Jésus montre que même les religieux du temple ne se reposent pas le sabbat, puisqu’ils s’acquittent ce jour-là de leur mission de sacrificateurs. Si ces serviteurs du temple sont acquittés, à plus forte raison, les disciples de Jésus qui est au-dessus des lois du temple en tant que Fils de Dieu, seront-ils innocents aux yeux de Dieu d’avoir satisfait leur besoin de nourriture un sabbat !
Ainsi Jésus a rappelé l’histoire de David parce qu’il est de sa lignée, et les rites du temple, qui le préfigurent, pour déclarer sa supériorité. En tant qu’homme de lignée royale, et en tant que Fils de Dieu, il peut se déclarer maître du sabbat. En se nommant le Fils de l’homme il fait allusion à Daniel 7.13 : il est l’homme par lequel se fera le jugement, le Messie qui a autorité sur les lois que Dieu a établies pour le bien-être de l’homme. Il n’abolit pas la loi mais l’accomplit parfaitement.
Jésus nous place devant le choix entre l’observation d’un rite cérémoniel qui asservit et la préservation du bien-être vital de l’homme (Mt 12.7) : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ». Jésus interprète la loi selon l’esprit de cette loi, et non la lettre. Le sabbat est fait pour le bien, le repos, le développement intérieur, la guérison physique et spirituelle de chacun.
Les épis pourraient être aussi le symbole d’une nourriture spirituelle que les disciples n’ont pas reçue dans l’enseignement légaliste et la pratique conventionnelle des pharisiens de la synagogue, et qu’ils trouvent librement dans l’œuvre du Créateur et dans la présence compatissante de Jésus.
b) La guérison de l’homme à la main sèche (Polyptyque de Montbéliard, 16è)
Cet épisode illustre le même principe que celui des épis : le sabbat est un jour de guérison. Il nous libère de ce qui nous dessèche par manque d’amour ou par culpabilisation, et de ce qui nous empêche d’agir ou simplement de vivre selon le plan de Dieu, libérés de l’emprise du péché. Normalement un malade n’avait pas à pénétrer dans le temple, ou même la synagogue. Sa main sèche ou paralysée, symbolise son incapacité à agir librement, comme tout le peuple soumis à l’autorité sans cœur des Pharisiens, paralysé par une culpabilisation permanente de leur part. L’homme à la main sèche vient chercher du réconfort malgré tout, et ne trouve de la part des pharisiens que le rejet et l’indifférence à ses besoins. Ils désirent par-dessus tout coincer Jésus sur son respect ou non de la loi du Sabbat. Jésus en répondant aux attentes du malade, donne une leçon de miséricorde aux pharisiens endurcis. Il annonce aussi le sens de sa mission, et insiste sur la valeur du sabbat dans cette œuvre de Dieu parmi des hommes.
Sa question veut placer les pharisiens devant une évidence incontestable : par pur intérêt, les pharisiens transgressent sans problème leur interdiction d’action, pour sauver leur animal en danger de mort ! Ils donnent ainsi plus de valeur à leurs animaux qu’aux hommes souffrants qui les entourent ! Or aux yeux de Jésus et de Dieu, c’est l’homme, créé à son image, qui prime et qu’il faut sauver de la mort, ou de la maladie, quand cela se présente, et le sabbat ayant été créé pour l’homme se trouve être un jour privilégié pour lui faire du bien (12). Jésus le prouve en guérissant aussitôt l’homme à la main sèche, suggérant ainsi qu’il est venu délivrer les hommes de leurs sècheresses spirituelles, affectives et relationnelles.
La loi demandant de sanctifier le sabbat, on ne peut le sanctifier que par un acte de salut, de guérison, de miséricorde envers le malheureux. En même temps, Jésus dénonce subtilement l’hypocrisie des Pharisiens, qui prétendent observer correctement le sabbat, tout en nourrissant ce jour-là des accusations et des projets de meurtre contre Jésus (14).
Cette liberté d’action de Jésus est insupportable aux responsables de tous bords, dérangés dans l’exercice de leur pouvoir religieux et politique sur les autres. De simples observateurs hostiles au début du passage, ils deviennent des comploteurs meurtriers. Jésus connaissant leurs projets, préfère s’éloigner, pour ne pas provoquer leur colère et une mise à mort prématurée : il n’a pas encore accompli toute sa mission !
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Qu’est-ce qui fait autorité dans ma vie et dans celle de l’Église ? Mes désirs, mes opinions personnelles, les principes, les règlements, la Parole de miséricorde et de liberté ? Comment cela se traduit-il dans mes relations à l’Église, à la maison, et au-dehors ?
- Le sabbat est-il un jour de libération pour moi et pour les autres ? Quel y est mon état d’esprit, quelles pensées m’habitent pendant cette journée ?
- De quel repos s’agit-il le jour du sabbat ? De quoi puis-je y trouver du repos ?
- De quoi ai-je besoin d’être libéré ou guéri aujourd’hui ? De quelle libération aussi mon voisin a-t-il besoin de ma part ?
- De quel œil est-ce que je regarde le frère ou la sœur qui n’observe pas le sabbat comme moi ou comme l’Église le demande ? Le considéré-je comme « perdu » ? De quel droit ?
08:00 Publié dans Matthieu | Lien permanent | Commentaires (0)