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22/07/2022

Étude n°5  Le feu de l’épreuve  Genèse 22.1-14 (30 07 22)

Étude n°5  Le feu de l’épreuve  Genèse 22.1-14 (30 07 22); texte de l'AET : 2 Cor 11.22-30 : les épreuves de Paul dans son ministère.Abraham sacrifie Isaac fresque.jpg
 (fresque de Nicolas Greschny, église de Chatel-Guyon, 20è s )

"Brisé par la souffrance, il a été approuvé par l’Éternel. Après s'être livré en sacrifice pour les péchés, il verra une descendance et prolongera ses jours, car la volonté de l’Éternel s'accomplira par lui" Esaïe 53.10.

Observons Genèse 22.1-14 : L'épreuve suprême d'Abraham

Le contexte

A quel moment de la vie d'Abraham se place ce récit ? Quelles comparaisons peut-on faire entre les ch 21 et 22.

Le texte

1-2 : L’ordre éprouvant de Dieu : Qui  sont les personnages ? Quel ordre donne Dieu ? Dans quel but ? Où envoie-t-il Abraham ? Qu'est-ce que cela signifie prophétiquement ?

3-8 : La montée vers Morija du père et du fils : Que prennent-ils ? Quelles paroles échangent-ils ? Qu'est-ce qui caractérise leur marche ? Comment se marque la confiance en Dieu du père et du fils ?

9-14 : le sacrifice d’Abraham arrêté par Dieu : A quel moment Dieu arrête-t-il Abraham ? Par quoi remplace-t-il Isaac ?  Comment Abraham réagit-il à cette épreuve ?

Comprenons

Le contexte

Le chapitre 22 marque le point culminant de l’expérience de vie d’Abraham avec son Dieu. Il est particulièrement intéressant de faire une étude comparative entre ce texte et celui de Genèse 21.8-21.

Dans les deux passages on trouve des similitudes frappantes :

1- Abraham doit se séparer d’un fils

2- Une promesse céleste est faite au sujet d’un grand peuple qui sortira de ce fils.

3- Abraham se lève tôt et fait les préparatifs.

4- Abraham donne à Agar du pain et une outre d’eau qu’il place sur son épaule. Il place le bois et un couteau sur Isaac.

5- Le fils en question est en danger de mort.

6- L’ange de Dieu intervient en ces deux instants dramatiques.

7- Agar voit le puits d’eau. Abraham voit le bélier.

8- Dieu demande à Abraham d’écouter ce que lui demande Sara. Abraham  écoute la voix de Dieu.

9- Agar doit prendre son fils par la main. Abraham et Isaac marchèrent ensemble.

10- Ismaël habita le désert de Paran. Isaac habite avec Abraham à Beer-Shéba. 

Les deux chapitres ne peuvent pas être lus séparément. Dans les deux cas, les gens sont mis à l’épreuve au sujet de la vie d’un enfant. Dans les deux cas Dieu intervient et transforme l’épreuve en bénédiction. Les deux fils sont l’objet d’une promesse de Dieu. Même si pour Isaac, Dieu a un tout autre plan que pour Ismaël, il est tout aussi bienveillant à  l’égard de chacun d'eux.

Dieu parlait à Abraham et lui apparaissait (littéralement : se laissait voir). On peut donc dire qu’Abraham était un voyant ou un prophète (20.7). Tout au long de sa vie Abraham a fait des expériences avec Dieu. Ses rencontres devenaient toujours plus intimes et plus intenses. Il y a pourtant une grande différence entre la première (12.1) et la dernière rencontre avec Dieu (22.1)!

12.1 : Abraham part vers l’inconnu, laissant derrière lui son pays, sa région natale, et la maison de son père. Il quitte le monde de ses pères et tout ce qui faisait son passé.

22.1 : Abraham part vers l’inconnu, laissant son espérance (une nombreuse postérité, un grand nom, la possession de Canaan). Il quitte le monde de ses fils et tout ce qui fait son avenir !

La première fois, il sait qu’il va vers la promesse, la dernière fois, il sait (pour autant qu’il puisse savoir) qu’il va vers l’annulation de la promesse, par sa propre main, puisqu’il doit tuer le fils sur lequel repose la promesse !

Dans les deux cas la réaction d’Abraham force l’admiration : il ne parle pas, il agit. Il se révèle, comme dans d’autres circonstances, l’homme de la confiance en Dieu (foi) qui se manifeste par l’obéissance. Ce n’est pas pour rien qu’il est appelé le père de la foi.

