10/04/2015
Etude n°3 : Qui est Jésus ? Luc 9.18-26 (18 04 15)
Etude n°3 : Qui est Jésus ? Luc 9.18-26 (18 04 15)
« Mais vous, leur (les disciples) dit Jésus, Qui dites-vous que je suis ? – Pierre répondit : le Christ de Dieu » Luc 9.20
Observons
- A quel moment du ministère de Jésus dans l’évangile de Luc, est située cette confession de Pierre ? (voir v 7-9 et 10-17)
- V v 19 : Quelle identité les foules donnaient-elles à Jésus ? Pourquoi ?
- V 20 : Que reconnaît Pierre en Jésus ? Comment Jésus dans Matthieu 16.17-19 le commente-t-il ?
- V 21 : Quelle interdiction Jésus fait-il aux disciples ? Pourquoi ?
- V 22 : Comment Jésus se désigne-t-il ? Qu’est-ce que cela évoquait pour les Juifs de l’époque (Daniel 7.13-14) ? C’est la première fois que Jésus annonce à ses disciples ce qui l’attend, pourquoi le fait-il maintenant ? Quel épisode est omis par Luc , mais est rapporté par Matthieu 16.22-23 et Marc 8.32-33, qui éclaire à la fois l’interdiction de Jésus, et son message à la foule ?
- V 23 : A qui s’adresse-t-il ensuite ? Distinguez les parallélismes de ce verset : Quel sens donnent-ils à l’expression « porter sa croix » ?
- V 24-25 : Quelles sont les parallélismes et les oppositions de ces versets ? Dans quel sens est employé le verbe « perdre » ?
- V 26 : Quel verbe est répété deux fois ? Que signifie-t-il ?
- V 27 : Comparez avec Matthieu 16.28 et Marc 9.1 pour comprendre la parole de conclusion de Jésus
Comprenons
Jésus a accompli déjà plusieurs miracles révélateurs de sa puissance divine : résurrection de la fille de Jaïrus, guérison de la femme hémorragique (8.40-56) multiplication des pains à partir de 5 pains et 2 poissons (9.10-17) ; il a aussi envoyé ses disciples prêcher et guérir les malades (9.1-6). Sa réputation a atteint le roi Hérode, qui perplexe, s’interroge sur l’identité de Jésus, comme la foule qui hésite entre Jean-Baptiste décapité et ressuscité (Luc 9.9), Elie réapparu selon la prophétie de Malachie (Mal 3.23 ou 4.5), ou un autre prophète de l’ancien testament revenu à la vie.(Luc 9.19). Jésus demande à ses disciples de se déterminer eux-mêmes. Face à lui, on ne peut pas se contenter de l’opinion des autres, il faut prendre position. C’est ce que fait Pierre, au nom de tous les autres disciples. En reconnaissant Jésus comme le Christ de Dieu, il admet qu’il est l’envoyé Oint par Dieu le Père. Mais dans quelle optique ? Tous les Juifs de l’époque attendaient le Messie (ils le font encore !) comme le Libérateur national et politique qui chasserait les occupants romains et redonnerait à Israël toute la gloire terrestre du royaume perdu depuis Salomon.
Luc omet le dialogue de Jésus avec Pierre, d’abord pour le féliciter de cette confession, qui servira de fondement pour créer l’Église (Mat 16.17-19). Mais en leur interdisant de dire qui il est , Jésus montre qu’il connaît le malentendu que cela créerait sur son identité. Jésus recommande le silence après la confession de Pierre, comme après la transfiguration, car il ne veut pas entretenir dans l’esprit des disciples, pas encore convertis, ni même guéris de leur aveuglement spirituel, la confusion sur sa messianité. Oui, il a la puissance divine, oui, il est le Messie glorieux annoncé par Elie et Moïse, dont la présence auprès de lui sur la montagne (Luc 9.28-36) est une confirmation de sa messianité. C’est pourquoi il annonce pour la première fois qu’il doit « conquérir » cette gloire en passant par un chemin physiquement, moralement et spirituellement douloureux de renoncement à la gloire terrestre, aux ambitions humaines, et même à la vie (8.34-38 ; 9.12). Parfaitement au courant de cet itinéraire de la Passion( Es 53), Jésus sait aussi qu’il débouche sur la résurrection, et il l’annonce chaque fois qu’il parle de sa mort. Les disciples aveuglés par leurs préjugés et par leur amour pour Jésus, ne retiennent pas cette nouvelle destinée à les réconforter. Ils ne comprennent pas ce que veut dire ressusciter, et ne retiennent que la perspective de la souffrance et de la mort, si horrifiante que Pierre la repousse avec véhémence (Marc 8.32 ; Mat 16. 22), révélant ainsi son incompréhension totale de la vraie nature et de la mission de son Maître. La réaction vive de Jésus s’explique par la perception qu’il a de la tentation que lui tend l’Adversaire de Dieu à travers l’affection terrestre de ses disciples : il est placé devant le choix qu’il a à faire durant tout son passage sur terre : vivre selon les valeurs humaines terrestres de gloire et de pouvoir éphémères, ou mourir et ressusciter pour le salut de tous ceux qui le reconnaîtront comme leur Sauveur et Seigneur.
