14/08/2015
Étude n°8 : Missions interculturelles Marc 5.1-20 (22 08 15)
Étude n°8 : Missions interculturelles Marc 5.1-20 (22 08 15)
« Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui mon âme a pris plaisir. Je mettrai mon Esprit sur lui et il annoncera la justice aux nations » Mat 12.18
(Polyptique de Montbéliard 16ème Jésus et le démoniaque)
Observons
Le contexte
Dans le ch 4 Jésus est présenté comme l’enseignant qui s’adresse à la foule en paraboles expliquées en particulier aux disciples. Puis il apparaît comme le Maître des éléments en apaisant la tempête déchaînée sur le lac qu’il traversait avec ses disciples. Après sa rencontre avec le démoniaque, il retournera en Galilée et manifestera sa puissance divine par une résurrection et une guérison.
Le texte :
a) 1-5 : débarquement de Jésus en Décapole, et portrait du démoniaque
b) 6-10 : dialogue entre Jésus et les démons
c) 11-13 : destruction des démons
b’) 14-17 : réactions des spectateurs
a’) dialogue entre Jésus et le possédé guéri.
Au centre du texte (c) se situe le moment important : la confrontation de Jésus avec les démons, et la manifestation de sa puissance sur eux. Celle-ci provoque la crainte chez les démons (b) et chez les hommes (b’), tandis qu’elle transforme complètement le possédé fou furieux en témoin sensé et persuasif.
Questions pour observer le texte :
- Qu’y avait-il sur l’autre rive du lac où Jésus et ses disciples s’étaient rendus ? (4.35 ; 5.1)
- Relever tous les détails donnés sur le Gérasénien v 2-5 ; Qu’est-ce que cela représentait pour Jésus et les disciples Juifs ?
- Qui sont les personnages du dialogue avec Jésus dans les v 6-10 ? Quels sentiments expriment-ils ? Que demandent-ils à Jésus ? (v 10) Que révèle cette demande sur la considération qu’avaient les Juifs de ce pays ?
- V 11-13 : Comment le choix puis la noyade des pourceaux renforcent-ils cette opinion ? Où est l’humour de Jésus ?
- V 14-17 : Quelle est la réaction des gens du pays ? Pourquoi sont-ils essentiellement remplis de crainte ? Quelle transformation a subi le démoniaque ?
- V 18-20 : Quelle mission Jésus confie-t-il à l’homme guéri ? Pourquoi ne la remplit-il pas lui-même ?
-
Comprenons
Nous examinons ce texte d’abord du point de vue de la relation de Jésus avec les puissances surnaturelles démoniaques, puis du point de vue de la guérison du possédé et ses conséquences.
1- Un tel cas de folie furieuse était considéré comme l’œuvre du démon, qui par les anges déchus qui le servent, prend possession d’hommes ou de femmes. C’est-à-dire que ces personnes ne maîtrisent plus ni leurs pensées, ni leur volonté, ni leur comportement : elles sont complètement aliénées, esclaves de ces esprits mauvais, qui n’ont d’autre but que d’arracher à Dieu ces créatures humaines.
La relation de ces esprits avec Satan est suggérée par
- le lieu où est relégué le possédé : en terre païenne donc souillée pour les Juifs, parmi les sépulcres ; il vit dans l’impureté de la mort, il est un déjà-mort, un mort-vivant.
- le lieu où ils redoutent d’aller : l’abîme est dans la Bible, le lieu symbolique de la résidence et de l’emprisonnement de Satan (Apocalypse 9.1, 2, 11 ; 20.3). Les démons redoutent d’y être envoyés, car alors ils n’auraient plus aucun pouvoir sur personne !
- la force surnaturelle de cet homme qui brise les chaînes qu’on lui met pour tenter de le maîtriser.
- le lieu où était poussé le possédé : le désert n’est pas un lieu de vie, mais de mort pour les hommes.
- la connaissance surnaturelle et remplie de peur et de haine qu’ils ont de Jésus (v7). Aussitôt ils l’identifient comme le Fils de Dieu qui a pouvoir sur eux, malgré leur résistance (v 10).
