22/01/2016
Étude n°5 La controverse continue, Néhémie 2 (30 01 16)
Étude n°5 La controverse continue, Néhémie 2 (30 01 16)
Je leur racontai comment la bonne main de mon Dieu était sur moi, et quelles paroles le roi m’avait adressées. Ils dirent : Levons-nous, bâtissons ! Et ils se fortifièrent dans cette bonne résolution » Néh 2.18 (G.Doré : Néhémie devant Jérusalem)
Observons le Chapitre 2 :
Les deux premiers chapitres sont à la 1è personne et rapportent un récit des événements vécus par Néhémie :
ch 1 situation de Jérusalem et réaction de Néhémie,
ch 2 intervention de Néhémie auprès du roi de Babylone et préparatifs de l'action.
- Quand débute l'action ?
v 1 au mois de Nisan, la 20è année d'Artaxerxès = premier mois de l'année religieuse des Juifs d'après l'exil, en mars ou avril, 4 mois après le mois de kislev (nov ou déc) qui est le premier mois de l'année civile des Juifs d'après l'exil.
- Par quoi débute-t-elle ?
v 1-8 une requête adressée au roi
-en saisissant au vol une occasion favorable (1)
-en priant silencieusement avant de parler au roi (4)
-en présentant une demande personnelle et non politique ("la ville des sépulcres de mes pères" et non Jérusalem)(5),
-en étant vrai (5)
-en étant précis et hardi (7-8)
-en reconnaissant la protection de Dieu (8)
- Quels sont les préparatifs de Néhémie à Jérusalem ?
v 9, 11,16 : trois jours de repos, de silence sur son projet, et de rencontres officielles.
v 12-15 : une inspection nocturne incognito de l'état des lieux,
v 17-18 : une convocation des responsables juifs, la communication de son projet visionnaire, le témoignage de l'exaucement de sa prière.
- Quelles furent les réactions immédiates à ce projet de reconstruction de la muraille de Jérusalem ?
v 18 : témoignage de Néhémie, union et enthousiasme des Juifs de Jérusalem pour ce projet.
v 10, 19-20 : opposition des Samaritains qui marquent leur déplaisir (10), leur moquerie et leur mépris (19), leurs menaces (19b),
v 20 : fermeté et confiance en Dieu de Néhémie (20a), rejet de ceux qui critiquent l'œuvre (20b).
Comprenons
Pour comprendre l’action de Néhémie il nous faut connaître ce que les chapitres suivants (3 à 6 et 12.27-43) nous relatent de la reconstruction des murs de Jérusalem. Nous les lirons sous deux optiques : l’histoire et la spiritualité.
A- Lecture historique
- Pendant les douze ans qui séparent l'arrivée d'Esdras de celle de Néhémie, les Juifs de Jérusalem, devant l'hostilité des habitants du pays, renforcée par le renvoi des femmes païennes, avaient sans doute entrepris la reconstruction de la muraille de la ville pour se protéger. Cela provoqua la dénonciation des Samaritains auprès d'Artaxerxès (Esd 4,6-23), qui, pour des raisons de politique extérieure où il était en difficulté, ordonna l'interruption et la destruction des travaux, dont Esdras n'avait pas reçu le mandat.
Néhémie, resté à la cour du roi, mais attentif à ce qui se passe à Jérusalem, ne manque pas d'aller aux nouvelles auprès de ceux qui en reviennent et en qui il a entière confiance. Les échanges de la capitale perse avec ses provinces dont faisait partie la Palestine, devaient être fréquents dans une situation politique troublée.
- La position en vue de Néhémie auprès du roi prouve que les rois de Perse depuis Nébucanetsar et Cyrus avec Daniel, Xerxès avec Esther et Mardochée, jusqu'à Artaxerxès avec Esdras et Néhémie, n'hésitaient pas à accorder leur confiance à des exilés Juifs. Dieu prépare des hommes capables d'exécuter son plan pour son peuple, et les place là où ils seront à même d'influencer les autorités païennes.
