29/01/2016
Étude n°6 Victoire dans le désert Mat 4.1-11 (06 02 2016)
Étude n°6 Victoire dans le désert Mat 4.1-11 (06 02 2016)
« Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » Luc 19.10
(Miniature 15ès)
Texte : Mat 4.1-11
Observons
Le contexte
Jésus vient d’être baptisé dans le Jourdain par Jean le Baptiste, en Judée. Il a reçu de Dieu la confirmation de son identité de « Fils bien-aimé de Dieu, en qui Il a mis toute son affection » (3. 17). La puissance du Saint-Esprit est descendue sur lui sous forme d’une colombe pour l’aider à accomplir sa mission. (16)
Le texte
4.1 : Introduction : Conduit par l’Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable.
2-4 : Première épreuve : le pouvoir sur la nature (changement de pierres en pains)
5-7 : seconde épreuve : le pouvoir sur Dieu (se jeter du haut du temple)
8-10 : troisième épreuve : le pouvoir sur les hommes et leurs royaumes
12 : Conclusion : retrait temporaire du diable.
Questions pour observer :
- Par qui Jésus est-il conduit dans le désert ? Quel sens donner à la conjonction pour que : est-ce le but ou la conséquence ? Qu’est-ce que cela change sur le rôle du St Esprit ?
- Dans les deux premières tentations, par quoi le diable introduit-il sa proposition ? Que cherche-t-il par là ?
- Comment Jésus s’y prend-il pour contrer Satan ? Qu’est-ce que cela prouve de sa part ?
- Sur quoi la réponse de Jésus à la première tentation invite-t-elle à porter notre attention ?
- Quel argument utilise à son tour le diable dans la seconde tentation en citant le Ps 91.11-12 ? Quelle convoitise veut-il éveiller ?
- Quelle prétention a-t-il à la troisième tentation ? Que se garde-t-il bien de répéter dans cette troisième tentation ? Pourquoi ? Que veut-il éveiller en l’homme Jésus ? Qu’est-ce qui est en jeu dans cette tentation ?
- Comment Jésus le repousse-t-il ?
- Comment Dieu fortifie-t-il son Fils ?
-
Comprenons
Le contexte
Le baptême de Jésus est difficile à interpréter si l’on considère la nature divine de Jésus : il n’avait nul besoin de ce symbole de purification et de pardon des péchés ; il était parfaitement juste ! Si l’on considère son humanité de fils d’Adam, « semblable à ses frères en toutes choses » (Phi 2.7 ; Hb 2.17) sauf en ce qui concerne le péché, Jésus devait passer par les eaux du baptême pour signifier par un geste concret à la fois sa « mort », son renoncement à son ancienne vie de simple homme de Nazareth, anonyme et silencieux, et son engagement dans sa nouvelle vie publique et sa mission de Messie. Par ce symbole de mort et de résurrection (Rm 6) Jésus annonçait les caractères essentiels de sa vie terrestre et de sa mission de salut. L’approbation divine qu’il reçoit par l’envoi de l’Esprit, et sa reconnaissance par le Père comme Fils de Dieu lui confirment le bien-fondé de son acte symbolique, et lui donnent la plénitude de la puissance divine pour affronter une vie de douleur et de renoncement à soi, jusqu’au sacrifice de la croix et …une glorieuse résurrection.
Le texte.
1- L’introduction : Les trois récits de la tentation de Jésus (Mt 4.1 ; Mc 1.12 ; Lc 4.1) commencent tous par les mots « Poussé (chassé, jeté, conduit) par l’Esprit au désert, pour (Mt) y être tenté par le diable », « où (Marc et Luc) il était tenté par le diable pendant quarante jours ». Comment est-ce possible ? Dieu veut-il mettre en difficulté, éprouver son Fils, au risque de sa chute et de l’anéantissement de sa mission ? On retrouve cette prise de risque de Dieu dans l’Ancien Testament, dans les récits de l’envoi du peuple hébreu sorti de l’esclavage d’Egypte, sur le chemin du désert, où il se heurtera aux épreuves de la Mer Rouge (Ex 14), de la soif (Ex 15.22-27 ; 17.1-5) de la faim (Ex 16), ou de l’hostilité des voisins nomades (Ex 17.8-16). A chaque expérience, le peuple eut l’occasion d’éprouver sa confiance en Dieu, de purifier sa foi (1 Pi 1.6-7), de progresser dans sa marche avec Dieu physiquement et spirituellement.