- le choix qu’ils font d’aller dans les pourceaux, considérés comme animaux impurs par les Juifs. (Enluminure du 11ème s)
On peut voir l’humour de Jésus qui accède à leur demande : la folie démoniaque va s’emparer de ces bêtes impures et les conduire à l’abîme, la mer où elles vont trouver la mort. Les démons iront bien en fin de compte à l’abîme, n’ayant plus rien ni personne à posséder ! Image prophétique de la destruction finale dans l’étang de feu de tous ceux qui ne reconnaissent pas le Fils de Dieu comme Sauveur (Ap 20.10 ; 21.8).
La relation de Jésus avec ces esprits démoniaques est intéressante à remarquer : il n’a pas crainte de les approcher : il savait où il allait en abordant à cet endroit désolé de la côte, en terre païenne, considérée comme impure par tous les Juifs. Il décèle tout de suite leur présence, mais aussi la lueur de lucidité du possédé qui s’est avancé à sa rencontre. Pour s’en rendre maître, Jésus oblige les démons à se nommer. Donner son nom c’était s’en remettre à celui qui le recevait, se soumettre à sa domination. Tous les efforts des esprits mauvais pour échapper à la puissance divine sont alors vains.
2- Psychologiquement ce récit nous enseigne l’importance de prendre conscience, grâce à la Parole de Dieu, de ce qui nous anime. En prendre conscience permet de reconnaître notre faiblesse et de nous tourner vers le Seigneur, qui saisit le moindre mouvement vers lui pour guérir, apaiser, régénérer, comme il l’a fait pour le Gérasénien. Celui-ci était prisonnier du plus profond des cachots : possédé de mille démons, exclu de la société, il vivait parmi les morts, lié de chaînes que les hommes lui mettaient pour se protéger de sa folie furieuse. Il n’était plus lui-même et personne ne pouvait le délivrer, les hommes renforçant la domination des puissances surnaturelles mauvaises sur lui, par leurs mesures de protection sociale et leurs préjugés.
Jésus en le guérissant, le rétablit dans son intégrité physique, sociale, affective et spirituelle, comme le prouve l’état où on le trouve : cet homme prisonnier des hommes, des démons, de lui-même, de sa folie, de sa violence, de sa solitude, et de son ignorance de Dieu, dans un moment de lucidité s’est approché de Jésus ; cela a suffi pour qu’il devienne un homme sensé, calmé, rétabli parmi les siens et témoin des œuvres de Dieu en sa faveur.
Aucun lien ne résiste à l’intervention libératrice de Christ, qui par ce miracle proclamait le but de sa mission : rétablir tout homme, esclave du péché, dans son intégrité et sa dignité d’ « image de Dieu », quels que soient sa nationalité et son état spirituel ou social. Jésus n’hésite pas à aller sauver la moindre créature, même la plus méprisée et tenue à l’écart par les « bien-pensants » de toutes les époques.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Ai-je conscience d’avoir à être libéré des chaînes qui font obstacle à une relation saine avec Dieu et avec les autres ? Puis-je en identifier quelques-unes et les présenter au Seigneur pour qu’il les brise ? (rancune, haine, violence, doutes, suffisance, incrédulité …)
- Ai-je foi en la puissance de libération de Jésus ? Comment l’ai-je expérimentée dans ma vie, ou dans l’église ?
- Puis-je partager aujourd’hui avec mon entourage une telle expérience ?
- Quels préjugés nationaux ou racistes m’empêchent de considérer l’autre comme un enfant de Dieu à qui le Seigneur désire se faire connaître par mon intermédiaire ? Comment passer « de l’autre rive du lac » ?