Lorsque Pierre confesse Jésus comme le Messie, il est encore empli des mêmes préjugés que tous les autres Israélites contemporains. La puissance, il vient d’en avoir l’éclatante démonstration dans les miracles de Jésus qui ont changé la vie terrestre des bénéficiaires, sans saisir leur portée symbolique et spirituelle. C’est pourquoi la première annonce de la Passion tombe comme une douche froide sur les espérances des disciples, que Jean et Jacques vont formuler peu après (Mat 9.33-34). (Jésus leur dit : Qui suis-je ? Berna Evangile et peinture)
C’est pourquoi Jésus s’applique à donner à toute la foule qui l’écoute ses instructions sur l’état d’esprit requis pour le suivre. Le verset 23 par sa construction en parallèles concentriques explique ce qu’il demande : "Venir après Jésus" au début de la phrase est repris à la fin par "qu’il me suive". Ces deux expressions encadrent deux autres expressions parallèles et synonymes : « renoncer à soi-même » et « porter sa croix ». On a trop fait de cette dernière image à la suite de la passion et de la crucifixion de Jésus l’équivalent de « supporter sa souffrance » allant jusqu’à un dolorisme malsain : la souffrance devenant un mérite pour le salut !
Non, ici Jésus exprime la nécessité d’abandonner sa volonté égoïste et orgueilleuse ainsi que ses ambitions de gloire et de puissance terrestre, pour suivre l’exemple du Christ de don total à la volonté de Dieu. Il reprend la même idée dans les versets 24 et 25 avec la répétition de l’expression "perdre sa vie" dont les sens diffèrent selon qu’on l’envisage du point de vue terrestre ou spirituel. Quiconque voudra sauver (= conserver) sa vie terrestre en gagnant le monde entier, ruinera et perdra sa vie éternelle, mais quiconque renoncera à ses appétits terrestres à cause de son amour pour Jésus, ce qui aux yeux du monde équivaut à ne rien faire de sa vie, à la gâcher ou la perdre, sauvera son bien le plus précieux, sa vie éternelle !
Le renversement des valeurs qu’opère Jésus est accentué par le v 26 : En s’appelant lui-même « Fils de l’homme », Jésus renvoie ses auditeurs à la prophétie de Daniel 7 : ce nom est donné à celui qui vient à la fin des temps se présenter à l’ Ancien des Jours exerçant sa fonction de Juge, pour recevoir domination et puissance éternelle sur toute la création (Daniel 7.13-14 // Apocalypse 4-5 ;11.15-19 et 19.1-16). S’il doit être le Messie souffrant, il est aussi l’être divin roi de l’humanité. Avoir honte, se détourner de lui et de ses enseignements, par mépris, rejet ou ignorance dans notre vie terrestre, sans s’en repentir, c’est choisir de se rejeter soi-même de son royaume lorsqu’il viendra reconnaître les siens et les rassembler dans la gloire du Père.
Sur cette vision de la gloire du royaume spirituel de Dieu, Jésus enchaîne sur la prophétie de la gloire de sa propre résurrection que verront ses disciples contemporains avant de mourir (Luc 9.27) ; Marc (9.1) en annonce la puissance et Matthieu (16.28) précise qu’elle représente la venue du règne du Fils de l’homme !