Esdras avait reçu la mission religieuse de rétablir l'ordre du culte à Jérusalem après la reconstruction du temple et le relâchement de la pratique religieuse, que le prophète Malachie commençait à dénoncer (on pense qu'il poursuivit son ministère sous Néhémie); mais Néhémie reçoit une mission civile de gouverneur, chargé de la reconstruction des murailles de la ville. L'influence qu'il a pu avoir sur le roi explique le nouveau revirement de celui-ci en faveur des Juifs.
- Esdras n'avait pas demandé d'escorte au roi pour accompagner les trésors rendus au Temple, pour prouver que Dieu prend soin concrètement de ce et ceux qui lui appartiennent. Néhémie en acceptant la protection du roi reconnaît l'autorité politique que Dieu a établie pour mener à bien sa mission civile et officielle. "Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l'aiment (Rm 8.28), le magistrat est serviteur de Dieu pour leur bien (Rm 13.4).
- La préoccupation de Néhémie pour Jérusalem est si profonde et si vive qu'il prend l'initiative de s'informer, il réagit avec grande émotion au récit de l'état de Jérusalem, il se tourne vers Dieu avec ferveur et humilité, il laisse se former en lui un projet de reconstruction, inspiré par Dieu, il saisit, malgré sa crainte du roi, l'occasion opportune pour s'en ouvrir à lui, enfin il agit avec prudence et énergie pour préparer l'exécution de ce projet.
- L'inspection des murailles donne un aperçu de ces murailles qu'il faut compléter par les noms donnés aux ch 3 et 12. Les différences entre les noms des portes et surtout le grand nombre de constructeurs pour une longueur relativement courte au sud et à l'est du Temple prêtent à discussion, mais peuvent se comprendre par les multiples brèches et destructions dans la muraille, et par les différences de hauteur et de largeur du mur.
Les matériaux sont souvent sur place à l’abandon, ce qui explique aussi la rapidité des travaux : 53 jours pour une longueur de 5km. Vu les menaces externes et internes, Néhémie avait intérêt à ne pas prolonger trop la mobilisation générale. Les bâtisseurs font preuve de persévérance, de courage, d’esprit de service et de solidarité, quels que soient leur niveau de responsabilité et leur rang social. Ils sont unis par une même entreprise et un même objectif : redonner à Jérusalem ses murs de protection, de façon à rétablir la sécurité du royaume.
- Le tour de la ville accompli par Néhémie part de l'ouest, à l'opposé du Temple, à la porte de la Vallée (aujourd'hui sans doute la porte de Jaffa), passe successivement du sud vers l'est puis le nord, par la porte du Fumier (vers la décharge publique de la Géhenne, au sud-ouest), la porte de la Source au sud du mont Sion, la porte des Eaux au-dessus du ravin du Cédron à l'est de Jérusalem et au sud-est du Temple, la porte des Brebis à l'angle nord-est du Temple, la porte des Poissons au nord de la ville, la Vieille Porte au nord-ouest, très proche de la porte d'Ephraïm, qui n'avait sans doute pas été détruite. La ville est donc entourée d'un mur aux sept portes dont le nombre et les noms sont chargés de symboles spirituels[1].
Nous n’avons retenu parmi les portes de la ville que celles qui ont des noms symboliques qui évoquent un parcours spirituel.
Esaïe (60.18b) déjà avait donné un sens symbolique spirituel aux portes et murailles de la ville, « Tu donneras à tes murailles le nom de salut et à tes portes celui de louanges », et Zacharie 2.9 prophétise : « Je serai pour Jérusalem une muraille de feu tout autour et je serai sa gloire au milieu d’elle ». Jésus se désignant lui-même comme la Porte du Royaume (Jean 10.9), nous avons pensé intéressant de prolonger cette lecture symbolique des portes de Jérusalem. Le parcours spirituel que leurs noms évoquent est celui que doit accomplir tout enfant de Dieu qui désire entrer dans le Royaume. Néhémie commence son tour de ville par la porte de la vallée. Suivons-le en donnant un sens symbolique à chaque porte :
Porte de la vallée : lieu de vie des hommes, où Dieu vient leur parler (Ez 3.22)
Porte du fumier : lieu où on jette les déchets, lieu de la repentance où on abandonne ses péchés
Porte de la source : lieu où l’on trouve Dieu, source de vie, où on est désaltéré, pardonné
Porte des eaux : lieu où on est purifié et vivifié = baptême
Porte des brebis : près du temple, porte par laquelle entre le troupeau de Dieu consacré à son service (Rom 12.1)
Porte des poissons : lieu où entrent tous les hommes appelés par Dieu (Luc 5.6-10)
Vieille porte : lieu où on abandonne sa vie ancienne, ses vieilles habitudes pour entrer dans la communion avec Dieu dans le temple.
