UA-111710466-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/03/2025

Étude n°11  Esaïe 52.13 à 53.12, Qu’aurais-je pu faire de plus ? (15 03 25)

Étudecrucifié evangile et peinture.jpg n°11  Esaïe 52.13 à 53.12, Qu’aurais-je pu faire de plus ? (15 03 25)

« Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie ; et l’Éternel a fait retomber sur lui la faute de nous tous ! » Esaïe 53.6

(Évangile et Peinture,20ès, Crucifié)

Observons

52.13-15 : Paroles de Dieu sur l’élévation à la gloire de son Serviteur souffrant

53.1-10 : paroles du prophète sur le parcours de vie du serviteur souffrant

53.11-12 : Paroles de Dieu sur la mission de son serviteur glorifié.

Les souffrances imméritées et expiatoires du serviteur (au passé v 1-10) sont encadrées par les promesses (au futur) de son élévation (52.13-15) et des effets de son œuvre (53.11-12).

La description de ses souffrances est émaillée de versets révélant l’incrédulité du peuple (52.14a, 53.4b, 8), ou donnant le sens spirituel caché de ces souffrances (4a, 5,6b,8b,10a,11b,12b).

Le vocabulaire fait référence aux rites des sacrifices d’expiation du sanctuaire terrestre, et en donne le sens prophétique : Le Serviteur souffrant incarne les victimes de ces sacrifices. 

Comprenons

Ce chapitre est le sommet de la prophétie d’Ésaïe et de l’Ancien Testament. Il est une réponse au texte d’Ésaïe 5.1-4, où Dieu explique tous les soins qu’il a apportés à sa vigne et se demande : Qu’aurais-je pu faire de plus (v 4). Le texte de notre étude ne peut s’appliquer qu’au Christ qui en a réalisé les moindres détails dans sa Passion. Les Juifs y voient encore le symbole des souffrances de leur peuple, mais le peuple est nettement distingué du Serviteur dans ce passage (8b).

Ignoré et victime des hommes (v 2-3), le Messie, innocent de tout mal (8-9), s’est offert volontairement (= il s'est livré en sacrifice, 10b) en faveur des hommes pécheurs, pour leur éviter la mort qu’ils méritaient à cause de leur séparation d’avec Dieu (=le péché) (v 4-6, 8). Il est  "l’anti-type"  de tous les animaux sacrifiés au temple sous l’ancienne alliance (v 7) : par l’imposition de ses mains sur la tête de l’animal accompagnée de la confession de ses fautes, le pécheur  transférait son péché sur l'animal. La mort de l’animal mettait à mort son péché, le délivrait de sa culpabilité et lui permettait de vivre pardonné et justifié. Le texte d’Ésaïe 53 applique exactement la signification spirituelle des sacrifices du sanctuaire au sacrifice de sa vie que le Messie accomplira parfaitement sur la croix une fois pour toutes.

Les résultats de cette œuvre de sacrifice pour les péchés concernent d’abord le Serviteur lui-même : sa résurrection (10b), son ascension (52.13), sa glorification (52.14b) et sa joie (11-12), son œuvre d’intercession (12b) sont annoncées ; puis les effets de ce sacrifice sur les pécheurs sont précisés : la paix du pardon (5b), la purification (52.15), la justification (11), la connaissance et la communion (11).

Deux versets de ce texte posent problème d'interprétation :

le verset 5b : "le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui." N'oublions pas que le texte est poétique et se permet des raccourcis de la pensée. La mort sur la croix est un châtiment aux yeux des hommes. Spirituellement elle représente le sort que nous méritons en tant que pécheurs séparés de Dieu. Jésus l'assume volontairement pour que l'homme dont il fait mourir la nature pécheresse dans sa mort sur la croix, puisse faire la paix avec Dieu (Rom 6.6 ; Col 1.22) et vivre selon les directives de son Esprit (2Cor 5.15). L'expression "est tombé sur lui" peut faire croire aux yeux des hommes que c'est un effet du hasard, comme dans un tirage au sort. Mais Dieu a voulu le salut des hommes et s'est incarné en Jésus pour l'accomplir jusqu'à la mort (Phil 2.6-8, notre étude précédente). Voir en annexe le commentaire de Ph. Augendre.