De même le prologue de Job, si scandaleux à nos yeux, où Dieu donne délibérément à Satan le pouvoir d’éprouver son serviteur juste Job, peut nous amener à comprendre les versets introductifs de la tentation de Jésus.
L’intention de Dieu n’est pas que Jésus soit tenté (Jc 1.13), ou que Job souffre. Dieu cherche à éclairer son peuple, son serviteur Job, et même son Fils, sur leur état intérieur, sur le sens de leur vie, sur la profondeur de leur confiance en Lui, et sur la place qu’Il tient dans leur cœur et leurs décisions.
L’épreuve n’est pas un test sadique pour faire connaître à Dieu la résistance de ses enfants : Dieu connaît d’avance le cœur et la vie de chacun. L’épreuve est un test pour chacun de ses enfants, qui a besoin d’être confronté à lui-même, comme le sportif teste ses capacités dans des exercices progressifs. Dieu sait aussi que « dans le désert de la solitude, du silence, du dépouillement des préoccupations terrestres et matérielles, il pourra mieux préciser ses choix de vie (voir Gomer menée dans le désert pour découvrir sa réalité profonde et y entendre la voix de Dieu désirant renouveler son alliance avec elle : Osée 2.10-22).
Ainsi après l’engagement de Jésus dans sa mission,
Dieu l’envoie en « retraite », en « quarantaine », pour qu’il ait la claire conscience de ce qu’implique cette « mort » qu’il a mimée dans son baptême. Comme l’oiseleur qui couvre la cage et l’obscurcit pour apprendre à ses oiseaux à chanter une mélodie sans être distraits par l’environnement, dans la solitude et le jeûne, Jésus peut méditer sur les choix à faire pour remplir sa mission de Messie, Fils de Dieu, Sauveur. Marc dit qu’il était avec les bêtes sauvages et que les anges le servaient (1.13 ; Mt 4.11). Ces bêtes sauvages symboliseraient-elles les épreuves, les souffrances extérieures et intérieures qu’il affronta dans cette retraite, et qu’il maîtrisa grâce à la sollicitude de son Père et à son attachement à sa Parole ?
Le jeûne prolongé qu’il s’impose (Mat 4.2) n’est pas une simple purification physique, mais une préparation spirituelle et une consécration entière à sa relation avec Dieu. Aucune préoccupation extérieure ne doit disperser sa concentration.
2- La première épreuve (3-4)
Le diable, ou l’Adversaire, profite de la faiblesse physique de Jésus dont l’humanité est bien réelle puisqu’il éprouve le besoin de manger. Satan utilise ce besoin naturel et vital pour tenter Jésus et l’inciter à tester son pouvoir de Fils de Dieu pour son profit immédiat et élémentaire : se pourvoir en pain à partir des pierres du chemin, utiliser son pouvoir sur la nature pour sa satisfaction personnelle et matérielle. La tentation de l’égoïsme et du matérialisme se double d’une autre tentation plus subtile à laquelle l’homme n’a pas su échapper : l’abus du pouvoir humain sur la nature. Cet abus se manifeste aujourd’hui dans tous les domaines et provoque le mouvement de l’écologie pour sauver la planète : transformer des pierres en pain, c’est maintenant pour faire du profit, transformer des forêts en papier, épuiser les sources d’énergie non renouvelable, forcer génétiquement les céréales, engraisser chimiquement les champs, nourrir les animaux aux hormones ou aux farines animales, utiliser les embryons humains pour la recherche médicale ou bientôt le clonage, comme s’ils étaient de simples objets, pousser ses performances physiques et intellectuelles par des drogues ou des stupéfiants, changer son apparence physique par des chirurgies coûteuses. Toutes ces attitudes relèvent de la même tentation d’abuser de son pouvoir sur l’environnement naturel et sur sa propre nature humaine, au nom du profit qu’on peut en tirer.
