06/12/2013
Etude n°11 : Notre message prophétique, Ap 10 à 11.2 (14 12 13)
« Je vis un autre ange qui volait au milieu du ciel ; il avait un Evangile éternel, pour l’annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, tribu, langue et peuple. Il disait d’une voix forte : Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l’heure de son jugement est venue ; et prosternez-vous devant celui qui a fait le ciel, la terre, la mer et les sources d’eau ! » Ap 14.6-7
(Tapisserie d’Angers, 14ès : l’ange au petit livre)
Observons Ap 10 à 11.2
Le contexte : Les chapitres 8 et 9 constituent la séquence des 6 trompettes. La 7ème trompette suit notre passage, en 11.15-19, après avoir relaté la vision des deux témoins prophètes (11.2b-14)
Le texte :
Il comprend 4 paragraphes : v 1-4 : L’ange au petit livre et les 7 tonnerres
v 5-7 le serment de l’ange
v 8-10 : le petit livre
v 11 à 11.2 : la mission
Observons chaque paragraphe :
1- L’ange au petit livre : Quelle est sa description ? A qui peut-il être identifié ? Où se situe-t-il ? Que tient-il dans la main ? A qui est-il comparé ? A quoi est assimilé son cri ? Que fait le visionnaire ? Quel ordre reçoit-il ?
2- Le serment de l’ange : Par qui jure l’ange ? Quelles sont les deux parties de son serment ? Examiner les indications temporelles ( temps des verbes, compléments de temps, adverbes) : en quoi permettent-elles de situer la réalisation de cette prophétie dans l’histoire? Comment est qualifié le « mystère de Dieu » ?
3- Le petit livre : Qui s’adresse au prophète ? Comment est qualifié le petit livre tenu par l’ange ? A quoi, à contrario, cela fait-il allusion pour permettre de l’identifier? Quels effets contrastés produit ce petit livre sur le prophète ?
4- La mission : Quel adverbe de temps l’accompagne ? Quelle est son étendue ? En quoi consiste-t-elle ? Quel message annonce-t-elle ? Quelles expressions permettent de lier les versets d’Ap10.6, 11 et 11.1-2 à Ap 14.6-7 ? A quoi se réfèrent les images du début du ch 11 (Ez 40-41) ? A quoi se limite ce qui est demandé au prophète ?
Comprenons : Ce texte est très long à interpréter en groupe et demande beaucoup d’attention dans l’étude personnelle ! Il faudra choisir en groupe les détails les plus importants. Pour faciliter ce choix, voici un large extrait du livre de Evelyne Zuber « L’Apocalypse, un message d’espérance », (Ed Thélès) qui donne une interprétation détaillée de ce passage, selon la méthode biblique, d’explication de la Bible par la Bible seule.
Le contexte : « Les chapitres 10 et 11 ont été longtemps considérés comme des appendices, ou des parenthèses, sans lien réel avec ce qui précède. Pourtant ils nous apparaissent comme intimement liés à la sixième trompette ! En effet, face au tableau des événements funestes révélés par les six trompettes, le peuple de Dieu pourrait être inquiet et déstabilisé. Viennent alors ces deux chapitres qui sont destinés à réconforter l’Église de ces derniers temps d’incrédulité et de rébellion. Dans la séquence des sceaux, le chapitre 7 venait répondre à la question « Qui pourra subsister ? », par le tableau des fidèles scellés ; de même, les chapitres 10 et 11, sont situés à l’intérieur de la sixième trompette, offrant la face positive de l’histoire de cette époque. Ils ne se situent pas chronologiquement à la suite des événements décrits avec les chevaux et les sauterelles, mais ils recouvriraient l’ensemble de la période des trompettes, révélant ce que vit l’Église pendant le déroulement de ces avertissements[1].
Le texte
1- L’ange au petit livre Jean voit apparaître un ange puissant portant le petit livre ouvert (ch 10.1-4).(Illustration de Zabou)
L’ange puissant, descendant du ciel, enveloppé d’une nuée, rappelle les textes, où l’Éternel marche devant son peuple dans une colonne de nuée[2]. Pour le psalmiste (Ps 104.3) : « Dieu prend les nuées pour son char », alors que Daniel contemple (7.13) l’arrivée « sur les nuées des cieux de quelqu’un de semblable à un fils d’homme ». Les nuées des cieux peuvent être une image des armées angéliques qui entourent le Seigneur.