Le texte

A) v 1-2 : L’ordre extravagant de Dieu: Pourquoi Dieu donne-t-il cet ordre incompréhensible de sacrifier Isaac, l’enfant héritier de la bénédiction qui doit s’étendre à toutes les nations ? C’est en pleine contradiction avec ses promesses, et avec la loi « Tu ne tueras pas ! » qu’Il révélera à Moïse plus tard (Ex 20.13). Dieu peut-il se contredire (Mal 3.6) ? Philippe Augendre, pasteur et psychologue, propose une explication intéressante. Dieu ferait à Abraham une « prescription paradoxale », pour stimuler sa réflexion et épurer sa foi, de façon à le faire grandir dans la sanctification, « jusqu’à la stature parfaite de Christ » (Eph 4.13) :

« Abraham porte en lui son passé, une manière de pen­ser, de croire et de vivre, des habitudes fa­mi­­liales et cultu­­relles. Il n’en est pas responsable, mais c’est un facteur très lourd de ré­sis­tance au chan­ge­ment. Dé­jà, quand une personne a des cri­tères ex­ternes précis, éthiques ou re­li­gieux, l’évo­lu­tion mentale est diffici­le. A com­bien plus forte rai­son en l’absence de modèles. Com­ment pourrait-il prendre conscien­­ce du ca­rac­tère anor­mal ou malsain de certaines de ses convictions ou de ses conduites ? Il lui faudra être bous­­culé par les révélations de Dieu, pour que soit épurée sa pratique reli­gi­eu­se et mora­le. Elle le sera, peu à peu, à tra­vers beau­coup de luttes et de souffrances…

A l’épo­que, le poly­thé­is­me et les sacri­fi­ces sanglants étaient la rè­gle ; les in­fan­ticides et les sa­cri­­fi­ces hu­mains étaient cou­rants, jugés méri­toires… Quand on voit Ra­chel déro­ber les dieux de son père (Gn 31.30) ou plus tard les men­­ti­ons de sacri­fi­ces hu­mains, on doit ces­­ser d’ima­giner Ab­ra­­­­ham pen­sant et agis­sant com­­­me s’il était notre contem­­porain. Dire cela ce n’est pas dé­va­loriser Abra­ham. C’est rendre enco­re plus grande l’exem­plarité de sa vo­ca­tion et de son par­cours de confrontation avec tout ce qui, en lui, le freine. Car aucun humain n’est mature d’emblée. C’est bien après l’âge de cent ans, lors de l’épisode - le plus célèbre et le plus difficile à lire - de la ligature d’Isaac, qu’il va tou­cher un des som­mets de la foi et de l’obéis­san­ce. Poi­gnante occasion de franchir une étape déci­si­ve contre ses obscurités, dans la com­pré­hen­sion de Dieu… et de lui-même.

Ce récit nous parle du monde idolâtre mé­so­po­tamien et cananéen du XIXes. av. J.C. C’est un ana­chronisme de penser qu’Abraham avait une claire révélation du Dieu de Jésus-Christ. Fils de son temps, le sum­mum de l’obéis­sance et de la consécra­tion, c’était, pour lui, d’offrir ce qu’il avait de plus pré­cieux. C’est dans ce contex­te qu’il faut ab­or­der ce récit. Autrement, et bien que l’é­preu­ve se ter­mi­ne au der­nier mo­­ment par la substitution d’un bé­lier, l’or­dre divin se­rait vrai­ment trop ré­vol­tant. Du moins tel qu’il a été traditionnelle­ment et im­­pru­dem­ment com­­pris. Com­­ment Dieu pourrait­-il réclamer un tel acte, être non seule­ment en contra­diction avec ses propres com­man­dements, mais surtout se montrer si cruel ? L’in­terpré­tation de ce pas­sa­ge ne peut être ni pré­ci­pi­tée ni convenue.