Jésus repousse cette tentation en lui opposant les Écritures, qui élèvent la conscience des préoccupations matérielles à la satisfaction des besoins spirituels qui font de l’homme une créature à part dans le monde animal, un vis-à-vis et une image de Dieu (Gn 1.26-27). Sa nourriture spécifique est d’ordre spirituel : la Parole de Dieu ( Deut 8.3), qui éduque avec amour son peuple. Par ces mots, Jésus annonce aussi l’orientation de son ministère : amener l’homme à dépasser le terrestre, à ne pas s’en contenter, pour voir et entendre les réalités du monde spirituel divin.
3- La seconde épreuve (v 5-7)
(Tombeau d'Absalon près de l'angle du temple de Jérusalem)
Satan essaie de pousser Jésus à utiliser son pouvoir de Fils de Dieu pour accomplir sa mission sans passer par la mort ni la souffrance, grâce à un miracle extraordinaire. Puisque sa mission comprend la révélation de Dieu aux yeux des hommes, qu’il se révèle lui-même tout de suite comme possédant le pouvoir de Dieu, comme immortel et au-dessus des lois physiques du monde ! Les foules ébahies ne pourraient qu’être attirées par lui, puisqu’elles attendaient un Messie glorieux et tout puissant.
Pour Jésus, c’était la voie facile, le raccourci égoïste vers la gloire divine. Pour nous, cette tentation du pouvoir divin s’assimile à la présomption qui nous fait prendre la place de Dieu, en décidant par exemple de faire le tri par nous-mêmes entre le « bon grain » et « l’ivraie » (Mat 13.28-30), ou encore en prenant notre volonté pour celle de Dieu dans les décisions de la vie de famille ou d’église. Cette tentation est très subtile car elle se pare du voile de la religion, et même de la Parole de Dieu (Mat 4.6). On se réclame des promesses divines, on croit être dans la bonne voie, sans discerner qu’en fait on cherche à manipuler Dieu, à trouver des solutions plus rapides à sa place (voir l’histoire d’Abram et Agar, Gen 16.1-3 ou celle de Jacob, Gen 25.29-34 ; 27.1-29). On se leurre sur ses propres motivations profondes qui ne sont que la copie de la tentation originelle « Vous serez comme des dieux ! » (Gen 3.4-5), indépendants, immortels et tout puissants.
Jésus n’est pas dupe de cette utilisation de l’Ecriture par Satan, et de sa ruse. Pour la deuxième fois il repousse sa suggestion. Sa mission n’est pas de révéler un Dieu « surhomme » et glorieux, mais un Dieu qui aime tellement ses enfants qu’il est prêt à se sacrifier pour qu’ils aient la vie éternelle (Luc 19.10 ; Jn 3.16). Il répond du tac au tac par une autre parole de Dieu (Deut 6.16), qui prouve sa connaissance des Ecritures et sa confiance totale en Dieu.
A son exemple, pour repousser cette tentation de pouvoir divin, il nous est demandé d’accepter de passer par l’épreuve de notre foi. Dans les obstacles et les difficultés à surmonter, la foi est purifiée et fortifiée (1 Pi 1.7), car Dieu en nous remplissant de son Esprit nous donne les forces de traverser l’épreuve (1 Co 10.13), et d’en faire une occasion de croissance spirituelle.
4- La troisième épreuve (Mat 4. 8-12)
( les royaumes de la terre)
Ici encore nous trouvons une tentation d’abuser de son pouvoir, cette fois sur les hommes. C’est l’aspiration, ô combien universelle, de dominer les autres, d’avoir une emprise sur eux, de diriger leur vie selon sa propre vision. C’est une des conséquences de la séparation d’avec Dieu prophétisée au premier couple : (Gen 3.16) « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. » Les relations d’amour entre les hommes sont transformées en rapports de force. On retrouve aussi cette tentation dans l’histoire de Babel. L’unification du monde sous un seul pouvoir, avec une pensée unique (= un même langage) et un même projet mégalomane, conduisait à un totalitarisme universel, que Dieu vint empêcher, pour permettre à ses enfants de survivre, libres de le servir (Gen 11.1-9).