L’arc en ciel au dessus de sa tête est le signe de l’alliance de Dieu avec l’humanité au temps de Noé (Gn 9.13, 16). Ezéchiel le voit aussi dans sa vision du Tout-Puissant : « Tel l’aspect de l’arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l’aspect de cette lumière éclatante qui entourait la forme d’homme assise sur le trône. C’était l’image de la gloire de l’Éternel » (Ez 1.28). L’éclat de cette apparition est renforcé par « le visage comme le soleil, et les pieds comme des colonnes de feu ». Nous avons déjà vu cette description au ch 1.15-16. Tel est apparu Jésus à la transfiguration (Mt 17.2) ou sur le chemin de Damas à Paul (Ac 26.13). On peut donc identifier ce personnage céleste au Christ lui-même, messager de Dieu auprès de son peuple.
« Il posa son pied droit sur la mer et son pied gauche sur la terre » (v 2) :
Mer et terre en opposition symbolisent les nations et le peuple de Dieu (Es 57.20). Christ affirme ici sa domination sur tous les peuples, par sa position et par le rugissement de lion qu’il fait entendre comme sept tonnerres (v 3-4).
Lorsque Dieu énonce un jugement, suggéré par l’image du lion, ses sentences résonnent comme le tonnerre aux oreilles des hommes (Jn 12.28-31). Ainsi Anne, la mère de Samuel, déclare dans sa prière prophétique (1 S 2.10): « Les ennemis de l’Éternel trembleront, du haut des cieux il lancera sur eux son tonnerre. L’Éternel jugera les extrémités de la terre, il donnera la puissance à son roi, il relèvera la force de son Oint » ; Jérémie de même avertit (Jr 25.30-31) : « L’Éternel rugira d’en haut...Il rugira contre le lieu de sa résidence, il poussera des cris contre tous les habitants de la terre ». Ce verset explique aussi le rugissement de lion du Christ-Roi, le lion étant symbole de puissance seigneuriale et victorieuse[3]. Au v 4 du chapitre 10 de l’Apocalypse, Dieu le Père, dans sa miséricorde, demande au prophète de ne pas révéler les paroles de ses jugements exprimés par les sept tonnerres, contre le peuple infidèle et les nations païennes, de peur que la terreur ne l’emporte sur la confiance qu’il veut voir régner entre ses enfants et lui.
2- Le serment de l’ange
Aux versets 5-7, l’ange au petit livre prononce un serment solennel.
Ce passage est situé au centre du texte du ch 10 ; il est encadré par la présentation de l’ange au petit livre ouvert que l’on identifie au Christ, et par la description des effets de ce petit livre sur le prophète. Sa situation nous indique qu’il porte le message central du chapitre.
« Il jura en levant la main droite au ciel, par celui qui vit éternellement et qui a créé le ciel, la terre, et la mer » (v 5-6) : l’attitude de la main et le serment par l’Éternel et le Créateur donnent aux paroles prononcées une valeur absolue : la personne au nom de laquelle on prête serment est garante de la vérité des paroles prononcées et de la fidélité au serment de celui qui jure. Jurer par l’Éternel, semble être le serment suprême. L’ange de l’Éternel jura par lui-même à Abraham de le bénir après le sacrifice d’Isaac (Gn 22.16). Ésaïe[4] rapporte le serment de Dieu, appelant les hommes à se tourner vers Lui. Dieu s’engage tout entier dans sa promesse : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je le jure par moi-même, la vérité sort de ma bouche et ma parole ne sera pas révoquée : tout genou fléchira devant moi, toute langue jurera par moi. ». Ésaïe et Jérémie (12.16a) évoquent la possibilité donnée aussi aux hommes de jurer par l’Éternel, comme signe de leur reconnaissance de Dieu : « S’ils jurent par mon nom, en disant : l’Éternel est vivant ! alors, ils jouiront du bonheur au milieu de mon peuple. »
Le contenu du serment est double :
a- Il n’y aura plus de temps : le mot employé est « chronos » qui désigne ordinairement le temps dans son déroulement, sa durée, comme dans Ezéchiel 12.25-28 : « Car moi, l’Éternel, je parlerai ; ce que je dirai s’accomplira, et ne sera plus différé...Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Il n’y aura plus de délai dans l’accomplissement de mes paroles ! » Le Seigneur signifie à son prophète déjà exilé, que la destruction totale de Jérusalem et de son temple est imminente. Peu après, en effet la nouvelle de sa chute sera rapportée à Ezéchiel par un survivant[5]. Toutefois le mot est employé par Daniel 7.25 : « un temps, des temps et la moitié d’un temps » pour indiquer une durée d’action, et par voie de conséquence une date prophétique, un terme.