Comme les deux cortèges de la dédicace (ch 12.31-40) évoquent la marche incessante vers le temple, lieu de rencontre avec Dieu, chacun est appelé à faire une marche progressive dans sa vie spirituelle, pour une rencontre toujours plus intime avec le Seigneur. S’il y a des arrêts ou des retours en arrière, Dieu est toujours là pour pardonner, accueillir, encourager à repartir, et soutenir dans les moments de ralentissement !
Les obstacles rencontrés
Les bâtisseurs ont à faire face à deux genres de difficultés, celles qui viennent de l’extérieur, les plus menaçantes apparemment, et celles qui viennent de l’intérieur, les plus sournoises et pernicieuses.
Face aux autorités en place et face au peuple, Néhémie se conduit comme un gouverneur réfléchi mais enthousiaste, et comme un homme de foi qui témoigne sans honte de son expérience avec Dieu.
Face aux opposants extérieurs, Samaritains apparentés aux juifs par alliance, mais païens d'origine pratiquant un syncrétisme religieux, Néhémie répond avec fermeté, s'appuyant sur la conscience qu'il a de n'avoir de compte à rendre qu'à Dieu, promoteur du projet, dont il est le serviteur. Sa perspicacité décèle la jalousie des opposants dont il refuse les critiques, et rejette les menaces, sachant que "si Dieu est pour lui, qui sera contre lui ?" (Ps 118.6 ; Rm 8.31).) L’attitude de Néhémie face à l’ennemi enseigne que la prière est la grande force du croyant face à l’Adversaire (Eph 6.18). Conscient de sa faiblesse, il se tourne vers Dieu qui le réconforte et lui donne discernement et courage.
La fermeté avec les armes de Dieu doit répondre à l’insistance et la variété des attaques (Eph 6.14-17 ; Jacques 4.7).
Les prières de vengeance de Néhémie (6.14 ; 13.29) s’expliquent par le désir de s’en remettre au juste jugement de Dieu, au lieu de penser à se venger lui-même. Le chrétien sait qu’il faut y ajouter la prière de pardon et de bénédiction pour les ennemis (Matthieu 5.44).
Les obstacles internes (ch 5)
Dans Jérusalem, l’immensité et la difficulté de la tâche (4.4) ont provoqué une vague de découragement. Puis l’attitude injuste des riches vis-à-vis de leurs frères pauvres a soulevé leurs plaintes justifiées : trop nombreux et sans ressources, ils souffrent de disette, ils ont hypothéqué leurs biens, n’ont donc plus de revenus, ils se sont endettés pour payer l’impôt du roi, au point de vendre leurs enfants comme esclaves des Juifs créditeurs !
Néhémie s’irrite violemment contre l’injustice et réprimande les responsables publiquement en dénonçant le paradoxe de la situation : les Juifs de Babylone ont racheté leurs frères, esclaves des étrangers, pour leur permettre de rentrer à Jérusalem, et ceux de Jérusalem se les revendent, les réduisant à nouveau en servitude. Son argumentation est fondée sur le souci du témoignage à l’extérieur (v 9). Il propose une solution qui va au-delà de la justice de la loi qui permettait le prêt sur gage (Deutéronome 24.10). Il agit selon la justice de l’amour en plaidant la cause des faibles et des pauvres : Que les créditeurs rendent les biens gagés et renoncent à réclamer les intérêts des prêts (v 11). Lui-même donne l’exemple du désintéressement total et de la générosité la plus grande dans l’exercice de ses fonctions de gouverneur (v 14-18). Ses mobiles n’étaient pas le goût du pouvoir ou de l’argent, mais la compassion et le sentiment de la justice, dominés par le souci de la glorification de Dieu par tous (v 9), le témoignage que lui et le peuple doivent donner aux étrangers qui les entourent.