Le v 10a " Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance"  paraît excessif et fait de Dieu un sadique. Il exprime simplement que ce sacrifice volontaire du Messie entrait dans le plan de salut de Dieu pour l’humanité, plan que le sanctuaire concrétisait prophétiquement. "Dieu approuve son serviteur accablé par la souffrance" (BFC), parce qu'il réalise parfaitement le plan divin du salut. En aucune manière Dieu ne veut la souffrance de son serviteur, mais il reconnaît l'amour de son serviteur "qui donne sa vie pour ses amis" (Jean 15.13).

La réponse à toutes les questions que pose la mort de Christ, se trouve clairement exposée dans ce chapitre, 700 ans avant sa réalisation ! Ce chapitre nous invite à rechercher le sens spirituel des rites du sanctuaire, des paraboles et des images symboliques, par lesquels le Seigneur a cherché à enseigner et à faire comprendre son projet de salut à des humains limités par leur péché. 

En complément de cette brève étude, je vous invite à consulter le commentaire que Philippe Augendre a fait de ce texte, en 2008, que je reproduis ici en Annexe.

Questions pour une application dans la vie chrétienne

  • Suis-je plus au clair après la lecture de ce chapitre sur le sens spirituel des rites sacrificiels du sanctuaire en rapport avec la croix ?
  • Puis-je m’identifier au « nous » du texte ? Est-ce que la paix de Christ remplit mon cœur et me guérit de mes culpabilités et de mes blessures profondes ? (5). Ai-je conscience que Christ a subi la mort que je mérite à cause de ma séparation d’avec Dieu, et qu’il me permet ainsi de vivre, pardonné, une relation nouvelle avec Dieu ?
  • La connaissance du plan du salut accompli par Christ me remplit-elle de joie et de reconnaissance et resserre-t-elle ma communion avec lui ?(11).

 Annexe 

LA FOI CHRÉTIENNE AU RISQUE DU XXISIÈCLE :

« Beautés de Dieu pour les "naïfs" »

IV. LE SALUT  : LE SERVITEUR SOUFFRANT

« Les prophètes … ont fait de ce salut l'objet… de leurs investigations » (1P 1.10)

Le  salut vient de l'Éter­nel (Jon 2.9), je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut (Ha 3.18). Impossible d’ache­ver ce survol du salut dans l’A.T. sans c­iter les pro­­phè­tes. Avec eux quelle profondeur de vue et quelles ouvertures ! Inspi­rés par Dieu, les prophètes ont non seule­ment chan­té ce salut mais ils l’ont vécu avec au­then­­tici­té. Contre toutes les dé­­ri­­ves for­ma­­listes, ido­lâ­tres, im­mo­ra­les[1] ils ont dé­fen­­du avec cou­­ra­ge une concep­tion élevée de la relation avec Dieu, de la vie par l’Es­prit[2]. Enfin et sur­tout ils ont annoncé la per­sonne et l’œu­vre du Messie. Cet immense sujet, je le limi­te­rai en essayant de déga­ger les lignes essentielles d’un texte capi­tal, celui d’Esaïe (52.13 à 53.12) sur le « Serviteur souf­frant ».

La fin du livre d’Esaïe  vise, à partir du ch. 40, à la conso­­la­­tion d’Israël. Le 4e chant est un oracle, ri­che, sur­pre­nant, à la fois dou­­lou­­reux et victorieux. Mais il pose de nombreux problè­mes aux spécia­lis­tes[3] et n’est pas aisé à tra­duire[4]. De plus, la pensée hé­braï­que, avec sa langue contrastée[5] et ses ima­ges hyperboliques, est souvent source de malen­tendus pour le lec­teur oc­ci­den­tal. A com­bien plus forte raison, ici, où la struc­ture est comple­xe et la forme poétique. Les inter­pré­tations en sont multi­ples qui voient dans ce serviteur tantôt une personne tantôt une collectivité. Le N. T. lè­ve le doute. A la question : « de qui le pro­phè­­te dit-il cela ? », Philippe, ins­piré, ré­pond par « l’an­non­­­ce de la bon­­ne nouvelle de Jésus » (Ac 8.34, 35). Concen­trons-nous  sur ce passage qui, sans employer les mots sauver ou salut, prophétise avec force la venue du Messie et son œuvre rédemptrice.