La première partie du serment de l’ange d’Apocalypse 10 indique soit qu’il n’y a plus de délai à l’exécution des paroles de Dieu : placé à la sixième trompette cet avertissement invite à se tenir sur ses gardes et à prêter attention aux paroles de Dieu car le « temps est court » (1 Co 7.29) ; soit qu’il n’y a plus d’indication de date pour fixer la fin du temps des trompettes[6].
b- « Aux jours de la voix du septième ange, quand il s’apprêtera à sonner de la trompette, le mystère de Dieu s’accomplira, comme il en a annoncé la bonne nouvelle à ses serviteurs les prophètes » : La voix du septième ange à la trompette recadre ce serment dans l’ensemble de la section des trompettes : le serment est prononcé par Christ à la fin de la sixième trompette. L’ange de la septième trompette s’apprête à sonner.
Qu’est-ce que le « mystère de Dieu »? Le mot « mystère » désigne à l’époque de Jean la révélation à des initiés de quelque chose qui a été tenu caché jusqu’alors au reste du monde. Paul emploie l’expression « mystère de Dieu » plusieurs fois :
« J’ai été fait ministre de l’Église, selon la charge que Dieu m’a donnée auprès de vous, afin que j’annonce pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tous temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, à savoir : Christ en vous, l’espérance de la gloire », «...qu’ils soient enrichis d’une pleine intelligence pour connaître le mystère de Dieu, savoir Christ, mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science », « Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu avant les siècles, avait destinée pour notre gloire »[7].
Dans Apocalypse 10.7, ce « mystère de Dieu » est présenté comme une bonne nouvelle annoncée aux prophètes, ce qui confirme la parole d’Amos 3.7 : « Le Seigneur ne fait rien sans avoir révélé son secret à ses serviteurs les prophètes ».
Le rapprochement de tous ces textes permet de définir quel est le mystère de Dieu qui se révèlera à la septième trompette : c’est Christ, dont la présence parmi ses serviteurs sera enfin clairement visible par tous. C’est l’aboutissement de tout le plan du salut par Jésus-Christ, dont les prophètes ont eu connaissance au fil des siècles et que la création entière attend avec impatience avec « la révélation des fils de Dieu »[8]. La révélation du peuple de Dieu enfin rassemblé sous l’autorité de Christ, tel que l’enquête préliminaire l’aura déterminé, et que la proclamation des sentences de Dieu le fera connaître (Ap 11.18), constitue l’espérance de la création en général et du peuple des croyants en particulier. (Tableau de Memling 15ès, détail)
3- Le petit livre : Jean voit qu’un petit livre est ouvert[9] dans la main de l’ange qui lui est apparu. L’ange le lui offrit à manger, lorsque le prophète le lui demanda. Que peut donc être ce « petit livre ouvert » ?
Une comparaison entre Ezéchiel 3 et Apocalypse 10 fait apparaître des similitudes frappantes :
Éz 3.1 : « Fils de l’homme, mange ce rouleau, et va, parle à la maison d’Israël »
Éz 3.3 : « Je le mangeai, et il fut dans ma bouche doux comme du miel »
Ap 10.10 : « Je pris le petit livre de la main de l’ange et je l’avalai ; il fut dans ma bouche doux comme le miel, mais quand je l’eus avalé, mes entrailles furent remplies d’amertume. »
La scène du petit livre ouvert est aussi à mettre en parallèle avec la scène de Daniel 12. Dans les deux textes de Daniel 12 et d’Apocalypse 10 nous avons :
- un livre scellé puis ouvert, (Dn 12.4 et Ap 10.2,8-10)
- un personnage sur le fleuve ou la mer (Dn 12.6-7 et Ap 10.2,5,8)
- un serment solennel, debout, main levée (Dn 12.7 et Ap 10.6)
- une indication de temps : un temps, deux temps et la moitié d’un temps (Dn 12.7); et Ap 10.6 : il n’y a plus de temps,
- un dialogue entre le personnage céleste et le prophète (Dn 12.8-13 et Ap 10.8-11).