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07/08/2015
Etude n°7 : Jésus Maître de mission, Matthieu 10.1-15 (15 08 15)
Étude n°7 : Jésus Maître de mission, Matthieu 10.1-15 (15 08 15)
‘Jésus leur dit de nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».Jean 20.21
Observons
Le contexte
Le « Sermon sur la Montagne » (ch 5-7), premier discours où Matthieu a placé les enseignements de Jésus sur les principes de son Royaume, a été suivi du récit de plusieurs guérisons qui illustrent le ministère de salut de Christ (ch 8-9.34). A la fin du chapitre 9 (35-37), Jésus manifeste sa compassion pour son peuple sans berger, et appelle ses disciples à prier pour que le Seigneur suscite des ouvriers pour sa moisson. Matthieu introduit ainsi le second discours de son Évangile, où il réunit les instructions précises de Jésus à ses « envoyés », données à divers moments de son ministère en Galilée. (voir Luc 9 et 10)
Structure du texte : Mt 10. 1-15
Instructions de Jésus pour la mission des Douze :
a) 1-4 : Envoi des douze apôtres : Pourquoi cette liste des apôtres ? Que leur accorde Jésus ?
b) 5-15 : Leur mission :
v 5-6 : leur champ d’action : Où doivent-ils prêcher ?
v 7-8a : leur action (prêcher, guérir) : Quel est le sujet de leur prédication ? Par quels signes rendent-ils leur prédication crédible ?
v 8b-10 : gratuité de leur action : Que leur demandent la gratuité et le dépouillement de leur mission ? De qui dépendront-ils concrètement pour leur subsistance
v 11-15 : leurs réactions à l’accueil qui leur sera fait : En quoi consiste la « dignité » de leurs hôtes à les recevoir? Que doivent privilégier les disciples dans leur mission (v 12-13) ? Que signifie l’image de la recommandation du verset 14 ? Comment l’actualiser ? Comment Jésus montre-t-il la gravité du refus d’écouter le message des apôtres ? Pourquoi est-ce si grave ?
Comprenons
a) Jésus a appelé déjà la plupart des Douze à le suivre en devenant ses disciples (4.18-23 et 9.9). Maintenant une étape nouvelle semble franchie : parmi tous ses disciples, il en envoie douze dans une mission dont il précise les modalités. Le mot « apôtre » signifie « envoyé ». On donnait ce nom chez les Juifs aux hommes de confiance qui transmettaient les circulaires des chefs de synagogue, recueillaient les offrandes, et soutenaient la foi et le zèle des communautés de la « diaspora » juive en Méditerranée. On retrouve ce nom d’ « envoyé » pour les frères chargés de la collecte des offrandes pour l’Eglise de Judée (2 Co 8.23), ainsi que pour Epaphrodite, « envoyé » de l’Église de Philippes pour subvenir aux besoins de Paul (Phi 2.25 ; 4.18).
Dans notre texte, Jésus nomme ainsi douze hommes tirés de ses disciples, qui occuperont parmi eux une place importante et reconnue de tous, car c’est sur leur seul témoignage que repose la foi de l’Église (Ep 2.20 ; Ap 21.14). Désormais on réservera le nom d’apôtre à ces douze disciples choisis spécialement par Jésus pour fonder les communautés chrétiennes. Toutefois, tous les disciples sont des envoyés du Seigneur pour témoigner au monde de l’amour de Dieu et de ses appels à entrer dans son Royaume.
Les noms des apôtres sont présentés en trois groupes de quatre noms, liés deux à deux par la coordination « et ».
V2 : Pierre est le premier nommé, à la tête du premier groupe comprenant son frère André et les deux fils de Zébédée, tous quatre appelés de la première heure à suivre Jésus. Pierre sera aussi le premier à porter la Bonne Nouvelle aux Juifs (Ac 2), puis aux païens (Ac 10). Cette primauté chronologique ne signifie pas une quelconque primauté d’autorité hiérarchique au sein du groupe, car au Concile de Jérusalem on le voit sur le même rang que Paul face à Jacques, le frère de Jésus et le chef de l’Eglise de Judée sans être un apôtre, auteur présumé de l’épître qui porte son nom. Simon reçut son nom grec de Pierre, de la bouche même de Jésus pour signifier, par un jeu de mot courant à l’époque, à la fois le « roc » de sa foi, et la fragilité de sa nature, versatile comme « la pierre qui roule » (Mt 16.17-18).
Des deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, l’un fut mis à mort par Hérode (Ac 12.2), premier martyr parmi les apôtres ; l’autre, appelé le disciple bien-aimé dans l’évangile de Jean, écrivit ce quatrième évangile, peut-être les trois épîtres qui portent son nom, et surtout l’Apocalypse. Ces trois apôtres font partie du cercle restreint des amis intimes de Jésus, témoins privilégiés de la Transfiguration et de Géthsémané.