Le texte comporte[6] : 1. Un dis­cours ini­­­tial de Dieu « Mon ser­vi­teur pros­­­pérera... » (52. 13-15). 2. Des pro­pos du peu­ple « qui a cru ? il… il… nous ... nous... » (53. 1-6). 3. Une médita­tion du pro­­phète sur le serviteur « il a été … » (7-10). Enfin 4. La finale de Dieu (11,12) « Mon ser­vi­­teur, le juste dis­pensera la jus­tice… je lui don­ne­rai sa part… ».

Dieu présen­te son serviteur[7] sous un jour énig­matique tant il est inatten­du et contradictoire. Mais d’em­blée c’est une anticipation heureuse, clé de la compréhension de l’œu­vre du Servi­teur, dont la vic­toire est assu­rée : « Il pros­pére­ra ». Le ver­be signi­fie « agir avec intel­li­gence mais aussi réussir … Il ne s’agi­ra pas d’une grandeur d’ordre politique ou tem­­porel mais d’une réussite dans l’ac­com­plissement du dessein de Dieu[8] ». Ce Servi­teur, ainsi nommé en début et en fin de poème, ne sera plus désigné, une fois, au cœur du texte, que comme homme de douleur et par le pronom « il ».  « Il mon­te­ra, il s’élè­ve­ra », non pas une orgueilleuse as­cen­­sion comme cel­le d’Es 14.13, mais une mon­tée, une offrande, une éléva­tion[9]. Il se­ra dé­fi­guré, mé­connais­­­sable et un sujet d’épou­­vante. Familiari­sés avec la dimen­si­on hum­b­le, douloureuse, sacrifici­elle du mi­ni­s­tère du Christ, nous associons assez fa­ci­lement ces réalités, hu­mai­nement syno­­ny­mes d’échec, à une vic­toi­re morale et spi­rituelle. Mais il n’en a pas été de même pour les contem­porains d’Esaïe ou de Jésus. Par lui les na­tions se­ront-elles stu­pé­faites, émer­­veil­lées, ren­­dues joyeu­­ses, puri­­­fi­ées ? Toutes ces significa­tions, qui trou­vent en Jé­sus leur part de véri­té, confirment la dif­fi­cul­té du texte. L’original évo­­­que une asper­sion et le fait d’être « écla­bous­sé », allusion possible  au rituel des sacrifices. Les rois eux-mêmes se­ront bou­che cousue de­vant ce qu’ils voient et apprennent, mais qui les prend au dépour­vu. De fait, la vie et le mes­sage du Christ ont toujours été pour tous, et pour nous aussi quand nous tentons de les saisir, un sujet d’éton­nement, ou d’incom­préhension, de mé­prise potentielle. Il faudra nous en souvenir.

Dans la deuxième section, le peu­­ple prend la parole (ap­pa­rition du pro­nom « nous »). Son dis­cours, simi­laire sur l’absence de signes extérieurs de splendeur ou de victoi­re, fait bientôt place aux in­ter­rogations (« Qui a cru ? »), puis à la confession de ses re­fus et de ses mépris (« nous ne l’avons pas esti­mé » à sa juste valeur). De contrits les propos deviennent pro­phétiques : il por­tera les souffrances et se char­gera des dou­leurs de l’humanité (v.4).  Conditionnés par nos traditions de lecture nous restreignons ces mots à son sa­cri­fice sur la croix. Mais le N.T., lui, applique cette parole (Mt 8.17) au minis­tère de guéri­son. Porter nos souf­­frances, se char­ger de nos in­fir­mités, ne se rattache pas unique­ment à sa mort. Ce fait  peut nous aider à mieux saisir le sens du ministère du Christ : une har­monie existe en­tre les diffé­rentes pha­ses de son ac­tion sa­lutaire ; sa vie et sa mort s’éclairent mutuellement. Ce texte majeur sur le sa­lut, parado­xalement, n’utili­se pas le mot salut mais ceux, très voisins, bien qu’avec d’im­portantes nuances, de paix et de guérison.