On peut donc sans grand risque de se tromper considérer la scène d’Apocalypse comme achevant la prophétie qui avait débuté en Daniel.
Le livre des prophéties révélées à Daniel, que l’ange lui avait ordonné de sceller pour « les temps de la fin », est vu par Jean ouvert et mangé, donc lu et compris, mais seulement par son peuple : le mystère de Dieu révélé à Daniel est enfin saisi par les croyants des temps de la fin selon la prophétie de Daniel : « Plusieurs alors le liront et la connaissance augmentera » [10].
Pourquoi la lecture de ce livre procure-t-elle une sensation de douceur au palais, et d’amertume aux entrailles ? Le miel est dans la Bible symbole de la douceur et du pouvoir de guérison des jugements ou des paroles de Dieu, selon les Psaumes « Les jugements de l’Éternel sont vrais, ils sont tous justes. Ils sont plus précieux que l’or, que beaucoup d’or fin ; ils sont plus doux que le miel, que celui qui coule des rayons », ou « Que tes paroles sont douces à mon palais, plus que le miel à ma bouche ! », ou encore le Proverbe: « les paroles agréables sont un rayon de miel, douces pour l’âme et salutaires pour le corps »[11]. La lecture des prophéties concernant le jugement de libération du peuple de Dieu, procure au croyant une grande joie et une grande espérance.
Les entrailles sont le siège des émotions les plus profondes comme Jérémie le fait dire à Dieu : «Ephraïm est-il pour moi un fils chéri, un enfant qui fait mes délices ? Car plus je parle de lui, plus encore son souvenir est en moi ; aussi mes entrailles sont émues en sa faveur : j’aurai pitié de lui, dit l’Éternel [12]». Le prophète exprime ainsi sa compassion pour son peuple : « Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles bouillonnent, ma bile se répand sur la terre, à cause du désastre de la fille de mon peuple... ». Jérémie s’écrit encore : « Mes entrailles, mes entrailles ! Je souffre au dedans de mon cœur, le cœur me bat, je ne puis me taire, car tu entends, mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre» [13]. Siège de la compassion, de la pitié, de l’amour pour le peuple accablé de souffrances, les entrailles sont aussi le siège du repentir : « Éternel, regarde ma détresse ! Mes entrailles bouillonnent, mon cœur est bouleversé au-dedans de moi, car j’ai été rebelle »[14].
Le message que le prophète doit recevoir et assimiler, est doux à goûter, car il vient d’un Dieu d’amour, mais il est amer à la compréhension, parce qu’en avertissant du jugement de Dieu, il pousse à la fois à la repentance du cœur, et à la compassion pour les autres, susceptibles d’être atteints par les fléaux annoncés par la trompette.
On comprend alors mieux pourquoi, après avoir éprouvé de tels sentiments à la lecture et à la compréhension du petit livre de Daniel, le prophète se voit confier la mission de prophétiser encore ou de nouveau (v 11) ! N’est-ce pas l’enseignement spirituel de tout ce passage ? Les avertissements de Dieu pendant le temps des trompettes, sont des signes annonciateurs de la délivrance du peuple de Dieu, bonnes nouvelles douces à entendre par les serviteurs de Dieu qui les reçoivent. Ils sont aussi des appels qui travaillent le cœur et le poussent au repentir et à la compassion pour les autres, afin de leur annoncer le plan du salut pendant qu’il est encore temps.