Plusieurs com­men­­ta­teurs nient ce sens donné à l’exigence divine. Cer­tains rab­­­bins ont soutenu que ce n’était pas Dieu mais Satan qui avait souf­flé cela à Abraham. D’autres ont pen­sé qu’Abraham avait attribué à Dieu ses pro­pres pensées ou qu’il a mal compris l’ordre de Dieu. Au XIe s. déjà, S. Isaac, surnom­mé Ra­chi, écrivait (Cité par M. Balmary, Le sacrifice interdit, Grasset, 1986, p. 197. L’auteur est psychanalyste et croyante) : « Litté­ra­­le­ment, "fais-le monter". Dieu ne lui dit pas : Im­mole-le. Le Saint, Béni soit-il, ne voulait nul­lement cela, mais seulement le faire mon­ter sur la mon­tagne pour donner à la per­son­ne d’Isaac le caractère d’une of­fran­­de à Dieu ». M. Bal­ma­ry traduit « élève-le en élé­­va­­­tion ». Le pa­triarche au­rait in­ter­pré­té un appel à consa­crer son fils selon les pratiques de son épo­que, en ter­me d’holo­causte. Ces explica­tions sont inté­res­san­tes, mais elles  posent aussi des diffi­cul­tés. En tous cas, elles montrent la difficulté et la complexité de ce tex­te. 

D’autres éléments doivent être pris en compte. Il est explicitement fait référence à une "difficulté" (=épreu­ve, 1ère apparition de ce mot dans la Bible). Or, le N.T. révèle que la dif­fi­cul­té/ten­ta­tion ne vient pas de Dieu (Ja 1.13), mais de nous ou du système dans le­quel nous vivons ; elle est destructrice et peut me­n­er à la mort. Le Dieu de la Vie ne le veut pas. La volonté de mort ne vient pas de Lui, elle est la consé­quence du péché. Si Dieu inter­vient ce n’est pas en cré­ant la dif­fi­­cul­té (néga­tive), mais, au contrai­re, en s’op­po­sant à cet­te pul­­sion de mort, en pro­po­­sant une para­de : sa trans­­formation (Ja 1.2, 3) en épreu­­ve (po­si­tive) vers la vic­toire et la vie. L’esprit général de la Révéla­tion enseigne la suprématie de la Vie sur la mort. La difficulté et la ten­ta­tion vont dans le sens de la mort. L’épreu­ve, qui vient de Dieu, est, sur le terrain même de l’ennemi, un renverse­ment de perspective dans le sens de la Vie et un chemin avec Dieu vers la victoire.

Dans cette perspective in­ter­prétative, le texte difficile de Gn 22 nous dit quel­que chose de très im­por­tant. La convergence des avis de théolo­giens et de psy­cho­lo­gues à ce su­jet ou­vre une au­tre voie pour tenter de dé­pas­ser son hor­reur ap­pa­rente… La psychanalyse a fait connaî­tre cette part d’ombre qui est en l’hom­me et dont la pulsion de mort repré­sente l’aspect le plus aigu. C’est un premier point. Mais elle n’est pas la seule à pouvoir éclai­rer ce drame. La thérapie systémique et la psy­cho­logie ani­male aussi sont instruc­ti­ves : deux paraboles mo­­dernes essaieront d’en rendre compte.

Premier exemple : dans certains trou­bles psy­cho­logi­ques, le théra­peute, en vue de gué­rir le mala­de et le faire pro­gresser, doit pres­crire le sym­­p­tô­me. C’est ce qu’on ap­pel­le les thé­ra­pies para­do­­xales. Parfois cette solution est la seule, compte tenu de la per­ver­sion du système de fonctionne­ment dans lequel se meut le pa­tient. Ça fait mal, mais c’est efficace. Il n’est donc pas im­pensable que Dieu fasse de mê­me et pres­cri­ve l’épreuve pour ané­an­tir le cadre de réfé­rences patholo­giques, en l’oc­cur­rence le pa­ga­nis­me interne et externe d’Abraham qui paralyse le plan du salut.