Au-delà de l’événement historique de la résurrection de Christ, on peut lire aussi ces quelques versets comme la promesse de résurrection intérieure qui suivra la mort à soi-même de celui qui veut suivre Jésus. Cette résurrection spirituelle lui permet d’entrer dès à présent dans le royaume de Dieu et d’obéir à son Roi glorieux, le Christ mort et ressuscité pour son salut.
Questions pour une application dans la vie Chrétienne
- Qui est Christ à mes yeux ? Pourquoi est-ce important d’être au clair sur son identité ?
- A quoi ai-je à renoncer pour suivre Jésus ? Comment renoncer à ce qui me retient d’obéir à Jésus ? Dois-je abandonner tout plaisir personnel, toute ambition ?
- Ai-je honte de m’avouer chrétien ? Pourquoi ? Comment vaincre nos réticences à témoigner de notre foi ?
- Dans la vie quotidienne, vers quoi se tourne mes regards : vers ce qui ne va pas, qui est difficile à supporter, ou m’emplit de tristesse et de révolte, ou vers le Christ ressuscité qui envoie son Esprit consolateur à ceux qui le lui demandent (Jean 14.16-17 ; Luc 11.13)
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03/04/2015
Etude n°2 : Baptême et tentation (11 04 15)
Etude n°2 : Baptême et tentation (11 04 15)
Texte : Luc 4.1-11
Observons
Le contexte
Jésus vient d’être baptisé dans le Jourdain par Jean le Baptiste, en Judée. Il a reçu de Dieu la confirmation de son identité (3. 22) de Fils de Dieu, incarné dans la lignée d’Abraham, de Sem et d’Adam (3.23-38). La puissance du Saint-Esprit est descendue sur lui pour l’aider à accomplir sa mission. (22)
Le texte
4.1-2a : Introduction : Conduit par l’Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable.
2b-4 : Première épreuve : le pouvoir sur la nature (changement de pierres en pains)
5-8 : seconde épreuve : le pouvoir sur les hommes et leurs royaumes
9-12 : troisième épreuve : le pouvoir sur Dieu (se jeter du haut du temple)
13 : Conclusion : retrait temporaire du diable.
Comprenons
Le contexte
Le baptême de Jésus est difficile à interpréter si l’on considère la nature divine de Jésus : il n’avait nul besoin de ce symbole de purification et de pardon des péchés ; il était parfaitement juste ! Si l’on considère son humanité de fils d’Adam, « semblable à ses frères en toutes choses » (Phi 2.7 ; Hb 2.17) sauf en ce qui concerne le péché, Jésus devait passer par les eaux du baptême pour signifier par un geste concret à la fois sa « mort », son renoncement à son ancienne vie de simple homme de Nazareth, anonyme et silencieux, et son engagement dans sa nouvelle vie publique et sa mission de Messie. Par ce symbole de mort et de résurrection (Rm 6) Jésus annonçait les caractères essentiels de sa vie terrestre et de sa mission de salut. L’approbation divine qu’il reçoit par l’envoi de l’Esprit, et sa reconnaissance par le Père comme Fils de Dieu lui confirment le bien-fondé de son acte symbolique, et lui donnent la plénitude de la puissance divine pour affronter une vie de douleur et de renoncement à soi, jusqu’au sacrifice de la croix et …une glorieuse résurrection.
Le texte.
1- L’introduction : Les trois récits de la tentation de Jésus (Mt 4.1 ; Mc 1.12 ; Lc 4.1) commencent tous par les mots « Poussé (chassé, jeté, conduit) par l’Esprit au désert, pour (Mt) y être tenté par le diable », « où (Marc et Luc) il était tenté par le diable pendant quarante jours ». Comment est-ce possible ? Dieu veut-il mettre en difficulté, éprouver son Fils, au risque de sa chute et de l’anéantissement de sa mission ? On retrouve cette prise de risque de Dieu dans l’Ancien Testament, dans les récits de l’envoi du peuple hébreu sorti de l’esclavage d’Égypte, sur le chemin du désert, où il se heurtera aux épreuves de la Mer Rouge (Ex 14), de la soif (Ex 15.22-27 ; 17.1-5) de la faim (Ex 16), ou de l’hostilité des voisins nomades (Ex 17.8-16). A chaque expérience, le peuple eut l’occasion d’éprouver sa confiance en Dieu, de purifier sa foi (1 Pi 1.6-7), de progresser dans sa marche avec Dieu physiquement et spirituellement.