Traditionnellement, les chrétiens adventistes se sont reconnus dans cette vision, sur plusieurs plans :
- Historiquement, au 19ème siècle, au sein des mouvements de Réveil, des chrétiens protestants méthodistes ont lu le livre de Daniel et ont commencé à l’interpréter en voyant dans leur époque la réalisation de la prophétie du ch 8.14 : « 2300 soirs et matins et le sanctuaire sera purifié ». Ils ont cru alors se trouver à la fin des temps, au retour du Christ. Il revenait purifier son « sanctuaire ». Ces chercheurs ont compris le sanctuaire comme étant la terre dont le Christ allait éradiquer tout le mal. Cette redécouverte du retour de Christ provoqua un extraordinaire réveil de la foi et de l’espérance chez beaucoup de chrétiens de l’époque. Cependant leurs erreurs de compréhension du sanctuaire, et de datation du retour de Christ, furent la cause de leur plus cruelle déception. Elle les poussa à approfondir et modifier leur compréhension du message, puis à le répandre autour d’eux.
- Théologiquement, ce passage de l’Apocalypse contient tous les grands thèmes fondateurs du Mouvement Adventiste : le Dieu Créateur, les temps prophétiques, selon le livre de Daniel, révélés aux prophètes serviteurs de Dieu, l’accomplissement final du salut en Jésus-Christ, le jugement de Dieu comme bonne nouvelle à la fois de libération et d’élimination du mal.
4- la mission : En transition entre les deux chapitres 10 et 11, le prophète reçoit une mission: « Il faut que tu prophétises de nouveau sur beaucoup de peuples, de nations, de langues et de rois » (v 11). Cet ordre vient dans le texte juste après l’amertume des entrailles, qui exprime le repentir et la compassion ressentie pour les autres. Le prophète, après avoir compris les avertissements de Dieu, est poussé à partager la révélation avec tous les autres hommes.
Historiquement, cet ordre viendrait juste après la déception causée par une mauvaise assimilation du livre de Daniel. Il est donné pour relancer la mission des croyants déçus. Ils se voient enjoints de poursuivre la prédication du livre de Daniel, dont le message leur est explicité par la scène de la mesure du temple[15] .
Le prophète Jean, impliqué directement dans l’action ordonnée par l’ange, représente symboliquement le peuple prophétique suscité, à la fin des temps, pour proclamer les messages annonçant le jugement de Dieu (v 1) : « On me donna un roseau semblable à une baguette » pour mesurer le temple de Dieu ». L’image est reprise dans Ap 21.15 où celui qui parlait à Jean « avait pour mesure un roseau d’or, afin de mesurer la ville, ses portes, et sa muraille ». Elle se retrouve aussi, dans Ézéchiel, l’homme à l’aspect d’airain « avait dans la main un cordeau de lin et une canne pour mesurer[16]». Suivent alors neuf chapitres décrivant le sanctuaire entrevu par le prophète.
Que représente ce roseau ou cette canne semblable à une baguette, qui sert à mesurer le sanctuaire ? Pour Ésaïe, la baguette symbolise la parole de Dieu qui sert à juger les hommes « Il jugera les pauvres avec équité...Il frappera la terre de sa Parole comme d’une baguette»[17]. La Parole de Dieu, et plus particulièrement les dix Paroles de la Loi, serviront de « mesure » des serviteurs de Dieu dans l’enquête qui est faite parmi eux à la fin des temps. C’est-à-dire que l’évaluation de Dieu se fera sur la fidélité à sa Parole de ceux qui se réclament de Christ :
« Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur, n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux »[18].
Que signifie l’ordre de « mesurer le temple, l’autel, et ceux qui y adorent » reçu par Jean, type du mouvement prophétique suscité à la sixième trompette (11.1)?
La mesure du temple rappelle l’ordre que Dieu a donné à Ezéchiel : « Toi, fils de l’homme, montre ce temple à la maison d’Israël ; qu’ils en mesurent le plan et qu’ils rougissent de leurs iniquités »[19]. Le sanctuaire israélite et ses rites permettaient aux fidèles de prendre conscience de la sainteté de Dieu, de contempler le plan du salut et l’amour de Celui qui l’a conçu et accompli par le Messie dans ses moindres détails. Placés devant le problème de leur séparation irrémédiable avec Dieu à cause du péché, les fidèles du temple pouvaient rougir de leurs péchés, et découvrir la solution qui est en Christ seul. Le rôle du sanctuaire terrestre était donc de faire prendre conscience :
- du péché grâce à la règle, la norme, la loi, qui dans notre texte sert de « baguette » ou de mesure, puisque « c’est par la loi que vient la connaissance du péché » (Rom 3.20).
