16/09/2022
Étude n°13 : Le Christ dans l’épreuve, Luc 22.39-46 ; Matthieu 26.36-46 ; 27.45-52 (24 09 22)
Étude n°13 : Le Christ dans l’épreuve, Luc 22.39-46 ; Matthieu 26.36-46 ; 27.45-52 (24 09 22)
"Levez-vous ! Allons, celui qui me livre s'approche " Mat 26.46
Observons
- Getsémané : Mt 26.36-46 ou Luc 22.39-46
Le contexte : Le repas de la Pâque célébré par Jésus et ses disciples dans la chambre haute, s’est terminé par la prédiction de Jésus sur la trahison de Pierre et le cri présomptueux des disciples assurant Jésus de leur fidélité jusqu’à la mort (Mat 26.31-35).
Le texte :
V 36 : Invitation aux disciples à rester à l’écart
V 37-38 : Les trois témoins de l’angoisse de Jésus invités à veiller et prier
V 39 : Première prière de Jésus : Que demande Jésus ?
V 40-41 : Premier retour de Jésus avec seconde invitation aux disciples à prier
V 42 : Seconde prière de Jésus : en quoi diffère-t-elle de la première ?
V 43 : Second retour auprès des disciples endormis : Que signifie « leurs yeux étaient appesantis » ?
V 44 : Troisième prière de Jésus : Pourquoi prie-t-il à nouveau ?
V 45-46 : Troisième retour de Jésus prêt à subir sa Passion
- La Croix (Mat 27.45-52)
Le contexte : Durant trois heures, Jésus, cloué sur la croix entre deux brigands est l’objet des sarcasmes et des outrages de la foule et des chefs religieux. (v 32-44)
Le texte :
V 45 : Ténèbres de trois heures sur la terre
V 46 : Cri de Jésus : Mon Dieu, Pourquoi m’as-tu abandonné ? Comment le comprendre ?
V 47-49 : Réactions des spectateurs
V 50-54 : Mort de Jésus et réactions diverses.
Comprenons
Introduction
Les Évangiles dits synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) rapportent tous la prière de Jésus à Getsémané. Jean se contente de mentionner le déplacement de Jésus au Jardin des Oliviers (18.1) après la prière sacerdotale de Jésus (17) qu’il est seul à rapporter, et avant son arrestation. Les quatre évangiles se complètent dans le récit de la crucifixion, en rapportant des paroles de Jésus différentes.
L’évangile de Matthieu écrit après celui de Marc et à peu près à la même époque que celui de Luc, est destiné aux Juifs convertis, pour leur démontrer combien Jésus réalise les prophéties messianiques de l’Ancien Testament ; tandis que Luc s’adresse aux chrétiens d’origine grecque, friands de faits miraculeux, Marc cherche simplement à révéler en Jésus la grandeur divine du Fils de Dieu, manifestée dans ses œuvres étonnantes. Quant à Jean, qui rédigea beaucoup plus tard son évangile, il le construisit de façon apologétique, sélectionnant les faits et les propos, à la lumière de la Résurrection, pour que l’on croie que « Jésus est le Fils de Dieu » et que l’on ait ainsi « la vie en son nom » (20.31). Les récits des évangiles se ressentent de ces différents objectifs. Nous étudierons le texte de Matthieu en nous référant aux deux autres évangiles synoptiques pour certains de leurs détails originaux.
- Getsémané
Le nom de ce lieu correspond sans doute aux termes hébreux qui désignent « un pressoir à huile », situé dans l’oliveraie où Jésus avait l’habitude de se rendre, à l’est de la colline du temple. Il est symbolique que Jésus se rende à l’heure de son agonie morale et spirituelle vers un pressoir : il est dans la situation de l’olive qui sous la presse rend son huile bienfaisante pour les soins médicaux et la nourriture. Jésus en passant par cette agonie et en sortant vainqueur du combat intérieur contre la tentation de suivre ses propres aspirations, va « donner son huile » c’est-à-dire permettre à l’homme d’être guéri du péché et de trouver la vie éternelle.
Pour cette lutte intérieure, il cherche la solitude, et écarte la troupe des disciples aimants, mais inconscients de ce qui se passe et de ce qu’éprouve Jésus, donc inconscients de la nécessité de prier. A l’heure suprême, il fait le deuil de l’amitié !