De même le prologue de Job, si scandaleux à nos yeux, où Dieu donne délibérément à Satan le pouvoir d’éprouver son serviteur juste Job, peut nous amener à comprendre les versets introductifs de la tentation de Jésus.
L’intention de Dieu n’est pas que Jésus soit tenté (Jc 1.13), ou que Job souffre. Dieu cherche à éclairer son peuple, son serviteur Job, et même son Fils, sur leur état intérieur, sur le sens de leur vie, sur la profondeur de leur confiance en Lui, et sur la place qu’Il tient dans leur cœur et leurs décisions.
L’épreuve n’est pas un test sadique pour faire connaître à Dieu la résistance de ses enfants : Dieu connaît d’avance le cœur et la vie de chacun. L’épreuve est un test pour chacun de ses enfants, qui a besoin d’être confronté à lui-même, comme le sportif teste ses capacités dans des exercices progressifs. Dieu sait aussi que « dans le désert de la solitude, du silence, du dépouillement des préoccupations terrestres et matérielles, il pourra mieux préciser ses choix de vie (voir Gomer menée dans le désert pour découvrir sa réalité profonde et y entendre la voix de Dieu désirant renouveler son alliance avec elle : Osée 2.10-22).
Ainsi après l’engagement de Jésus dans sa mission, Dieu l’envoie en « retraite », en « quarantaine », pour qu’il ait la claire conscience de ce qu’implique cette « mort » qu’il a mimée dans son baptême. Comme l’oiseleur qui couvre la cage et l’obscurcit pour apprendre à ses oiseaux à chanter une mélodie sans être distraits par l’environnement.
Dans la solitude et le jeûne, Jésus peut méditer sur les choix à faire pour remplir sa mission de Messie, Fils de Dieu, Sauveur. Marc dit qu’il était avec les bêtes sauvages et que les anges le servaient (1.13 ; Mt 4.11). Ces bêtes sauvages symboliseraient-elles les épreuves, les souffrances extérieures et intérieures qu’il affronta dans cette retraite, et qu’il maîtrisa grâce à la sollicitude de son Père et à son attachement à sa Parole ?
Le jeûne prolongé qu’il s’impose n’est pas une simple purification physique, mais une préparation spirituelle et une consécration entière à sa relation avec Dieu. Aucune préoccupation extérieure ne doit disperser sa concentration.
2- La première épreuve (3-4)
Le diable, ou l’Adversaire, profite de la faiblesse physique de Jésus dont l’humanité est bien réelle puisqu’il éprouve le besoin de manger. Satan utilise ce besoin naturel et vital pour tenter Jésus et l’inciter à tester son pouvoir de Fils de Dieu pour son profit immédiat et élémentaire : se pourvoir en pain à partir des pierres du chemin, utiliser son pouvoir sur la nature pour sa satisfaction personnelle et matérielle. La tentation de l’égoïsme et du matérialisme se double d’une autre tentation plus subtile à laquelle l’homme n’a pas su échapper : l’abus du pouvoir humain sur la nature. Cet abus se manifeste aujourd’hui dans tous les domaines et provoque le mouvement de l’écologie pour sauver la planète : transformer des pierres en pain, c’est maintenant pour faire du profit, transformer des forêts en papier, épuiser les sources d’énergie non renouvelable, forcer génétiquement les céréales, engraisser chimiquement les champs, nourrir les animaux aux hormones ou aux farines animales, utiliser les embryons humains pour la recherche médicale ou bientôt le clonage, comme s’ils étaient de simples objets, pousser ses performances physiques et intellectuelles par des drogues ou des stupéfiants, changer son apparence physique par des chirurgies coûteuses. Toutes ces attitudes relèvent de la même tentation d’abuser de son pouvoir sur l’environnement naturel et sur sa propre nature humaine, au nom du profit qu’on peut en tirer.
Jésus repousse cette tentation en lui opposant les Écritures, qui élèvent la conscience des préoccupations matérielles à la satisfaction des besoins spirituels qui font de l’homme une créature à part dans le monde animal, un vis-à-vis et une image de Dieu (Gn 1.26-27). Sa nourriture spécifique est d’ordre spirituel : la Parole de Dieu (Lc 4.4). Par ces mots, Jésus annonce aussi l’orientation de son ministère : amener l’homme à dépasser le terrestre, à ne pas s’en contenter, pour voir et entendre les réalités du monde spirituel divin.