Le peuple continue en reconnais­sant ses er­reurs (« nous l’esti­mions frappé de Dieu ... mais »). Seul l’Esprit peut dis­­cerner un aveuglement si habituel. Celui des amis de Job tra­­duisait la propen­sion des hom­mes à croi­re que les malheurs frap­pant les hom­mes sont des châti­ments de Dieu. Les au­di­­teurs d’Esaïe et ceux du Christ pen­sent de même. Pourtant Jésus fut clair à ce sujet[10], mais trop de chré­tiens, y com­pris, hélas !, des tra­duc­teurs de la Bible, ont ad­héré à cette argumen­tation mal­sai­ne et anti-évan­gélique. Penser la vie du Serviteur en terme de châti­ment, croire que le salut des hom­mes rend légitime de faire payer un in­no­cent, re­vient à adopter - et c’est grave - le principe « la fin justifie les mo­yens ». Esaïe dit expressément l’in­ver­­­se. Le che­­min de dou­leur du Servi­teur n’est pas la punition d’une faute. Au contrai­re, en s’en­­­gageant dans une humble voie de rec­titude, de soli­da­­rité, il s’identi­fie à la con­di­tion pé­che­resse et mortelle de l’hom­me et l’assume (« sur lui la faute de nous tous », v. 6) jusqu’à en mourir. Ce n’est pas un « fa­tum » qui tombe injustement sur lui, c’est une démarche libre, volontaire, intentionnel­le en vue de com­bat­­tre le péché : « Per­cé à cause de nos ré­­vol­tes, écrasé à cau­se[11] de nos fau­­tes »). La cause morale de sa mort est le péché des hommes. Par la force de l’amour il en triom­­phera. L’a­bais­sement du Christ est le pro­­ces­­sus par lequel le mal sera dé­non­cé, radi­ca­le­ment, attaqué dans ses effets, vaincu à sa racine, au bénéfice d’une multi­tude. Tel est le che­min du salut. Ce message, qui dénon­ce le fait de consi­dérer un homme atteint par le mal com­me frappé de Dieu, donne au v. 5 un sens rafraîchis­sant. La version « le châti­ment qui nous don­­ne la paix est tombé sur lui » est dou­blement fau­tive : contresens par rapport à l’intention du pas­sa­ge que je viens de relever et faute de tra­duction[12]. « Sur lui la correction de notre paix » (A.T inter­liné­aire) », « Il a sur lui la discipline de notre paix » (Chouraqui). Je retiendrai la traduc­tion : « l’éducation de notre paix lui incombe ». Avec la notion de paix[13] comme expression du salut, cette dé­cla­ration éclaire la mis­sion du Ser­vi­teur d’un jour nouveau et profond que va confir­mer la suite : « dans ses plaies no­tre gué­ri­son ». Par son exemple, son mes­sage et son ministère de délivrance, un des a­spects (ce n’est pas le seul) de l’œuvre rédem­ptri­ce du Christ se révèle être pédago­gique et théra­peutique. Prin­cipe n° 45 : le Serviteur apporte le salut, en étant tout d’abord un modèle puis en devenant l’éducateur de notre paix et le mé­de­cin de nos âmes.   