Il semble toutefois que Jésus ait espéré trouver dans ses trois amis les plus proches de lui un soutien moral réconfortant. Pourtant là aussi il doit apprendre à faire le deuil de cette aide : ses amis ne saisissent pas plus que les autres la tension de l’instant et l’angoisse de Jésus. Par deux fois Jésus leur demande instamment de veiller et prier avec lui (v 38,40), et la troisième fois devant leur sommeil incorrigible (qui rappelle celui de la parabole des dix vierges (Mt 25.5), Jésus exprime avec ironie le contraste entre leur repos et l’urgence de l’heure où il est livré aux pécheurs (45).
Pour Marc, le contraste se marque par l’insistance sur le poids du sommeil irrésistible et le mutisme des trois amis (Mc 14.40), opposés à l’ironie et les ordres autoritaires de Jésus (5 exclamations !).
Pour quoi et pour qui les disciples devaient-ils prier ? Luc précise dès le début (22.40) que c’était pour éviter la tentation. Le combat des disciples contre la tentation de céder à leur volonté ou à leur faiblesse, tout humaine et charnelle, que symbolise leur sommeil devant la perspective de la mort, est le même combat, mais à un degré extrême, que Jésus va livrer dans ses prières. La remarque de Jésus (41)sur la faiblesse de la chair opposée à la force de l’esprit, rappelle les promesses enflammées de Pierre et de ses amis peu auparavant (33 et 35), mais révèle aussi une origine possible de l’angoisse qui étreint Jésus à ce moment crucial. Il est seul devant la mort qui l’attend et, comme tout homme créé pour la vie, la perspective de sa disparition est horrifiante. L’horreur de Jésus est d’autant plus grande qu’il sait qu’en portant le péché humain, il va au devant de la mort éternelle. Luc ira jusqu’à affirmer que cette horreur a pour effet une « sueur de grumeaux de sang » (22.44) : au paroxysme de sa lutte intérieure, Jésus exprime physiquement sa douleur et verse son sang à terre, symbole prémonitoire du sacrifice de sa vie pour le salut des « terriens ». Il lutte en lui-même entre son désir tout humain et légitime de vivre sans souffrir, et sa volonté divine de sauver les hommes de la mort éternelle en assumant lui-même en leur faveur cette mort, conséquence inévitable du péché, c’est-à-dire de la séparation d’avec Dieu.
Pour Marc et Luc, il s’adresse au « Père », au Papa ; pour Matthieu, il dit « Mon Père ». L’intimité avec Dieu est le seul soutien qui lui reste à cette heure sombre où les amis lui font défaut. Grâce à cette intimité, faite d’amour et de confiance, Jésus peut exprimer sa plainte et son désir d’éviter la coupe de souffrances qui l’attend.
La première fois, il supplie « s’il est possible d’éviter», puis sa pensée ayant cheminé, la seconde fois il reprend sa demande sous forme négative « s’il n’est pas possible », la troisième fois enfin, les paroles ne sont pas transcrites mais l’idée est la même (une triple répétition symbolise la réalité, la vérité du fait ou du propos) : deux volontés s’affrontent, celle de Jésus homme qui s’arrête à sa personne et à cette terre, et celle de Jésus Dieu qui connaît le dessein éternel du Père de sortir l’homme, définitivement et entièrement, corps, âme et esprit, de l’esclavage du péché et de la mort pour lui donner la vie éternelle. En même temps qu’il implore son Père de changer ses plans, il s’en remet à son amour et à sa volonté. « De la sorte, il se dépossède du pouvoir de décision, et renonce à être l’instance proclamant le sens et le non-sens de son propre destin. » (Fritz Lienhard, Souffrance humaine et croix du Christ, p 80, éd. Olivétan).
La vision spirituelle des conséquences éternelles du don de sa volonté personnelle et de sa vie terrestre permet à Jésus de vaincre en se soumettant à la volonté divine, la tentation de ne penser qu’à lui. C’est exactement l’inverse de l’attitude d’Adam et Eve en Eden au moment du choix entre leur plaisir immédiat et la parole de Dieu qui voyait plus loin.
Luc assure qu’un ange venu du ciel lui apparut à sa seconde prière pour le fortifier. Le Père répond très vite à son Fils dans l’angoisse et les supplications et ne l’abandonne pas à sa lutte, mais il l’assiste de sa présence et de ses forces.