Deuxième exem­ple : le langage princi­pal des hommes de la Bible est la langue  ana­lo­gique (ou para­bo­­li­que). Celui-ci n’a pas de particules de liaison com­me oui, non, et, ou, si, donc, etc., qui articu­lent le langage analytique. Dès lors, com­ment, par exemple, dire « non » en langage ana­logique ? Le seul moyen, c’est de mimer l’acte jusqu’au bout et de s’arrêter au dernier moment[1]. Ne serait-ce pas le cas de Dieu avec Abraham ? Dieu veut lui ap­pren­­dre quelque cho­­se de dif­fi­cile mais de vital. C’est une question de vie ou de mort pour le peuple qu’Abraham va engen­drer et pour le plan du salut. Alors Dieu « prescrit » ce qui va dans le sens des idées commu­nément admises et du seul lan­gage compré­hensible à l’époque. Mais le dé­nou­e­­ment va révéler le sens du projet et faire éclater, avec plus de vigueur encore, sa vo­lonté idéale. « La vérité ultime du récit est que Dieu ne veut pas la mort de l’homme, mais sa vie, que Dieu ne ressem­ble pas aux divi­nités cana­néennes … il s’agit de provo­quer la conversion d’Abra­ham qui semble admet­tre que Dieu puisse lui demander ce sacrifi­ce-là. Abraham avait besoin de faire l’expé­ri­en­ce concrète que Dieu ne voulait pas la mort de son fils[2] ». Ain­si, Dieu se révèle pro­­gres­sive­ment, pédago­gi­quement à Abraham et révèle en outre Abraham à lui-même, lui permettant de donner le meilleur. Car Abra­ham a été sincère, au­then­tique. L’erreur n’est pas la faute. Même si sa foi-croyan­ce était ru­di­mentaire (com­ment aurait-il pu en être au­tre­ment ?), sa foi-confi­an­ce est admirable et achevée (Hé 11.17). La gan­gue gros­sière de ses concep­tions païennes doit voler en éclats pour découvrir le cris­tal pré­cieux de la vérité à laquelle rendait hom­ma­ge son enga­ge­ment total. C’est celui-ci que Dieu retient. Par là, Dieu permet à Abra­ham de vivre une étape plus aboutie de consé­cra­tion... Dieu, regarde au cœur et ne tient pas compte de la sombre erreur d’Abraham ; mais il ne veut ni ne peut l’y laisser. Il l’appelle à la dépas­ser pour décou­vrir la grâce de la vie et de la vérité… Dieu demande donc à Abraham l’im­pensable. S’en­suit un vo­ya­ge et trois jours d’an­gois­se  af­fec­tive et gé­néa­lo­gi­que. » (Citation avec l’accord de l’auteur).

 B) La montée vers Morija :

Ces trois jours de marche sont tout à fait symboliques du chemin spirituel et affectif d’Abraham et de son fils. Trois jours sont dans la Bible la durée nécessaire pour qu’une action soit accomplie parfaitement. Cette montée commence par une obéissance rapide à l’ordre de Dieu, apparemment sans questionnement et dans un silence qui suggère le travail intérieur Abraham sacrifie Isaac.jpgd’Abraham. En effet, au bout de ce temps de méditation, en « levant les yeux », Abraham semble être parvenu à une conclusion de ses réflexions, qui le porte à regarder à Dieu, symbolisé par le mont Morija (2, 4), lieu où seront construits Jérusalem et le Temple, et lieu où Christ sera crucifié, et ressuscité. (Illustration, Psautier danois)

Qu’a compris Abraham dans cette méditation silencieuse ? Sans doute pas encore tout le sens de l’action que Dieu lui demande : il lui faudra aller jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime geste pour frapper son fils (10) ! Mais déjà il pressent que Dieu ne peut renier sa promesse de descendance qui repose sur Isaac, et qui a été si souvent répétée. Il ne sait pas encore comment Dieu la tiendra, mais il annonce à ses serviteurs que son fils et lui, ils reviendront après leur adoration (5). Et à Isaac qui s’inquiète de l’agneau pour l’holocauste, Abraham affirme avec foi que Dieu y pourvoira lui-même (7-8). Ce qui fait dire à l’auteur de l’épître aux Hébreux (11.19) qu’Abraham « comptait que Dieu est puissant, même pour faire ressusciter d’entre les morts ». Abraham est « monté » de la croyance en une divinité qu’il faut amadouer par le sacrifice de ce qu’on a de plus précieux,  jusqu’à la foi confiante dans la puissance de l’Éternel qui peut ressusciter !

L’épreuve  imposée par Dieu pour le purifier de tout ce qui n’est pas la foi dans la grâce divine aboutit à l’holocauste du bélier substitué à Isaac, en reconnaissance pour la vie de son fils ; celle-ci devenait le gage de sa propre vie éternelle, selon la croyance vétérotestamentaire, où la descendance permettait au nom de l’ancêtre de subsister dans la suite des temps. Par cette épreuve terrible mais pédagogique, Abraham expérimente une relation nouvelle avec Dieu où il accède à une plus grande connaissance de Dieu et à la maturité de la foi (Eph 4.13). 