La 3e sec­tion (dis­pa­rition du « nous », réapparition du « il » et mention du « Seigneur », est un commentaire du prophète sur le Serviteur. Au thème pré­cédent s’ajoute celui de l’acceptatio­n muette « il n’a pas ou­vert la bou­che » dans l’indifférence gé­né­­rale quand « il a été saisi par la violen­ce et le jugement ». Notons plu­s­ieurs pro­phéties (v. 9) sur Jésus, son ab­sence de péché et les cir­constances de son inhumation (son sépul­cre avec le riche) ainsi que la recon­naissance ultérieure de sa digni­té. Le v. 10, douloureux, est difficile à com­­prendre, aussi bien litté­rai­rement que théo­­logique­ment. Mais, à nou­­veau, très encoura­geant puisque « il verra une descendance … et la volonté du Seigneur aboutira ». Comme pour les ver­sets précé­dents sa struc­ture est complexe. Pour la 1ère déclaration je retien­drai la traduction de la TOB (1983) « Mais Sei­gneur, que broyé par la souf­france, il te plaise[14] ». « Ce n’est pas la souffrance ni la mort du serviteur qui ont plu à YHWH ! Mais que les pécheurs soient sauvés, fût-ce au prix de la mort du serviteur. Ainsi la mort humiliée accomplit un mystérieux plan de Dieu[15] ». La suite est tout aussi déli­cate. Mot à mot : « Si tu fais répa­ra­tion son âme ». La NBS et la TOB (2004)  tradui­sent : « Si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation, il verra une des­cendance ». Pour comprendre ce ver­set il est né­ces­saire de prêter attention à trois éléments signi­­ficatifs : le sens et le sujet du verbe « fai­re », le « si » et le terme « répara­tion ». Le verbe, très fréquent en hé­breu, a une large palette de sens : mettre, po­ser, pla­cer, établir, décla­rer, faire éclater, donner, etc. Le contexte indique que le sujet de l’ac­tion (« tu »), c’est YHWH. Le « si » montre que le Seigneur, en posant, par un acte libre de sa sou­ve­rai­neté, la vie du Servi­teur com­me une répara­tion, per­met­tra l’éclosion d’une descen­dan­ce, une nouvelle lignée d’êtres délivrés du péché, cel­le du second Adam. Ce crime qui a­chè­ve la vie du Ser­viteur, Dieu, par une surabon­dance de sa Grâce, le fait éclater en répara­tion. Mais qu’entendre par là ? Nous avons vu, dans l’étu­­de sur le sanc­tuai­re, que la notion de sacri­fice d’absolu­tion se subdi­visait en deux catégories, le sacrifice « pour le péché » et le sacrifice de répara­tion[16]. Le pre­mier, le plus courant, of­fert en vue de l’ef­facement du péché trou­vera son ac­com­plis­­se­ment en Christ et de fait, l’idée du par­don des fau­­­tes est très présente (v. 5a, 5b, 6c, 11c, 11d, 12e) dans le poème. Mais nous n’avi­ons pas étudié le second, « réparation » moins fré­quent, em­plo­yé ici. Bien que le ca­dre litur­gique de ce chant soit plus relation­nel que sacrifi­ciel[17], le lexique du sacrifice affleu­re. Ce mot, « seule la Bible en dévoile la signifi­cation. L’idée commune aux divers usages du ter­me… paraît être celle de l’obli­gation de ré­pa­rer un tort, de restituer un objet, de restau­rer un état[18] ». Le Serviteur démontre la victoire possible du bien sur le satan, sans usage de la force, uniquement de l’amour. Dieu peut alors reconnaître sa vie tout en­tière, y compris sa mort, ce qui n’était évi­dem­­ment pas prévu par ses adversaires, com­me un sacri­fice, une offrande de répara­tion. Les trois sens cités plus haut me sem­blent perti­nents pour prophétiser le minis­tère du Christ.  Le pé­ché a produit un tort im­­men­se ; par une exis­tence sans péché, fi­dè­le jus­qu’au bout, le Messie le répare. Le péché a volé à Dieu son bien très pré­cieux, la créature à son image, le Fils de l’Hom­me le restitue. Le péché a créé une rupture avec le Père, l’unique Médiateur restaure le lien ou l’alliance avec Lui. C’est bien le fil conducteur que Paul déve­lop­pera dans Rm 5. Le prophète conclut : « le désir/volon­té de YHWH, par sa main, se réa­lisera/réussira ». P. n° 46 : (indispensable complé­men­t au principe précédent) : en accom­plissant la volonté de Dieu le Serviteur permet à Dieu de faire de sa vie une « réparation » qui ouvre le salut à la multitude.  

Dieu peut alors reprendre la parole pour célébrer son Serviteur et ex­pli­quer le triomphe annoncé au dé­but. « Ayant payé de sa person­ne ... » : le salut est coûteux, non par suite d’un quel­conque paiement mais en termes d’en­gage­ment, de larmes, de peine, de souf­france. Mais grâce à son sacrifice  « il verra une descendan­ce, il sera com­blé de jours, sitôt reconnu juste, il dispen­sera la justice, lui, mon Serviteur, au pro­fit de foules ». En effet par  son œuvre rédemp­trice le Serviteur apporte le pardon, il « se charge des fautes » et « porte le péché ». Le Ser­viteur méprisé devient le Sauveur. Mention­nons encore son abaissement jusqu'à la mort que Dieu associe à son identification à la condi­tion pécheresse de l’humanité. Et pour finir, la mention de son intervention comme inter­cesseur et avocat : « pour les pécheurs il est intervenu/s’est interposé », autre fa­cet­te essentielle de l’œuvre du salut. 