Jésus, en tant que Dieu, avait cette possibilité et même le droit, de diriger le monde. Comme au moment de la chute à la Création, il pouvait être tenté d’utiliser ce pouvoir glorieux après son incarnation. Mais celle-ci aurait été rendue vaine !
Lorsque Satan s’attribue le pouvoir sur les royaumes, et la capacité de le « donner à qui il veut », il prononce une demi-vérité : Depuis Adam qui la lui a abandonnée, il possède en effet la maîtrise du monde, mais il ne peut en disposer à sa guise, car il dépend de la volonté de l’homme d’accepter ou de rejeter l’offre satanique de la toute-puissance sur l’autre. Ce que Satan appelle se prosterner devant lui, l’adorer, c’est l’acceptation par l’homme de se soumettre à sa tyrannie, en obéissant aux désirs naturels d’un cœur sans Dieu.
Ainsi l’épreuve devient une occasion de choix : rester fidèle à Dieu comme Jésus, en se considérant comme un serviteur aimant (Mat 24.45-46 ; Luc 22.25-26 ; 2 Pi 5.5-6), et non un maître potentat (Mat 24. 49), ou s’imposer à l’autre et chercher à le dévorer. Ce second volet de l’alternative est à l’origine de tous les esclavages, anciens ou nouveaux : par exemple, dans le domaine du travail soumis aux principes de la productivité et de la rentabilité, on voit se multiplier les suicides de cadres trop stressés, ou à cause de la mondialisation, des familles entières au chômage, ou des enfants et des ouvriers misérables exploités dans les pays dits en développement ; dans le domaine des relations personnelles, les violences conjugales, les « crimes d’honneur », les meurtres religieux de nouveaux convertis chrétiens, se multiplient et causent de nombreuses victimes. Les exemples ne manquent pas au niveau mondial, mais qu’en est-il au niveau personnel ? La volonté de dominer l’autre peut motiver nos attitudes, souvent inconsciemment, et provoque violence verbale, mépris de l’autre, manipulations diverses, mensonge et vanité, qui pourrissent les relations.
Pour la troisième fois, Jésus repousse fermement son adversaire en le nommant (nommer quelqu’un, c’est se positionne en maître, c’est affirmer son pouvoir sur lui) ; il oriente ses regards sur la Parole de Dieu pour refuser de se soumettre à Satan, et rappeler le sens de la vie humaine : rendre un culte à Dieu, adorer son Seigneur. Cela implique l’abandon du désir de pouvoir (Phi 2.3, 6) et l’engagement dans un service les uns des autres pour la gloire de Dieu seul (Jn 13.14-15 ; 1 Co 6.20b).
Vainqueur de ces trois tentations, « types » des tentations primordiales de l’homme, Jésus, épuisé par cette lutte intérieure, reçoit le réconfort physique et spirituel des messagers angéliques « envoyés pour le servir » (v 12 ; Héb 1.14). On retrouve cette présence des anges tout au long de l’histoire terrestre de Christ, elle nous fait comprendre que nous ne sommes pas seuls dans nos luttes, et que dans l’épreuve, Dieu envoie le moyen d’être victorieux de nos démons intérieurs.(1 Cor 10.13)
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Dans la souffrance quelles sont mes plus grandes tentations : maudire Dieu comme la femme de Job (Job 2.9), me résigner et attendre que cela passe, refuser la situation et lutter pour éliminer à tout prix ma souffrance, ou éloigner la mort, faire de la situation une occasion de plaintes ou d’accusation des autres et imposer à mon entourage l’aigreur de mon caractère ? Comment puis-je éviter de retomber continuellement dans les mêmes schémas de comportement en réaction contre ce qui m’arrive de douloureux ?
- Comment puis-je faire de l’épreuve, si petite soit-elle (une vexation, une contrariété, un incident inopiné, etc.) une occasion de grandir dans la foi, dans l’amélioration de mon caractère et de mon comportement (= la sanctification), et dans le service des autres ?
- En quoi suis-je concerné(e) par les trois tentations de pouvoir (sur la nature, sur Dieu et sur les hommes) présentées à Jésus ? Que l’Esprit m’inspire et me guide pour discerner avec honnêteté les ressorts profonds de mes attitudes et de mes actes, et pour trouver en Dieu la force de repousser ces tentations !