3- La seconde épreuve (5-8)
Ici encore nous trouvons une tentation d’abuser de son pouvoir, cette fois sur les hommes. C’est l’aspiration, ô combien universelle, de dominer les autres, d’avoir une emprise sur eux, de diriger leur vie selon sa propre vision. C’est une des conséquences de la séparation d’avec Dieu prophétisée au premier couple : (Gn 3.16) « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. » Les relations d’amour entre les hommes sont transformées en rapports de force. On retrouve aussi cette tentation dans l’histoire de Babel. L’unification du monde sous un seul pouvoir, avec une pensée unique (= un même langage) et un même projet mégalomane, conduisait à un totalitarisme universel, que Dieu vint empêcher, pour permettre à ses enfants de survivre, libres de le servir (Gn 11.1-9).
Jésus, en tant que Dieu, avait cette possibilité et même le droit, de diriger le monde. Comme au moment de la chute à la Création, il pouvait être tenté d’utiliser ce pouvoir glorieux après son incarnation. Mais celle-ci aurait été rendue vaine !
Lorsque Satan s’attribue le pouvoir sur les royaumes, et la capacité de le « donner à qui il veut », il prononce une demi-vérité : Depuis Adam qui la lui a abandonnée, il possède en effet la maîtrise du monde, mais il ne peut en disposer à sa guise, car il dépend de la volonté de l’homme d’accepter ou de rejeter l’offre satanique de la toute-puissance sur l’autre. Ce que Satan appelle se prosterner devant lui, l’adorer, c’est l’acceptation par l’homme de se soumettre à sa tyrannie, en obéissant aux désirs naturels d’un cœur sans Dieu.
Ainsi l’épreuve devient une occasion de choix : rester fidèle à Dieu comme Jésus, en se considérant comme un serviteur aimant (Mt 24.45-46 ; Luc 22.25-26 ; Pi 5.5-6), et non un maître potentat (Mt 24. 49), ou s’imposer à l’autre et chercher à le dévorer. Ce second volet de l’alternative est à l’origine de tous les esclavages, anciens ou nouveaux : par exemple, dans le domaine du travail soumis aux principes de la productivité et de la rentabilité, on voit se multiplier les suicides de cadres trop stressés, ou à cause de la mondialisation, des familles entières au chômage, ou des enfants et des ouvriers misérables exploités dans les pays dits en développement ; dans le domaine des relations personnelles, les violences conjugales, les « crimes d’honneur », les meurtres religieux de nouveaux convertis chrétiens, se multiplient et causent de nombreuses victimes. Les exemples ne manquent pas au niveau mondial, mais qu’en est-il au niveau personnel ? La volonté de dominer l’autre peut motiver nos attitudes, souvent inconsciemment, et provoque violence verbale, mépris de l’autre, manipulations diverses, mensonge et vanité, qui pourrissent les relations.
Pour la seconde fois, Jésus oriente ses regards sur la Parole de Dieu pour refuser de se soumettre à Satan, et rappeler le sens de la vie humaine : rendre un culte à Dieu, adorer son Seigneur. Cela implique l’abandon du désir de pouvoir (Phi 2.3, 6) et l’engagement dans un service les uns des autres pour la gloire de Dieu seul (Jn 13.14-15 ; 1 Co 6.20b).
4- La troisième épreuve (Luc 9-12)
Satan essaie de pousser Jésus à utiliser son pouvoir de Fils de Dieu pour accomplir sa mission sans passer par la mort ni la souffrance, grâce à un miracle extraordinaire. Puisque sa mission comprend la révélation de Dieu aux yeux des hommes, qu’il se révèle lui-même tout de suite comme possédant le pouvoir de Dieu, comme immortel et au-dessus des lois physiques du monde ! Les foules ébahies ne pourraient qu’être attirées par lui, puisqu’elles attendaient un Messie glorieux et tout puissant.