Rappelons que l’expression du « Notre Père » que Jésus reprend par les mots « Que ta volonté soit faite », ne signifie pas que Dieu désire la souffrance et la mort de l’homme en général et de Jésus en particulier. Ce serait du sadisme, ou du masochisme ! La volonté de Dieu est que l’homme vive éternellement (Ez 18.31-32 ; 33.11). Pour cela Dieu assume lui-même en Jésus la condition humaine, en faisant mourir sur la croix le péché qui l’altère et l’enchaîne, et lui ouvre par la résurrection de Jésus une autre vie, en pleine communion avec Lui. Il n’y a aucune apologie de la souffrance dans la Bible. Ce ne sont pas les souffrances endurées qui constituent des mérites pour soi ou pour les autres, et qui donnent le salut, mais c’est parce que Jésus les a portées et « élevées » (ou enlevées ?) sur la croix, pour y faire mourir, en son corps, la nature humaine pécheresse, que l’homme peut recevoir le don divin de la vie éternelle.
Jésus à Getsémané, comme Jacob au gué de Jabbok, a livré la bataille décisive de sa mission terrestre. Sa soumission à la volonté de salut de Dieu pouvait apparaître comme une défaite, une reddition de sa personne, un abandon de son pouvoir personnel. Pourtant comme Jacob fut reconnu vainqueur par Dieu, c’est à Getsémané que Jésus sort vainqueur de la tentation de s’autogérer et de décider par lui-même ce qui est bien et mal, en plaçant toute sa confiance dans l’amour de son Père. La suite de sa Passion n’est que le déchaînement de l’Adversaire qui tente le tout pour le tout. Jésus est prêt à tout supporter parce qu’il se sait en accord avec son Père et qu’il reçoit de Lui seul les forces morales et spirituelles dont il a besoin (1 Co 10.13).
- La Croix (Site Internet Evangile et Peinture, Toile de Berna, 21è s)
Pourquoi alors ce cri désespéré : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Pour celui qui ne connaît pas les Écritures ni le Psaume 22 que cite Jésus par ces mots, ils expriment le summum du désespoir : l’être humain au moment de la mort, parce qu’il doit tout quitter pour le néant, se sent abandonné de tous, même de Dieu. Jésus met des mots sur la plainte ultime et secrète de la souffrance insoutenable. En avouant cette souffrance, tout à fait injuste pour lui innocent, il l’assume pleinement et peut la surmonter.
De plus Jésus vit à cet instant la condition humaine qu’il a acceptée de vivre jusqu’au bout, la séparation totale et définitive d’avec Dieu, conséquence spirituelle du choix d’indépendance de l’homme, l’exclusion éternelle du monde des vivants. Jésus seul parmi les hommes peut en mesurer l’importance et le poids. Mais en même temps qu’il exprime l’horreur de son impression d’abandon de Dieu, il sait que Dieu est toujours « son Dieu », celui qu’il appelait « son Père » quelques heures plus tôt, dans la puissance duquel il affirme sa confiance malgré tout !
Par là, il offre à l’homme souffrant une voie différente face à la souffrance et à la mort. Ce n’est pas le stoïcisme des Grecs, ou même des postmodernes, qui acceptent la souffrance sans rien dire, et se blindent dans le silence devant la fatalité, en cherchant à la justifier comme inévitable et nécessaire à la croissance. Dans cette optique, il n’y a rien à faire pour améliorer le sort de ceux qui souffrent, que l’on finit par ne plus entendre ni considérer.
Ce n’est pas non plus la révolte de Job ou de Camus, accusant Dieu et les autres de leurs maux, sans se remettre en question eux-mêmes. Cette vision conduit à une vie active pour lutter contre la souffrance et la mort, dans un combat épuisant et souvent vain, qui puise ses forces en soi-même, sans distinguer sa propre faiblesse de mortel.
Jésus sur la croix, par ce cri qui rappelle à tout Juif pieux le Psaume 22 de confiance en Dieu dans et malgré la souffrance, permet à l’homme de vivre la douleur et d’affronter la mort – les siennes et celles des autres- sans les nier ni les rejeter : il les assume et les dépasse grâce à la conscience de la présence de Dieu malgré tout (douleurs physiques, morales, spirituelles, impression d’abandon et de solitude, réelle ou imaginée). Le Dieu personnel en qui l’on met sa confiance, n’abandonne pas son enfant malgré toute apparence du contraire. Comme à Getsémané où un ange vint fortifier Jésus, à la croix, un soldat étranger répond à son cri de souffrance extrême par un geste de compassion, en lui offrant une part de la boisson rafraîchissante que buvaient les légionnaires romains. Pour Jésus, abandonné des siens, ce geste dut paraître la réponse de son Père, qui rappelle les paroles de Jésus dans la parabole du Jugement des nations (Mt 25.37,40).