- Par quelles expériences douloureuses ai-je conscience d’avoir appris à fortifier ma foi ? Comment ma relation à Dieu et aux autres en a-t-elle été modifiée ?
08:00 Publié dans Rébellion, Rédemption | Lien permanent | Commentaires (0)
22/01/2016
Étude n°5 La controverse continue, Néhémie 2 (30 01 16)
Étude n°5 La controverse continue, Néhémie 2 (30 01 16)
Je leur racontai comment la bonne main de mon Dieu était sur moi, et quelles paroles le roi m’avait adressées. Ils dirent : Levons-nous, bâtissons ! Et ils se fortifièrent dans cette bonne résolution » Néh 2.18 (G.Doré : Néhémie devant Jérusalem)
Observons le Chapitre 2 :
Les deux premiers chapitres sont à la 1è personne et rapportent un récit des événements vécus par Néhémie :
ch 1 situation de Jérusalem et réaction de Néhémie,
ch 2 intervention de Néhémie auprès du roi de Babylone et préparatifs de l'action.
- Quand débute l'action ?
v 1 au mois de Nisan, la 20è année d'Artaxerxès = premier mois de l'année religieuse des Juifs d'après l'exil, en mars ou avril, 4 mois après le mois de kislev (nov ou déc) qui est le premier mois de l'année civile des Juifs d'après l'exil.
- Par quoi débute-t-elle ?
v 1-8 une requête adressée au roi
-en saisissant au vol une occasion favorable (1)
-en priant silencieusement avant de parler au roi (4)
-en présentant une demande personnelle et non politique ("la ville des sépulcres de mes pères" et non Jérusalem)(5),
-en étant vrai (5)
-en étant précis et hardi (7-8)
-en reconnaissant la protection de Dieu (8)
- Quels sont les préparatifs de Néhémie à Jérusalem ?
v 9, 11,16 : trois jours de repos, de silence sur son projet, et de rencontres officielles.
v 12-15 : une inspection nocturne incognito de l'état des lieux,
v 17-18 : une convocation des responsables juifs, la communication de son projet visionnaire, le témoignage de l'exaucement de sa prière.
- Quelles furent les réactions immédiates à ce projet de reconstruction de la muraille de Jérusalem ?
v 18 : témoignage de Néhémie, union et enthousiasme des Juifs de Jérusalem pour ce projet.
v 10, 19-20 : opposition des Samaritains qui marquent leur déplaisir (10), leur moquerie et leur mépris (19), leurs menaces (19b),
v 20 : fermeté et confiance en Dieu de Néhémie (20a), rejet de ceux qui critiquent l'œuvre (20b).
Comprenons
Pour comprendre l’action de Néhémie il nous faut connaître ce que les chapitres suivants (3 à 6 et 12.27-43) nous relatent de la reconstruction des murs de Jérusalem. Nous les lirons sous deux optiques : l’histoire et la spiritualité.
A- Lecture historique
- Pendant les douze ans qui séparent l'arrivée d'Esdras de celle de Néhémie, les Juifs de Jérusalem, devant l'hostilité des habitants du pays, renforcée par le renvoi des femmes païennes, avaient sans doute entrepris la reconstruction de la muraille de la ville pour se protéger. Cela provoqua la dénonciation des Samaritains auprès d'Artaxerxès (Esd 4,6-23), qui, pour des raisons de politique extérieure où il était en difficulté, ordonna l'interruption et la destruction des travaux, dont Esdras n'avait pas reçu le mandat.
Néhémie, resté à la cour du roi, mais attentif à ce qui se passe à Jérusalem, ne manque pas d'aller aux nouvelles auprès de ceux qui en reviennent et en qui il a entière confiance. Les échanges de la capitale perse avec ses provinces dont faisait partie la Palestine, devaient être fréquents dans une situation politique troublée.
- La position en vue de Néhémie auprès du roi prouve que les rois de Perse depuis Nébucanetsar et Cyrus avec Daniel, Xerxès avec Esther et Mardochée, jusqu'à Artaxerxès avec Esdras et Néhémie, n'hésitaient pas à accorder leur confiance à des exilés Juifs. Dieu prépare des hommes capables d'exécuter son plan pour son peuple, et les place là où ils seront à même d'influencer les autorités païennes.