Pour Jésus c’était la voie facile, le raccourci égoïste vers la gloire divine. Pour nous, cette tentation du pouvoir divin s’assimile à la présomption qui nous fait prendre la place de Dieu, en décidant par exemple de faire le tri par nous-mêmes entre le « bon grain » et « l’ivraie » (Mt 13.28-30), ou encore en prenant notre volonté pour celle de Dieu dans les décisions de la vie de famille ou d’église. Cette tentation est très subtile car elle se pare du voile de la religion, et même de la Parole de Dieu (Luc 4.10-11). On se réclame des promesses divines, on croit être dans la bonne voie, sans discerner qu’en fait on cherche à manipuler Dieu, à trouver des solutions plus rapides à sa place (voir l’histoire d’Abram et Agar, Gn 16.1-3 ou celle de Jacob, Gn 25.29-34 ; 27.1-29). On se leurre sur ses propres motivations profondes qui ne sont que la copie de la tentation originelle « Vous serez comme des dieux ! » (Gn 3.4-5), indépendants, immortels et tout puissants.
Jésus n’est pas dupe de cette utilisation de l’Écriture par Satan, et de sa ruse. Pour la troisième fois il repousse sa suggestion. Sa mission n’est pas de révéler un Dieu « surhomme » et glorieux, mais un Dieu qui aime tellement ses enfants qu’il est prêt à se sacrifier pour qu’ils aient la vie éternelle (Jn 3.16).
A son exemple, pour repousser cette tentation de pouvoir divin, il nous est demandé d’accepter de passer par l’épreuve de notre foi. Dans les obstacles et les difficultés à surmonter la foi est purifiée et fortifiée (1 Pi 1.7), car Dieu en nous remplissant de son Esprit nous donne les forces de traverser l’épreuve (1 Co 10.13), et d’en faire une occasion de croissance spirituelle.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Dans la souffrance quelles sont mes plus grandes tentations : maudire Dieu comme la femme de Job (Job 2.9), me résigner et attendre que cela passe, refuser la situation et lutter pour éliminer à tout prix ma souffrance, ou éloigner la mort, faire de la situation une occasion de plaintes ou d’accusation des autres et imposer à mon entourage l’aigreur de mon caractère ? Comment puis-je éviter de retomber continuellement dans les mêmes schémas de comportement en réaction contre ce qui m’arrive de douloureux ?
- Comment puis-je faire de l’épreuve, si petite soit-elle (une vexation, une contrariété, un incident inopiné, etc.) une occasion de grandir dans la foi, dans l’amélioration de mon caractère et de mon comportement (= la sanctification), et dans le service des autres ?
- En quoi suis-je concerné(e) par les trois tentations de pouvoir (sur la nature, sur les hommes et sur Dieu) présentées à Jésus ? Que l’Esprit m’inspire et me guide pour discerner avec honnêteté les ressorts profonds de mes attitudes et de mes actes, et pour trouver en Dieu la force de repousser ces tentations !
- Par quelles expériences douloureuses ai-je conscience d’avoir appris à fortifier ma foi ? Comment ma relation à Dieu et aux autres en a-t-elle été modifiée ?
En complément , nous vous proposons une méditation de ce texte dans une optique d’écologie et de gestion chrétienne de la vie, par Jean-Daniel Zuber.
Méditation sur « Tentations de Jésus et écologie »
Textes de référence : Luc 4. 1-13 – Parallèle : Mat 4. 1-13
Introduction
La Gestion Chrétienne de la vie (GCV) est une vision holistique, globale de la gestion de tous les aspects de la vie, dans leur interdépendances mutuelles- Aux quatre domaines traditionnels qu’aborde la GCV : gestions de la personne, du temps, des biens matériels, et des dons spirituels, s’ajoute depuis peu l’écologie..
Pendant longtemps l’Église Adventiste du Septième Jour, notre « mouvement-église » a été réticente envers la notion d’Écologie, un domaine marqué par des « risques ». Mais existe-t-il seulement un domaine qui soit exempt de risque ? Je ne le crois pas ! Même la piété n’est pas exempte de risques : on peut très bien tomber dans la bigoterie à force de piété…
Deux dérives principales peuvent affecter le domaine de l’écologie :
- Une dérive spirituelle en divinisant la nature.
- Une dérive politique en faisant du respect de la nature un outil de pouvoir souvent totalitaire, au détriment de l’humanité.
Or la Bible elle-même manifeste, dès la Création, des préoccupations « écologiques », dans la Gn déjà, puis dans les règles de vie du peuple hébreu, dans la vie de Jésus ensuite, et enfin dans l’Apocalypse pour « les temps de la fin ».