Le Psaume 22, qui décrit prophétiquement la Passion du Christ, se termine par des paroles de louanges et de paix : « Tu m’as répondu ! (22) Louez l’Éternel car il n’a ni mépris, ni dédain pour les peines du malheureux, il ne lui cache pas sa face, mais il l’écoute quand il crie à lui. »(25). Ainsi, Jésus, ayant rappelé à la mémoire des spectateurs juifs son espérance et sa confiance en Dieu, peut « rendre son souffle » avec la certitude que Dieu agira pour la vie, la sienne et celle de ses enfants.
- Les réactions à sa mort
Matthieu, l’évangéliste le plus proche des coutumes juives, relève les événements qui démontrent l’accomplissement en Jésus des « types » de l’Ancien Testament, et l’avènement d’une nouvelle vie.
Le voile du temple était censé cacher à la vue des sacrificateurs, l’arche de l’alliance contenant la loi, dans le Lieu Très-Saint. A l’époque de Jésus il n’y avait plus d’arche depuis la prise de Jérusalem par Nebucadnetsar en 586 av JC. Déchiré de haut en bas, donc par la volonté divine et non de main d’homme, le voile symbolisait la fin du système sacrificiel de l’Ancien Testament, nécessaire jusqu’à la mort de Jésus pour paraître devant Dieu, à cause du péché que la loi condamnait et qui faisait obstacle à la communication directe avec Dieu. Maintenant Christ a fait mourir dans sa mort la nature pécheresse de l’homme, qu’il avait choisi d’endosser, et l’accès direct à Dieu devient possible à celui qui reconnaît la valeur du sacrifice volontaire de Jésus.
Ce don physique et spirituel de lui-même est si important dans l’histoire du salut aux yeux des évangélistes, qu’ils y associent la nature. Après les ténèbres durant trois heures, viennent le tremblement de terre, l’éclatement des rochers, pour manifester la puissance de Dieu qui libère…jusqu’aux saints décédés précédemment. Seul Matthieu mentionne cet événement miraculeux que le Credo chrétien et l’iconographie ont transcrit par la « descente de Jésus aux enfers »d’où le Christ fait remonter Adam et Eve (selon le livre apocryphe de l’évangile de Nicodème, 2é ou 4é siècle). Matthieu précise qu’on n’aperçut ces ressuscités qui restent anonymes, qu’après la résurrection de Christ. Seule celle-ci consacrait l’œuvre salvatrice, libératrice de Jésus et la vie éternelle offerte aux saints, c’est-à-dire à ceux qui accordent confiance au Sauveur. Une interprétation d’Apocalypse 4.4 verrait dans les vingt quatre vieillards qui entourent le trône de l’Agneau, vêtus de blanc (symbole de leur justification) et couronnés d’or (symbole de leur victoire par la foi), ces ressuscités à l’heure de la mort de Jésus.
Ce que ses amis Juifs mettront tant de temps à comprendre, à cause de leurs préjugés nationaux et religieux et à cause de leurs sentiments pour l’homme Jésus, les non-Juifs le saisissent tout à coup, tant les événements de cette crucifixion et l’attitude de Jésus leur apparaissent extraordinaires : ils reconnaissent en Jésus le « Fils de Dieu », un être divin qui dépasse de loin la simple condition humaine (v 54).
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Quelles sont nos réactions personnelles et communautaires face à la souffrance et à la mort ?
- Savons-nous mettre des mots sur ce qui nous affecte, et écouter la plainte de l’autre qui passe par l’épreuve ?
- Évitons-nous la confrontation avec le souffrant et le mourant, en les ignorant ou en nous en éloignant ?
- Comment manifester notre compassion auprès des éprouvés de la vie, sans tomber dans la pitié condescendante ou méprisante, dans le « dolorisme » stérile de la complaisance dans la plainte et le regret, ou l’activisme de la révolte contre l’injustice de la vie ?
- En quoi l’attitude de Jésus à Getsémané et sur la croix, peut-elle m’aider et aider ma communauté à comprendre la volonté et la place de Dieu quand nous passons par l’épreuve, et à manifester sa présence aimante auprès de ceux qui souffrent ?