- de la gravité du péché, grâce aux sacrifices qui montraient que le péché conduit à la mort,
- de la solution qui est en Christ[20], grâce au sens des sacrifices de pardon ou d’expiation, c’est-à-dire d’élimination du péché, et grâce aux services quotidiens et annuels qui préfiguraient l’œuvre de rédemption de Jésus-Christ.
Dans un premier temps, « mesurer le temple » pourrait signifier « étudier le plan du salut, contempler l’œuvre de Christ » pour en comprendre les objectifs et les modalités.
Dans un second temps, si on se réfère aux textes du Nouveau Testament qui assimilent le temple, le sanctuaire, au corps de Christ qu’est l’Église[21], on peut interpréter cette mesure du temple comme l’évaluation faite parmi les serviteurs de la maison de Dieu : « C’est le moment où le jugement va commencer par la maison de Dieu »[22]. C’est le moment où les serviteurs de Dieu, qui ont saisi le sens du message divin, se révèlent, au sein des épreuves, par leur fidélité et leur activité de prophétisme et d’amour du prochain. Ils dévoilent au monde les avertissements de Dieu, et ainsi s’opère un tri, « un jugement » parmi les serviteurs de Dieu et parmi les autres hommes, selon la réponse que ceux-ci donnent à ces avertissements. Les serviteurs fidèles sont les agents de la « mesure du temple », parce qu’ils sont « le parfum de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent ». En remplissant leur mission de témoignage de la Parole, ils sont « odeur de vie ou de mort » auprès des autres[23].
Ce « jugement » ou évaluation, s’établit selon la Loi, dans le sens de Parole de Dieu, qui est amour et grâce de Dieu, « roseau d’or » pour ceux qui croient en lui, mais baguette et « condamnation » pour ceux qui ne se sont pas repentis. N’oublions pas que les trompettes servent à avertir les hommes de la nécessité de se repentir. Comme pour Ézéchiel, la mesure du temple ou révélation des vrais serviteurs de Dieu, doit pousser les serviteurs infidèles et les autres hommes à se repentir et à revenir à Dieu.
Le prophète doit aussi « mesurer l’autel ». Il s’agit de l’autel des parfums situé dans le Lieu Saint, puisque le parvis extérieur, où se trouve l’autel des sacrifices, ne doit pas être mesuré (Ap 11.2a). Cet autel des parfums renvoie à l’acte d’intercession du Christ. Cette intercession avait été préfigurée par l’action médiatrice d’Aaron dans la situation d’urgence qu’avait provoquée la plaie survenue à la suite de la révolte de Koré[24].
Symboliquement dans les cornes de l’autel résidait la puissance d’éradiquer le mal[25]. « Mesurer l’autel » signifierait « prendre conscience » de l’œuvre d’intercession du Christ et de sa puissance de pardon et d’élimination du péché, dans le cœur du croyant et dans le monde.
Ne serait-ce pas aussi prendre la mesure des limites de cette intercession ? L’autel des parfums avait des dimensions très précises[26] qui excluent l’idée d’infini. Tant que la terre sera soumise au mal, l’intercession de Christ subsistera pour tous, bien qu’elle soit inefficace pour ceux qui la refusent. Mais il viendra un temps, au retour de Christ, où son intercession cessera, où le pardon n’aura plus lieu d’être, car le mal sera définitivement ôté[27].
Enfin le dernier ordre donné au prophète est de « mesurer les adorateurs ». C’est déterminer leur identité et leur nombre comme Jean l’entendit et le vit au chapitre 7. C’est aussi trier entre faux et vrais adorateurs, selon la lettre ou selon l’Esprit, selon les œuvres ou selon la grâce[28]. C’est l’œuvre non pas du prophète lui-même, mais de la Parole de Dieu qui sert à « mesurer » et qui est proclamée par le prophète.