Esdras avait reçu la mission religieuse de rétablir l'ordre du culte à Jérusalem après la reconstruction du temple et le relâchement de la pratique religieuse, que le prophète Malachie commençait à dénoncer (on pense qu'il poursuivit son ministère sous Néhémie); mais Néhémie reçoit une mission civile de gouverneur, chargé de la reconstruction des murailles de la ville. L'influence qu'il a pu avoir sur le roi explique le nouveau revirement de celui-ci en faveur des Juifs.
- Esdras n'avait pas demandé d'escorte au roi pour accompagner les trésors rendus au Temple, pour prouver que Dieu prend soin concrètement de ce et ceux qui lui appartiennent. Néhémie en acceptant la protection du roi reconnaît l'autorité politique que Dieu a établie pour mener à bien sa mission civile et officielle. "Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l'aiment (Rm 8.28), le magistrat est serviteur de Dieu pour leur bien (Rm 13.4).
- La préoccupation de Néhémie pour Jérusalem est si profonde et si vive qu'il prend l'initiative de s'informer, il réagit avec grande émotion au récit de l'état de Jérusalem, il se tourne vers Dieu avec ferveur et humilité, il laisse se former en lui un projet de reconstruction, inspiré par Dieu, il saisit, malgré sa crainte du roi, l'occasion opportune pour s'en ouvrir à lui, enfin il agit avec prudence et énergie pour préparer l'exécution de ce projet.
- L'inspection des murailles donne un aperçu de ces murailles qu'il faut compléter par les noms donnés aux ch 3 et 12. Les différences entre les noms des portes et surtout le grand nombre de constructeurs pour une longueur relativement courte au sud et à l'est du Temple prêtent à discussion, mais peuvent se comprendre par les multiples brèches et destructions dans la muraille, et par les différences de hauteur et de largeur du mur.
Les matériaux sont souvent sur place à l’abandon, ce qui explique aussi la rapidité des travaux : 53 jours pour une longueur de 5km. Vu les menaces externes et internes, Néhémie avait intérêt à ne pas prolonger trop la mobilisation générale. Les bâtisseurs font preuve de persévérance, de courage, d’esprit de service et de solidarité, quels que soient leur niveau de responsabilité et leur rang social. Ils sont unis par une même entreprise et un même objectif : redonner à Jérusalem ses murs de protection, de façon à rétablir la sécurité du royaume.
- Le tour de la ville accompli par Néhémie part de l'ouest, à l'opposé du Temple, à la porte de la Vallée (aujourd'hui sans doute la porte de Jaffa), passe successivement du sud vers l'est puis le nord, par la porte du Fumier (vers la décharge publique de la Géhenne, au sud-ouest), la porte de la Source au sud du mont Sion, la porte des Eaux au-dessus du ravin du Cédron à l'est de Jérusalem et au sud-est du Temple, la porte des Brebis à l'angle nord-est du Temple, la porte des Poissons au nord de la ville, la Vieille Porte au nord-ouest, très proche de la porte d'Ephraïm, qui n'avait sans doute pas été détruite. La ville est donc entourée d'un mur aux sept portes dont le nombre et les noms sont chargés de symboles spirituels[1].
Nous n’avons retenu parmi les portes de la ville que celles qui ont des noms symboliques qui évoquent un parcours spirituel.
Esaïe (60.18b) déjà avait donné un sens symbolique spirituel aux portes et murailles de la ville, « Tu donneras à tes murailles le nom de salut et à tes portes celui de louanges », et Zacharie 2.9 prophétise : « Je serai pour Jérusalem une muraille de feu tout autour et je serai sa gloire au milieu d’elle ». Jésus se désignant lui-même comme la Porte du Royaume (Jean 10.9), nous avons pensé intéressant de prolonger cette lecture symbolique des portes de Jérusalem. Le parcours spirituel que leurs noms évoquent est celui que doit accomplir tout enfant de Dieu qui désire entrer dans le Royaume. Néhémie commence son tour de ville par la porte de la vallée. Suivons-le en donnant un sens symbolique à chaque porte :
Porte de la vallée : lieu de vie des hommes, où Dieu vient leur parler (Ez 3.22)
Porte du fumier : lieu où on jette les déchets, lieu de la repentance où on abandonne ses péchés
Porte de la source : lieu où l’on trouve Dieu, source de vie, où on est désaltéré, pardonné
Porte des eaux : lieu où on est purifié et vivifié = baptême
Porte des brebis : près du temple, porte par laquelle entre le troupeau de Dieu consacré à son service (Rom 12.1)
Porte des poissons : lieu où entrent tous les hommes appelés par Dieu (Luc 5.6-10)
Vieille porte : lieu où on abandonne sa vie ancienne, ses vieilles habitudes pour entrer dans la communion avec Dieu dans le temple.