V 3a : André et Philippe ont des noms grecs sans qu’on connaisse leurs noms hébreux. Ils viennent de la même ville de Betsaïda en Galilée(Jn 1.44). Ce Philippe n’est pas à confondre avec le diacre qui baptisera l’Ethiopien. C’est l’apôtre qui appela Nathanaël (Jn 1.45) sans doute le même homme que le Barthelémy de notre liste, qui lui est joint.
Thomas est désigné en grec par Didyme « le jumeau ».Il s’est fait remarquer par son pragmatisme incrédule (Jean 11.16 ; 20.24-25) puis par sa confession de foi, émerveillé devant le Christ ressuscité (Jn 20.28).
Matthieu se place dans cette liste juste après Thomas et avec une grande humilité se désigne par le « péager », ce qui à son époque était une injure, stigmatisant la « mauvaise vie » de ces hommes travaillant à recueillir les impôts pour les Romains, et prélevant pour eux-mêmes une part excessive sur ces impôts.
V 3b : Jacques, fils d’Alphée est le premier du troisième groupe de quatre noms d’apôtres. C’est lui qu’on a surnommé « le Mineur » ou « le Petit » (Marc 15.40) sans doute pour sa petite taille.
Thaddée, second nom de Lebbée « l’homme de cœur », selon certains manuscrits, manque dans les listes de Luc (6.16 et Ac 1.13) qui le remplace par Jude, fils de Jacques, dont parle Jean 14.22.
Simon le Cananite ou le Zélote selon Luc (6.15 et Ac 1.13) est lié ici avec Judas, lui aussi zélote, c’est-à-dire faisant partie du groupe politico-religieux des révolutionnaires qui défendaient fanatiquement (Kana = zélé) les privilèges religieux et nationaux des Juifs. Iscariot signifie soit « l’homme de Kariot, soit « le sicaire », celui qui porte un couteau, selon l’habitude des Zélotes. Tous les évangiles placent Judas en dernier avec la mention « celui qui livra Jésus ». Il sera remplacé d’abord par tirage au sort dans l’Eglise par Matthias (Ac 1.26), puis, directement par appel divin, par Paul (Ac 9.15) (Mosaïque portrait traditionnel de Paul)
Jésus choisit douze apôtres très différents les uns des autres, mais unis dans le même service et le même amour de leur Maître. Il en fait les fondateurs de son Eglise, en parallèle aux douze patriarches, fondateurs des douze tribus d’Israël. Ainsi le peuple de Dieu est-il symbolisé par ce chiffre de 12, dont le carré 144 (12x12) multiplié par 1000 (nombre de la multitude innombrable) sera pour Jean le symbole de la plénitude infinie du peuple des rachetés de tous les temps (Ap 7 et 14).
b) Instructions sur la mission des apôtres
Les ordres de Jésus concernent ici la première mission temporaire des apôtres, du vivant de Jésus avant sa résurrection et la Pentecôte. Au-delà de ces circonstances, ils sont encore en partie valables à travers les siècles.