C) Les différents sens du sacrifice d’Isaac (Mosaïque de Monreale, Sicile)Abraham et Isaac mosaïque.jpg

1- Pour Abraham, l’homme de l’Ancien Testament : A son époque et dans sa culture, les sacrifices humains d’enfants ou d’adultes, étaient courants en Canaan et aux alentours. On offrait à la divinité ce à quoi on tenait le plus, en général le premier-né de ses enfants ou de son troupeau, pour obtenir en retour la faveur du dieu. L’Ancien Testament mentionne de tels sacrifices (2 Rois 16.3 ; 21.6 ; 23.10), tout en les rejetant énergiquement (Exode 13.13 ; 34.20 ; Michée 6.7-8). En lui demandant ce sacrifice, puis en l’interrompant à la dernière minute, Dieu veut apprendre à Abraham que :

- Il ne veut pas de sacrifice humain, et qu’il doit rompre avec les coutumes courantes et les influences de la société où il vit.

-  cette épreuve permettait à Abraham de mieux se connaître, de savoir jusqu’où il était prêt à aller pour Dieu. Dieu n’avait pas besoin de preuves de la foi d’Abraham, il la connaissait parfaitement. C’est Abraham qui avait besoin de connaître ses limites.

Ainsi Abraham dut sacrifier ce qui lui était le plus cher, son fils, qui représentait son avenir immédiat. En s’abandonnant totalement à Dieu, Abraham a pu mesurer sa propre foi. Il  a retrouvé ensuite son fils, après le sacrifice de ses espérances personnelles, il l’a vu grandir, se marier, avoir des enfants. Il a ainsi vu se multiplier et s’étendre à plusieurs la bénédiction qu’il avait reçue.

2- Pour Abraham, le croyant de tous les temps :

Dieu apprend au croyant que le sacrifice qu’il offre ne sert pas à amadouer Dieu ni à acheter sa faveur : celle-ci lui est acquise avant même le sacrifice. Dieu est un Dieu bon, qui veut bénir et sauver. Le sacrifice du croyant est un geste de foi et de reconnaissance pour sa bonté ! Dieu n’attend du croyant qu’une démarche de confiance en Lui et d’obéissance à Sa volonté qui n’est jamais arbitraire ni égoïste, même si elle n’est pas toujours immédiatement compréhensible.

Abraham montre sa confiance en Dieu  en disant “ Oui, je t’écoute (v 1,11), en faisant les préparatifs dès le lendemain tôt (v 3), en affirmant aux serviteurs “ nous reviendrons ! ” (v 5), et en disant à Isaac que “ Dieu pourvoira lui-même à l’agneau ”(v 8).

Isaac montre sa confiance en son père en « marchant ensemble » avec son père (v 6b et 8b) et en se laissant lier par son père sur l’autel (v 9). Il aurait très bien pu se défendre et bousculer son père pour échapper à la mort ! Isaac, comme son père abandonna complètement sa vie entre les mains de Dieu !

Le croyant est appelé à vivre avec Dieu une relation de confiance semblable à celle de ces deux hommes de foi et d’obéissance.

3- Pour Abraham, le prophète : le texte de Hébreux 11.19 nous permet de comprendre que Dieu voulait révéler à Abraham le plan du salut pour l’homme. Abraham a vécu ce que Dieu lui même accomplirait plus tard en Jésus-Christ qui descendrait de lui. Comme Abraham a marché ensemble avec Isaac, Dieu accompagnera Jésus dans sa marche vers le lieu du sacrifice de Golgotha. C’est sur le Mont Morija, à Jérusalem, que le temple de Salomon fut construit (2 Chr 3.1), sur l’aire d’Ornan où l’ange de l’Éternel avait arrêté la peste qui allait détruire Jérusalem, à la suite du recensement ordonné par David (Chr 21.15-18 ;). Dieu y annonçait la victoire de Christ sur la mort par son sacrifice préfiguré par tous les  sacrifices qui furent célébrés dans le temple. Par extension, on dit que la montée de Jésus à Jérusalem fut sa montée à la mort, ...et à la résurrection.

Isaac a porté le bois comme Jésus  portera la croix. Isaac s’est laissé lier sur l’autel, comme Jésus se laissera clouer sur la croix. Isaac a retrouvé la vie, comme Jésus ressuscitera. La seule différence est dans la mort réelle et volontaire que Jésus a assumée.