- Quelles conceptions erronées met-elle en lumière dans nos habitudes et nos idées contemporaines face à la mort et la souffrance ? (Nous recommandons à ce sujet la lecture du petit ouvrage du pasteur protestant Fritz Lienhard.
- Quels deuils externes et internes ai-je à assumer pour être parmi les « veilleurs » avec Christ ?
- Partageons en communauté ou en famille, les réponses de Dieu que nous avons perçues au sein des épreuves de cette année, et exprimons ensemble au Seigneur nos louanges pour sa présence aimante et réconfortante à chaque instant, ainsi que notre confiance pour la vie qu’il nous offre chaque jour, au cours de l’année qui s’ouvre.
Voici quelques promesses pour les jours sombres : Jérémie 31.3, 17, 25 ; 29.11 :
« Je connais les desseins que je forme à votre sujet –Parole de l’Éternel- desseins de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir fait d’espérance ! »
Commentaire du livre de Fritz Liénhard (Ed Olivétan, 2006) « Souffrance humaine et croix du Christ
« La souffrance, pourquoi ? Pas de réponse toute faite à cette question. L'auteur propose de comprendre les attitudes de différentes écoles de pensée, dans la littérature et la philosophie, avant d'aborder la lecture de plusieurs textes bibliques, ...pour réconcilier Dieu et les humains par-delà la souffrance ».
08:00 Publié dans Dans l'épreuve 3ètrim 22 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/09/2022
Étude n°12 : Mourir comme la graine, Jean 12.23-28 (17 09 22)
Étude n°12 : Mourir comme la graine, Jean 12.23-28 (17 09 22) Texte de l'AET : Philippiens 2.3-11, l'exemple de Christ.
« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » Jean 12.24
Observons
Le contexte
Jésus vient d’entrer à Jérusalem dans la liesse populaire des pèlerins de la Pâque. Certains d’entre eux, prosélytes d’origine grecque ont entendu parler de Jésus ; ils manifestent à deux apôtres leur désir de le voir. Jésus se saisit de cette prière pour faire comprendre à ses disciples ce qui l’attend, qui est à l’opposé de la gloire terrestre qu’ils espèrent (v 23-30). La demande des Grecs trouve une réponse détournée dans l’affirmation de Jésus, dans les versets 26, 31-32 : « J’attirerai tous les hommes à moi, quand j’aurai été élevé de la terre ! »
Le texte : v 23-28
Les mots-clés placés en parallèles, en opposition ou répétés, donnent la structure du texte :
l’heure 23 // 27 (x2) ;
glorifier 23 // 28 (x2), // honorer 26,
mourir 24 (x2) // perdre sa vie (25 (x2) ╪ conserver la vie 25,
vie dans ce monde ╪ vie éternelle,
aimer sa vie ╪ haïr sa vie,
ne pas mourir et rester seul ╪ mourir et porter du fruit,
servir = suivre Jésus,
servir Jésus = être honoré du Père 26.
- 23 : l’heure de la glorification du Fils de l’homme est venue
- 24-25 : Parabole du grain et son explication
a’) 26 : Honneur du serviteur, disciple de Jésus
b’) 27 : Vive émotion de Jésus devant son « heure »
a’’) 28 : Glorification de Jésus par Dieu.
Comprenons : A son arrivée à Jérusalem pour la dernière Pâque de son ministère terrestre, Jésus a été acclamé par une foule nombreuse qui pressent en lui le roi-messie attendu depuis la prophétie de Zacharie 400 ans auparavant (9.9). Alors que la popularité de Jésus à la suite de la résurrection de Lazare inquiète les Pharisiens (19), elle attire à lui des prosélytes grecs (= nouveaux convertis au judaïsme), ou des Juifs venant de Grèce pour la Pâque (20). Voir Jésus concrétise pour eux peut-être un désir d’être proches du personnage célèbre du moment, c’est prendre quelques miettes de sa gloire pour repartir dans leur pays fiers et auréolés de cette rencontre. Le conciliabule entre Philippe et André laisse supposer qu’ils discutent entre eux de l’opportunité de cette demande. Peut-être hésitent-ils à partager avec d’autres une intimité avec Jésus dont ils tirent gloire eux aussi.
Jésus voit dans le désir des Grecs des prémices de ce qui se passera lorsqu’il aura été réellement glorifié et honoré par le Père (32). L’expression « être élevé de terre » peut s’entendre physiquement comme Jean le comprend (33) : il s’agit de l’élévation humiliante et dramatique de la croix au-dessus du sol ; mais on peut aussi la comprendre spirituellement comme l’élévation glorieuse et magnifique de la résurrection et de l’ascension auprès de Dieu (Jn 20, Lc 24.51).