Mais qu’est-ce que l’écologie ? Le mot vient de deux mots grecs, OIKOS = la maison, et LOGOS, la parole, mais aussi la connaissance, la science. C’est donc une réflexion cognitive sur les rapports entre les ETRES VIVANTS et leur MILIEU NATUREL, leur ENVIRONNEMENT.
On peut observer par ailleurs qu’ECOLOGIE et ECONOMIE sont très liées. L’économie, de OIKOS à nouveau, et de NOMOS, loi, règle, modalités de fonctionnement, est « l’ensemble des activités d’une collectivité humaine, relative à la production et à la consommation de richesses », donc à partir d’un environnement ! D’où les dérives politiques…
Mon souhait serait d’inclure un volet consacré à l’écologie dans la réflexion sur la GCV, un volet "d’ écologie chrétienne" donc. Bien des aspects sont implicitement contenus dans plusieurs de nos pratiques, mais pourquoi ne pas les expliciter ? Si quelqu’un parmi vous s’est déjà intéressé à ce sujet au point de désirer collaborer à un ouvrage sur ce thème, il est le bienvenu. Attention, cela demande des efforts, du temps, de la suite dans les idées jusqu’au bout !…
Méditation
C’est un important moment de la vie de Jésus que je vous propose d’examiner ensemble maintenant, en rapport avec notre sujet : Sa tentation au désert, relatée en Lc4.1-11 et Mt4.1-13. Le texte de Luc sera notre base, celui de Mt un complément ; en effet il ne décrit pas les évènements dans le même ordre, sans que cela influe sur mon propos.
Notons le contexte qui précède ces textes : le baptême de Jésus, qui se termine par la véritable « consécration » de Jésus par son Père, point de démarrage effectif de sa mission terrestre.
Qu’observons-nous dans les 1ers versets de ce texte ?
A) Versets 1-3 : Jésus, rempli du St E, est conduit par l’E, au désert, jeûne, puis a faim.
Jésus est affaibli physiquement, c’est le moment que choisit habituellement l’adversaire pour s’approcher !
Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre qu’elle devienne du pain.
Que fait le Diable ici, sinon d' inviter Jésus à forcer la nature à fournir ce qu’elle ne peut donner habituellement, naturellement ? A-t-on jamais vu du blé pousser sur une pierre, encore moins se transformer en pain.
Ainsi le Diable suggère-t-il à Jésus d’user de son pouvoir créateur pour satisfaire un mal-être physique. Il est clair que Jésus a le pouvoir de réaliser cela !
MAIS
Cela vient en contradiction avec le plan d’amour divin qui implique :
- que chaque créature dépende de Dieu pour sa vie, et sa survie = action de Dieu
- que chaque élément créé tienne la place qui est la sienne dans la Création
- que chaque « créature » se confie en Dieu, en sa Parole = réponse de l’humain
Il s’agit, de la part du Diable, d’une provocation à abuser du pouvoir sur la nature
En quoi cela nous concerne-t-il ?
Ainsi sommes-nous lorsque nous alimentons des vaches avec des farines animales ; ah ! certes, pas nous adventistes ! En quoi cela peut-il nous arriver : jeter du plastique, des déchets dans la nature, gaspiller les énergies, l’eau, la nourriture…Accumuler des tonnes de papier…
D’où la réponse de Jésus au v.4 : Il est écrit « l’homme ne vivra pas de pain SEULEMENT, (mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu, Mt4. 4) , une réponse qui me semble contenir les 3 éléments évoqués précédemment :
- dépendance de Dieu qui agit
- se tenir à sa place
- faire confiance à Dieu en se tournant vers Lui.
La prise de position de Jésus, incarné, homme, indique un choix spirituel :
L’acceptation d’une « pauvreté » face à Dieu. La solution de Jésus se tient dans l’acceptation de la dépendance de Dieu.
Attention ! Il ne s’agit pas de rechercher un dénuement ascétique. Vous remarquerez le mot « seulement », qui évoque clairement la nécessité du pain !
Mais ce pain ne sera pas obtenu n’importe comment, et en tous cas pas contre les dispositions mises en place par Dieu pour soutenir notre vie physique dans une harmonie.
B) Passons aux versets 5 à 7 qui suivent.
Ce n’est pas l’Esprit, mais le Diable qui conduit maintenant Jésus sur une haute montagne, afin de poursuivre son projet.