Au v 2, l’ordre de ne pas mesurer le parvis extérieur du temple indiquerait que le jugement qui a lieu pendant ce temps des trompettes, ne concerne que la maison de l’Éternel, le peuple de Dieu. La maison de Dieu ne se compose pas des seuls serviteurs de Dieu, elle comprend aussi ceux qui ont écouté la voix de leur conscience et ont pratiqué des œuvres d’amour du plus petit [29]! Les impies, ou « gens des nations » rebelles à Dieu, seront jugés plus tard (Ap 20).
On peut donc penser que dans cette image de la mesure du temple, de l’autel, des adorateurs, nous avons le condensé de ce que révèlent les chapitres 4 à 11 de l’Apocalypse, le message annoncé pendant le temps des trompettes, temps de l’instruction du jugement libérateur du peuple de Dieu.
La mention du temple dans Ap 11.1 vient juste après la mention du petit livre qui est mangé pour être ensuite enseigné[30]. Une prédication du sanctuaire fait donc suite à la compréhension des prophéties de Daniel, et caractérise le message proclamé par les adorateurs de Dieu, à la fin des trompettes. Ce message est transmis dans un contexte de pluie de l’Esprit de feu[31] : celui-ci scelle les croyants fidèles, de façon à les protéger, à leur donner le courage de témoigner, et à leur permettre de subsister au temps de l’exécution des jugements de Dieu. Ce temps est désigné comme « le temps de sa colère[32] » sur les nations, et il est décrit à partir du chapitre 15.
Conclusion
Ce texte au sujet du petit livre et de l’ordre de l’ange au prophète révèlerait que, au temps de la sixième trompette, la lecture et l’assimilation de la plus grande partie des prophéties de Daniel[33] permettront de comprendre l’œuvre de salut, d’intercession et de jugement de Dieu. Ces prophéties de Daniel feront prendre conscience de l’urgence du repentir et du retour à Dieu, et de la mission prophétique des fidèles des derniers temps. »
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- En quoi la révélation de ce chapitre me concerne-t-elle personnellement ou communautairement ?
- Quelle espérance ou quelle peur, ou quelle responsabilité me donne-t-elle ?
- Comment pouvons-nous « prophétiser » la bonne nouvelle du jugement et de la venue de Christ, sans porter nous mêmes un jugement sur les autres ?
[1] Un peu comme le scellement des élus au ch 7 (sixième sceau) s’accomplit pendant la période annoncée par les sceaux précédents.
[2] Ex 13.21, Nb 12.5 ; 14.14
[3] Gn 49.9-10 ; Ap 5.5
[4] Es 45.22b-23
[5] Ez 24.26 ; 33.21
[6] Daniel 8.14 en avait fixé le début avec l’indication des 2300 soirs et matins
[7] Colossiens 1.26-27 ; Co. 2.2-3 ; 1Co 2.7
[8] Romains 8.19
[9] Au ch 10.2, 8-11.
[10] Ap 10.7 ; Dn 12.4 ; Dn12.10 ;
[11] Ps 19.10-11 ; Ps 119.103 ; Pr 16.24. Ici la parole agréable est aussi celle de l’homme !
[12] Jér 31.20
[13] Lamentations 2.11 ; 4.19
[14] Lamentations 1.20
[15] Ap 11. 1-2
[16] Ez 40.3-4
[17] Es 11.4
[18] Mat 7.21-27
[19] Ez 43.10 ; pour le temple idéal voir la description d’Ez 40 à 44.
[20] ce sont « les issues » dont parle Ez 43.11
[21] 2 Co 6.16 et Ep 2.21
[22] 1 Pi 4.17
[23] 2 Co 2.14-16
[24] voir l’ange à l’encensoir Ap 8.3-5 ; Nb 16.47-50
[25] Dans la Bible, la corne est le symbole d’une puissance, terrestre ou céleste comme ici
[26] Ez 41.22 ; Ex 30.2
[27] Ap 21.4
[28] (1Pi 4.17), (Jn 4.24 ; 2Co 3.6) ,(Rom 3.27-28).
[29] selon Rm 2.14-15 et Matthieu 25.31-46
[30] Nous avons vu précédemment qu’on pouvait l’identifier avec le livre de Daniel
[31] Ap 8.5
[32] Ap 7.3
[33] Les prophéties de Daniel 11 ou les dates de la fin du ch 12 restent encore partiellement obscures.
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