Comme les deux cortèges de la dédicace (ch 12.31-40) évoquent la marche incessante vers le temple, lieu de rencontre avec Dieu, chacun est appelé à faire une marche progressive dans sa vie spirituelle, pour une rencontre toujours plus intime avec le Seigneur. S’il y a des arrêts ou des retours en arrière, Dieu est toujours là pour pardonner, accueillir, encourager à repartir, et soutenir dans les moments de ralentissement !
Les obstacles rencontrés
Les bâtisseurs ont à faire face à deux genres de difficultés, celles qui viennent de l’extérieur, les plus menaçantes apparemment, et celles qui viennent de l’intérieur, les plus sournoises et pernicieuses.
Face aux autorités en place et face au peuple, Néhémie se conduit comme un gouverneur réfléchi mais enthousiaste, et comme un homme de foi qui témoigne sans honte de son expérience avec Dieu.
Face aux opposants extérieurs, Samaritains apparentés aux juifs par alliance, mais païens d'origine pratiquant un syncrétisme religieux, Néhémie répond avec fermeté, s'appuyant sur la conscience qu'il a de n'avoir de compte à rendre qu'à Dieu, promoteur du projet, dont il est le serviteur. Sa perspicacité décèle la jalousie des opposants dont il refuse les critiques, et rejette les menaces, sachant que "si Dieu est pour lui, qui sera contre lui ?" (Ps 118.6 ; Rm 8.31).) L’attitude de Néhémie face à l’ennemi enseigne que la prière est la grande force du croyant face à l’Adversaire (Eph 6.18). Conscient de sa faiblesse, il se tourne vers Dieu qui le réconforte et lui donne discernement et courage.
La fermeté avec les armes de Dieu doit répondre à l’insistance et la variété des attaques (Eph 6.14-17 ; Jacques 4.7).
Les prières de vengeance de Néhémie (6.14 ; 13.29) s’expliquent par le désir de s’en remettre au juste jugement de Dieu, au lieu de penser à se venger lui-même. Le chrétien sait qu’il faut y ajouter la prière de pardon et de bénédiction pour les ennemis (Matthieu 5.44).
Les obstacles internes (ch 5)
Dans Jérusalem, l’immensité et la difficulté de la tâche (4.4) ont provoqué une vague de découragement. Puis l’attitude injuste des riches vis-à-vis de leurs frères pauvres a soulevé leurs plaintes justifiées : trop nombreux et sans ressources, ils souffrent de disette, ils ont hypothéqué leurs biens, n’ont donc plus de revenus, ils se sont endettés pour payer l’impôt du roi, au point de vendre leurs enfants comme esclaves des Juifs créditeurs !
Néhémie s’irrite violemment contre l’injustice et réprimande les responsables publiquement en dénonçant le paradoxe de la situation : les Juifs de Babylone ont racheté leurs frères, esclaves des étrangers, pour leur permettre de rentrer à Jérusalem, et ceux de Jérusalem se les revendent, les réduisant à nouveau en servitude. Son argumentation est fondée sur le souci du témoignage à l’extérieur (v 9). Il propose une solution qui va au-delà de la justice de la loi qui permettait le prêt sur gage (Deutéronome 24.10). Il agit selon la justice de l’amour en plaidant la cause des faibles et des pauvres : Que les créditeurs rendent les biens gagés et renoncent à réclamer les intérêts des prêts (v 11). Lui-même donne l’exemple du désintéressement total et de la générosité la plus grande dans l’exercice de ses fonctions de gouverneur (v 14-18). Ses mobiles n’étaient pas le goût du pouvoir ou de l’argent, mais la compassion et le sentiment de la justice, dominés par le souci de la glorification de Dieu par tous (v 9), le témoignage que lui et le peuple doivent donner aux étrangers qui les entourent.