Néhémie dans sa prière (v 19) rappelle qu’il a toujours désiré accomplir le plan de Dieu, et tenu compte de Lui dans sa vie, c’est pourquoi, il ose demander à Dieu sa bénédiction.
B Lecture spirituelle
Les murs du Royaume à reconstruire sont ceux du Salut (Esaïe 26.1). Ce mur sépare l’Église du monde et la protège de l’Adversaire, chaque croyant rempli du Saint-Esprit devient une parcelle de ce mur, un réparateur des brèches (EsaÏe 58.12). Si chacun accomplit sa tâche avec ardeur et persévérance, fondé sur la Parole de Dieu et l’Évangile du salut (symbolisé par l’épée à la main que portaient les bâtisseurs), l’édification de la Jérusalem spirituelle se fera rapidement et solidement (1 Pierre 2.4-5).
Il est aussi difficile aujourd’hui à beaucoup de croyants d’entrer dans les murailles du salut par engagement personnel. On préfère être chrétien individuellement, vivre sa foi dans son coin, sans communauté, plutôt que de partager le mépris ou l’ironie qui entourent l’Église de la part du monde, ou de se plier aux contraintes et atteintes à la liberté individuelle qu’entraine toute vie communautaire. Il faut choisir ce qu’on met en premier, son « moi » ou le service de Dieu et accepter de passer par les portes du salut à l’exemple d’Esdras et de Néhémie lors de la dédicace de la muraille.
Christ appelle tous les hommes à habiter à l’intérieur des murailles du salut qu’il a lui-même fondées, et à le servir avec fidélité, sans compromis avec le monde incroyant et idolâtre. Dans la Jérusalem spirituelle qu’est l’Église, Jésus est la muraille protectrice (Zacharie 2.9) et le temple (Apocalypse 21.22).
Néhémie préfigure le Christ, travaillant au bien de son peuple, intercesseur, gouverneur de l’Église, inspirateur de réveil et de réformes, compatissant au malheur. Il est l’exemple du croyant de la fin des temps qui travaille à rétablir les murailles du royaume pour le peuple de Dieu, c’est-à-dire à revenir sous la protection de Christ, son seul salut, et à marquer par son obéissance à la Parole de Dieu les limites de sa participation au monde.
Comment être bâtisseur du royaume ? En collaborant avec les autres pour faire connaître Dieu Créateur et Sauveur, en prenant comme fondement de sa foi et de sa pratique de vie la Parole de Dieu, qui est l’épée de l’Esprit, en mettant sa confiance en Dieu face aux difficultés, en manifestant concrètement l’amour de Dieu pour tous.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Comme disciple de Jésus-Christ, ai-je conscience de ma responsabilité personnelle dans l'état de mon église et dans l'œuvre de Dieu dans le monde ?
- Suis-je suffisamment ouvert à l'influence de l'Esprit pour discerner l'exaucement de mes prières, et le projet de Dieu pour ma vie ?
-Ai-je la confiance inébranlable en la grâce de Dieu qui ne peut rompre son alliance avec moi et avec son peuple ?
- Est-ce que je m'adresse à Dieu en toutes circonstances avec l'assurance d'être entendu ?
- Comment puis-je (ou mon Église peut-elle) témoigner de mon (son) expérience avec Dieu auprès des autorités, et leur demander une participation active à des projets en faveur de l'Église ?
- Quelles sont nos réactions personnelles ou collectives face aux moqueries et oppositions des incroyants ?
[1] Pour ceux qui s'intéressent à ce symbolisme, voir le livre paru à la Ligue pour la Lecture de la Bible "En piste ! Prier c'est passionnant." de Pierre-Yves Paquier, 1993, p 71 à 81 ; ce petit livre est très utile pour une semaine de prière communautaire ou personnelle.
08:00 Publié dans Rébellion, Rédemption | Lien permanent | Commentaires (0)
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