Ce chant du Ser­viteur, par sa dimension pro­phé­tique et christo­lo­gique, nous in­vite à comprendre, à vivre la Bonne Nou­velle de Jésus. Est-il de plus beau sujet que la réalisation historique du salut, que la manifestation de celui qui s’appelle Jésus, Yéshoua, Yahvé sauve, Emmanuel, Dieu avec nous ?  

 Philippe AUGENDRE Manosque, le 29/03/2008

Notes :

[1] Par ex. : Es 1.11-19 ; 5.20-21 ; 29.13 ; 59.1-8 ; Jr 6.20 ; 18 ; Ez 33. 13-15 ; Os 6.6 ; Am 5.24-25. 

[2] Par ex. : Es 41.10 ; 42.21 ; 57.15 ; Jr 31.3 ; Ez 11.
19 ; Os 3. 16-23 ;  Jl 2.12-14 ; Mi 6.8 ; So 2.3 ; 3.17.

[3] Il y a d’importantes variantes entre le texte hébreu of­fi­ciel (dit texte massoréti­que, VIIe - Xe s.) et ceux, bien antérieurs, des manuscrits de Qumran et de la version grec­que (LXX).

[4] Il suffit de compa­­rer les dif­­fé­­ren­tes versions.

[5] Par ex. l’expression « ai­mer ... haïr » ne doit pas être prise au pied de la lettre et signifie « préférer ».

[6] Cf. A. Wénin, Le serviteur souffrant, lecture syn­chro­nique, Cahier Evan­gile (n° 97), Le Cerf, p. 14.

[7] « Mon serviteur » apparaît 2 fois en dé­but (52.13) et en fin (53.11) de passage. Ailleurs il n’est plus dési­gné, en dehors des verbes décrivant sa personne ou son ministère, que par « l’homme de dou­leur » (53.3) et les formes pronominales « pour  lui (52.15 ; 53.8), devant lui (53.2), loin de lui (53.3), sur lui (53.5) ». Notons qu’en araméen, la langue de Jésus, le même mot désigne le serviteur et l’agneau, ce qui éclaire la parole de Jean le Baptiseur (Jn 1.29).  

[8] P. Grelot, Cahier Evangile, p. 8.

[9] Notion reprise par Jésus (Jn 3.16 : 8.28) et qualifiée aussi de glorification (Jn 7.39 ; 11.4).

[10] Jn 9.2-3.

[11]  Sens, en hébreu comme en grec, du  « pour ».  

[12] Le mot hébreu (moûsâr, 50 mentions) veut dire cein­ture (Jb 12.18), instruction, enseignement (Pr 4.1 : 8.10), leçon (Pr 1.3), cor­rec­tion ou discipline (Pr 3.11), science (Jr 10.8), exemple (Ez 5. 15). Dans une cul­ture où les châti­ments corporels étaient usuels, le sens de châ­ti­ment est réel mais dévoyé ; appliqué à l’action de Dieu c’est une dégénérescence mondaine et monstrueuse. Dans le grec (LXX), c’est le mot pai­deia (d’où péda­gogie), éducation.

[13] Héb. shâlôm, «La racine shlm est attestée …selon un large éventail de sens … plénitude, paix, santé, bien-être, salut » J.-P. Prévost, « shalôm », Nouveau Vocabulaire Bibl­i­que (NVB), Bayard, 2004.

[14] Autre exemple de la difficulté de ce texte : la traduction de la LXX : « le Seigneur veut le purifier de sa blessure (laver ses plaies ?) ».

[15] A.-M. Pelletier, Le livre d’Isaïe, Cerf, 2008, p.132.

[16] Ou de culpabilité, héb. ’âshâm, (46 m.), offense, (sacrifi­ce de) réparation ( Lv chap. 5 ; 6 ; 7 ; 14).

[17] Par exemple la brebis et le mouton ne sont pas pour le sanctuaire mais pour la ton­te ou l’abat­­­toir.

[18] J. l’Hour, « ’asham », NVB.