Cette élévation est mise en parallèle dans le texte avec la glorification, la fécondité du grain après la mort, le gain de la vie éternelle et l’honneur acquis par le disciple de la part du Père. Ce que réclament les Grecs leur part de gloire, leur sera donné s’ils acceptent de servir Jésus et de suivre son exemple. Pour leur faire comprendre ce que cela signifie, Jésus se compare à une graine mise en terre (= son incarnation), qui ne peut être féconde si elle ne meurt pas, si elle garde enclos en elle le germe de vie qui donnera une nouvelle pousse et un épi gonflé de nouveaux grains. L’incarnation de Jésus parmi les hommes ne suffit pas à les sauver, il lui faut mourir en tant qu’homme, pour que la vie divine qui est en lui s’épanouisse pleinement et profite à tous ceux qui le suivent.
Jésus donne lui-même une explication générale de sa parabole (25) : avoir la vie terrestre, physique et psychique (= l’âme), et vouloir la conserver pour sa jouissance personnelle, au détriment de sa vie spirituelle, conduit à sa perte définitive dans la mort physique et spirituelle. C’est se cantonner à l’horizon rapproché, sans vision lointaine. Devenue un obstacle à la communion avec Jésus, la vie terrestre ou amour de soi-même, doit être « haïe », rejetée. Ce n’est pas une incitation au suicide, comme on pourrait le croire ! Les textes parallèles de Luc 9.23-24, 14.26-27, Matthieu 10.37-40, 17.33, nous expliquent le sens de cette haine particulière. Aimer sa vie ou son âme dans ce monde, c’est s’aimer soi-même, chérir son « ego », ne pas se soucier de sa vie future, à l’exemple de la femme de Lot. C’est préférer le présent qui n’a comme fin que la mort, à l’amour pour Dieu et à son service, qui ont pour fin la vie éternelle avec lui. Les fils d’Elie (1 Sa 2.12 et suivants) ou Saül (1Sa 13.1-14) en sont des exemples dans l’Ancien Testament. L’amour de son moi égoïste et orgueilleux devient un obstacle à la relation avec Dieu et doit être « haï » et mourir.
Comme Jésus a refusé la tentation d’éviter la mort et la souffrance qui l’angoissaient, le disciple de Jésus est appelé à passer par la mort de son « moi » charnel (au sens biblique de non-régénéré par l’Esprit), avide de gloire passagère, pour être comme Jésus ressuscité et glorifié, honoré par le Père (26b), et rendu fécond, porteur de fruit, porteur de nourriture et de vie pour plusieurs autres (24b). C’est ainsi que Paul le comprit en écrivant aux Romains (12.1-2) d’offrir « leurs corps en sacrifice vivant et saint, agréable à Dieu, et de ne pas se conformer au siècle présent ». De même, porter sa croix (Mt 10.38), c’est mourir à soi-même en renonçant à tout ce qui fait obstacle à la vie de Dieu en soi, mourir comme la graine, comme Jésus qui a renoncé à la gloire humaine pour gagner la gloire éternelle (Phi 2.5-9), non seulement pour lui, mais aussi pour y entraîner ses disciples et serviteurs (26).
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- A quelle graine ressemblé-je : le grain de blé conservé à l’abri de toute « détérioration » dans une boite de l’armoire à provisions (= chrétien rempli de certitudes, de connaissance biblique, mais sans engagement profond dans l’église et auprès des autres), ou grain de froment semé en terre pour germer et donner des épis (= chrétien mêlé à son environnement, au service des autres avec abnégation, humilité et joie) ?
- Quel « amour » terrestre dois-je laisser mourir en moi pour suivre Jésus et devenir une graine féconde ? Mes amours terrestres ne sont-ils pas légitimes et nécessaires à la conservation et la croissance de la vie humaine ? Quand deviennent-ils un obstacle à ma relation avec Dieu ? Trouvez des exemples précis dans votre expérience.
- Comment surmonter mon angoisse devant la perspective de ma souffrance et de ma mort ?
- Que signifie pour moi et pour mon église « glorifier le nom de Dieu » dans la souffrance de l’épreuve ?
08:00 Publié dans Dans l'épreuve 3ètrim 22 | Lien permanent | Commentaires (0)