La substitution du bélier à Isaac enseignait à Abraham la substitution que Dieu a consentie en Jésus pour que l’homme puisse vivre. Isaac à ce niveau ne représente plus seulement le Christ, il nous représente chacun individuellement. Nous sommes pécheurs, séparés de Dieu, et nous allons à la mort éternelle. Mais Dieu intervient et substitue son propre fils, pour que nous ne soyons pas anéantis. A nous de le croire, comme Abraham l’a cru et a utilisé le bélier-Jésus à la place de son fils, cette fois-ci dans un sacrifice d’actions de grâces pour cette “ sorte de résurrection ”! (Héb 11.17-19)

Ce plan du salut, absolument impossible à saisir par nos esprits humains naturels (1 Corinthiens 2.14) Dieu le met à notre portée par son Esprit (1 Corinthiens 2.12), grâce à cet épisode de la vie d’Abraham. Nous avons l’avantage sur Abraham, de vivre après la réalisation en Jésus de cette prophétie . Abraham ne put que pressentir ce jour et le saluer de loin (Hébreux 11.13). Et il s’en est réjoui à l’avance (Jean 8.56).

 Ce texte est essentiel pour  présenter Dieu comme un Dieu d’amour et de salut, qui veut la vie et non la mort, et qui va jusqu’à se donner lui-même en son fils, pour que chacun puisse vivre. Toute la Bonne Nouvelle est là ! 

Questions pour une application dans la vie chrétienne :

  • Par quelle(s) épreuve(s) purificatrice(s) ai-je dû passer pour mieux comprendre qui est Dieu et ce qu’il veut de moi ?
  • Comment faire de toute épreuve (légère ou pesante), une occasion de grandir dans la sanctification et la foi ? En quoi ce récit de la vie d’Abraham peut-il être un exemple et une aide pour moi dans cette démarche ?
  • Jusqu’où suis-je prêt(e) à aller dans ma relation avec Dieu ? Quelles fausses idées, quelles coutumes Dieu me demande-t-il d’abandonner et de « lier sur son autel », pour le servir et l’adorer « en esprit et en vérité » ? (Voir les entretiens de Jésus avec Nicodème et la Samaritaine (Jean 3 et 4).
  • Comment nos liturgies de culte peuvent-elles nous aider à « marcher ensemble » dans l’adoration et la reconnaissance du sacrifice salvateur de Christ ? Nous rendent-elles conscients du plan du salut voulu dès les origines par Dieu et réalisé en Jésus-Christ ? Le déroulement de ces liturgies nous permet-il de revivre la montée d’Abraham vers Morija et sa découverte de l’amour inconditionnel et de la grâce infinie de Dieu ? Et si Dieu faisait de ces liturgies des « épreuves » de notre foi, des occasions de l’épurer de fausses croyances et de coutumes culturelles, étrangères à la relation qu’il désire nouer avec son Église et avec chacun de nous ?

[1] Ce que nous apprend le langage animal essentielle­ment analogi­que. Le fait a été bien étudié chez des loups. Lorsque deux mâles se battent pour la conquê­te d’une meute, l’un des deux doit être éliminé. A l’ultime moment le perdant se couche à terre offrant sa gorge au vain­queur. Celui-ci saisit l’autre à la gorge mais n’accom­plit pas son geste jusqu’au bout. Façon analogique de dire « non » : je pourrais te tuer, je ne veux pas, je ne le ferai pas.

  (2). Sesboué, Les récits du salut, (Jésus-Christ, l’unique médiateur, t. 2), Paris : Desclée, 1991, p. 60.

 

Annexe : Texte choisi par l’AET : 2 Cor. 11.22-30

Quelle accumulation de souffrances dues à la persécution à cause de son ministère d’apôtre ! Paul les énumère non pour se glorifier (ce serait une folie ! v1, 16-17), mais pour s’opposer aux faux docteurs judéo-chrétiens, qui se vantaient de leur descendance d’Abraham et de leurs rapports avec les apôtres de Jérusalem (v 22). S’ils se disent « serviteurs de Christ », lui, Paul, peut l’affirmer encore plus (v 23), ses souffrances le prouvent ! Outre les persécutions subies, il est assailli en son for intérieur (son âme) de préoccupations et d’inquiétudes pour les Églises dont il partage les difficultés spirituelles (v 28-30). Il se sent solidaire de tous les faibles, tous les rejetés, et va jusqu’à « se glorifier » de cette faiblesse, car elle permet à Dieu de manifester sa puissance, comme il le dira un peu plus loin (12.9).

Loin de nous plaindre de notre situation de chrétiens, sujette au mépris, aux sarcasmes, voire au rejet d’une société matérialiste, nous sommes invités par Paul à considérer nos difficultés comme des occasions d’affirmer et affermir notre foi en Dieu, notre seul Consolateur !

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