Néhémie dans sa prière (v 19) rappelle qu’il a toujours désiré accomplir le plan de Dieu, et tenu compte de Lui dans sa vie, c’est pourquoi, il ose demander à Dieu sa bénédiction.
B Lecture spirituelle
Les murs du Royaume à reconstruire sont ceux du Salut (Esaïe 26.1). Ce mur sépare l’Église du monde et la protège de l’Adversaire, chaque croyant rempli du Saint-Esprit devient une parcelle de ce mur, un réparateur des brèches (EsaÏe 58.12). Si chacun accomplit sa tâche avec ardeur et persévérance, fondé sur la Parole de Dieu et l’Évangile du salut (symbolisé par l’épée à la main que portaient les bâtisseurs), l’édification de la Jérusalem spirituelle se fera rapidement et solidement (1 Pierre 2.4-5).
Il est aussi difficile aujourd’hui à beaucoup de croyants d’entrer dans les murailles du salut par engagement personnel. On préfère être chrétien individuellement, vivre sa foi dans son coin, sans communauté, plutôt que de partager le mépris ou l’ironie qui entourent l’Église de la part du monde, ou de se plier aux contraintes et atteintes à la liberté individuelle qu’entraine toute vie communautaire. Il faut choisir ce qu’on met en premier, son « moi » ou le service de Dieu et accepter de passer par les portes du salut à l’exemple d’Esdras et de Néhémie lors de la dédicace de la muraille.
Christ appelle tous les hommes à habiter à l’intérieur des murailles du salut qu’il a lui-même fondées, et à le servir avec fidélité, sans compromis avec le monde incroyant et idolâtre. Dans la Jérusalem spirituelle qu’est l’Église, Jésus est la muraille protectrice (Zacharie 2.9) et le temple (Apocalypse 21.22).
Néhémie préfigure le Christ, travaillant au bien de son peuple, intercesseur, gouverneur de l’Église, inspirateur de réveil et de réformes, compatissant au malheur. Il est l’exemple du croyant de la fin des temps qui travaille à rétablir les murailles du royaume pour le peuple de Dieu, c’est-à-dire à revenir sous la protection de Christ, son seul salut, et à marquer par son obéissance à la Parole de Dieu les limites de sa participation au monde.
Comment être bâtisseur du royaume ? En collaborant avec les autres pour faire connaître Dieu Créateur et Sauveur, en prenant comme fondement de sa foi et de sa pratique de vie la Parole de Dieu, qui est l’épée de l’Esprit, en mettant sa confiance en Dieu face aux difficultés, en manifestant concrètement l’amour de Dieu pour tous.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Comme disciple de Jésus-Christ, ai-je conscience de ma responsabilité personnelle dans l'état de mon église et dans l'œuvre de Dieu dans le monde ?
- Suis-je suffisamment ouvert à l'influence de l'Esprit pour discerner l'exaucement de mes prières, et le projet de Dieu pour ma vie ?
-Ai-je la confiance inébranlable en la grâce de Dieu qui ne peut rompre son alliance avec moi et avec son peuple ?
- Est-ce que je m'adresse à Dieu en toutes circonstances avec l'assurance d'être entendu ?
- Comment puis-je (ou mon Église peut-elle) témoigner de mon (son) expérience avec Dieu auprès des autorités, et leur demander une participation active à des projets en faveur de l'Église ?
- Quelles sont nos réactions personnelles ou collectives face aux moqueries et oppositions des incroyants ?
[1] Pour ceux qui s'intéressent à ce symbolisme, voir le livre paru à la Ligue pour la Lecture de la Bible "En piste ! Prier c'est passionnant." de Pierre-Yves Paquier, 1993, p 71 à 81 ; ce petit livre est très utile pour une semaine de prière communautaire ou personnelle.
08:00 Publié dans Rébellion, Rédemption | Lien permanent | Commentaires (0)