- Il montre à Jésus tous les royaumes de la terre,
- Il souligne la puissance et la gloire de ces royaumes,
- Il revendique l’autorité sur eux,
- Et à nouveau sollicite Jésus : « Si tu te prosternes devant moi, cette puissance sera toute à toi ! »
Que fait le diable ici ?
Il invite Jésus à désirer le pouvoir sur les royaumes, donc sur leurs sujets, et le fonctionnement de leur société. Dans quel but ? Acquérir la puissance et la gloire.
N’est-ce pas la vraie destination de Jésus que de régner sur la terre ?
Voyez, « tout pouvoir m’a été donné sur la terre et dans les cieux » ou bien « Il mettra tes ennemis comme marchepied… »
Il s’agit ici de la part du diable, d’une provocation de Jésus à abuser d’un pouvoir social = pouvoir de se servir des personnes selon son goût de puissance, selon ses ambitions, selon ses pulsions, c’est à dire par vaine gloire. Amener Jésus à s’illusionner sur lui-même qui a choisi d’être incarné, humain.
En quoi cette provocation nous concerne-t-elle, nous, adventistes ?
Il y a abus de pouvoir social ,
- lorsque dans nos relations fraternelles interviennent des conflits de pouvoir, quand certains se croient détenteurs et défenseurs de vérités absolues ;
- lorsque nous nous considérons-nous-mêmes comme supérieurs ou inférieurs aux autres ;
- lorsque nous manipulons les autres pour faire passer notre volonté, et faire prendre les décisions qui nous conviennent.
MAIS l’exercice de ce pouvoir sur les hommes proposé à Jésus, n’entre pas dans le plan divin, car Dieu veut être connu, reconnu, accepté à cause de son amour, et de sa bonté = sa gloire spécifique, avant de l’être pour sa puissance.
C’est pourquoi, Jésus répond : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui-seul ».
La prise de position de Jésus, incarné, homme parmi les hommes, indique un choix spirituel :
- Je sais qui je suis en cet instant = je respecte qui je suis,
- Je te respecte, toi mon interlocuteur, en te répondant clairement,
- L’autorité souveraine pour moi, c’est le Seigneur, mon Dieu, et Lui seul.
Le remède de Jésus, c’est l’intégrité = savoir être qui on est sans pour autant violer autrui sous toutes les formes que cela peut prendre, abus de pouvoir, manipulations, voies tortueuses. C’est être droit et franc dans le respect de tous, humains, animaux, végétaux.
C) Venons-en alors aux v 9 à 12
Le diable conduit à nouveau Jésus au sommet du temple, tout à fait visible de tous.
Il l’appelle à un geste spectaculaire qui accréditera sa nature divine et qui confortera Jésus dans la conscience de son statut.
Il s’agit de la part du diable, d’une provocation de Jésus à reprendre sa place divine, contre la réalisation du plan de Dieu, à abuser du pouvoir divin cette fois.
En quoi cela nous concerne-t-il ?
Ne nous arrive-t-il pas de nous mettre à la place de Dieu, en décidant par exemple qui sera sauvé ou pas ?
Ne nous arrive-t-il pas de provoquer Dieu à faire un miracle en notre faveur ?
MAIS cela n’entre pas dans le plan de Dieu, si superbement décrit en Phil 2 : le Fils de Dieu doit s’abaisser lui-même jusqu’à la croix pour convaincre l’humanité de son amour.
Quelle sera la prise de position de Jésus ? « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu »
Cela a un double sens :
- Ne me tente pas, car je suis Dieu
- Ne tente pas l’Éternel, dont j’ai quitté la présence, pour me faire homme.
Le remède de Jésus, c’est l’obéissance, choix spirituel, non de soumission forcée à une autorité écrasante, mais adhésion à une autorité valorisante, exaltante.
Nous sommes un petit troupeau d’adventistes (13 millions environ sur plus de 3 milliards d’humains, dont une majorité « ne sait pas distinguer sa droite de sa gauche »), saurons-nous avoir les attitudes écologiques de Jésus, sachant cultiver l’humilité (sobriété), l’intégrité (Respect de soi et de l’autre), l’obéissance (l’adhésion à Dieu) ?
Veillons-y et prions. Le Seigneur a le pouvoir de nous montrer le chemin de cette gestion de vie chrétienne : Lui-même !
08:00 Publié dans Evangile de Luc | Lien permanent | Commentaires (1)