- Le champ d’action : A ce moment du ministère terrestre de Jésus, les Douze devaient s’en tenir à la prédication du salut au seul peuple d’Israël (Mt 15.24 ; Jn 4.22) même si Jésus n’a pas hésité en certaines occasions à passer outre à ce principe (Mt 8.5-13), sachant que plus tard le salut serait annoncé à toutes les nations (Mt 24.14). Pour les disciples il était encore trop tôt. Le Saint-Esprit de la Pentecôte n’avait pas encore balayé leurs préjugés nationalistes et religieux, qui leur faisaient considérer les païens et les Samaritains comme « impurs » rituellement, avec qui il fallait se garder soigneusement de tout contact, pour ne pas devenir soi-même impur ! Entre Juifs et Samaritains existaient une haine et un mépris séculaires, depuis le retour des Juifs en 536 av JC, de l’exil à Babylone. Les Samaritains étaient composés des juifs restés en Samarie après la chute du royaume du Nord en 722, et des colons implantés par les Assyriens vainqueurs, pour remplacer les dix tribus d’Israël exilées. Ces colons étaient arrivés avec leurs coutumes et leurs dieux, et avaient créé un culte syncrétique intégrant la Thora d’Israël à leurs pratiques idolâtres. Ce syncrétisme provoqua le mépris et le rejet des Juifs revenus d’exil, qui craignaient un retour à l’idolâtrie considérée comme la cause de la chute de Jérusalem et de l’exil en Babylonie (Esd 9.7 ; Né 9.26, 29). Les Juifs refusèrent l’aide militaire et politique proposée par les Samaritains, et allèrent jusqu’à renvoyer les femmes samaritaines qu’ils avaient épousées, pour ne pas risquer d’être entraînés par elles à l’idolâtrie ! (Esd 9 et Né 13.23 et sq). Il s’en suivit évidemment une haine tenace des Samaritains contre les Juifs. On comprend que pour briser ce fossé entre les deux peuples, il faille du temps et l’action puissante de l’Esprit : même après la Pentecôte, les apôtres mirent des années à accepter le salut offert à tous (Ac 10 et 15 ; 8.5-7).
En Israël Jésus précise que seules les « brebis perdues » pourront recevoir la prédication des apôtres. Cette image empruntée aux prophètes (Es 53.6 ; Jér 50.6 ; Ez 34.5-6) décrit l’état dans lequel Jésus voit son peuple (Mt 8.36) et qui provoque sa compassion.
L’action : La prédication des apôtres doit porter sur la venue du royaume en la personne de Jésus, Dieu incarné parmi les hommes. Pour appuyer cette prédication et faire comprendre aux Juifs attachés au concret toute la profondeur spirituelle du message, les disciples reçoivent des dons de guérison, de résurrection, de purification et de délivrance physique, psychique et spirituelle. Jésus leur délègue son autorité sur les démons et les maladies (v 8). Comment prouver leurs dires sinon par des actes concrets de libération qui révèlent le fondement de son Royaume ?
Les Douze conservèrent ces dons pour l’édification de l’Eglise, à une époque où ces miracles étaient aussitôt attribués à la puissance de Dieu (Ac 3 ; 9.34-42). De tels miracles aujourd’hui restent rares et discrets, car ils provoquent plus d’incrédulité et de railleries que de foi de la part de populations athées et prétendument « scientifiques ».
Jésus établit le principe de la gratuité des dons que reçoivent et partagent les prédicateurs (8b). Ils ne peuvent vendre leurs services ou leurs miracles (Ac 8.18-23) ni en faire une source de profit personnel : ils deviendraient ainsi de simples « guérisseurs », et dévalueraient la puissance divine.
Pourtant Jésus atténue aussitôt cet ordre en recommandant aux prédicateurs de dépendre pour leur vie matérielle des salaires que la communauté des croyants leur doit comme ouvriers de la Parole (v 10b ;1 Co 9.13-14 ; 1 Ti 5.17-18).
Confiants en Dieu et soutenus financièrement par les croyants au moyen des dîmes de leurs revenus (dont c’est la destination première, Lév 27.30 ; Mal 3.10), qu’ils rendent en geste de reconnaissance pour les bienfaits de Dieu (Gen 14.20), les prédicateurs peuvent se consacrer entièrement à leur ministère de propagation de la Bonne Nouvelle.
La coutume de l’hospitalité, sacrée en Orient devait permettre aux apôtres d’être accueillis facilement. Toutefois il semble que Jésus leur demande de s’assurer de la « dignité » de leurs hôtes. Comment évaluer cette dignité ? Jésus leur demande-t-il de vérifier l’honorabilité des mœurs, la bonne réputation sociale de leurs hôtes ? Ou d’estimer leur désir et leur capacité à écouter et recevoir leur message ? Quand on se rappelle comment Jésus n’hésitait pas à entrer dans les maisons des gens considérés comme « de mauvaise vie » tels les péagers, et à partager le pain avec eux et avec des prostituées, on peut pencher plutôt vers cette dernière interprétation de la dignité des hôtes. Jésus ne se place pas sur le registre de la morale, mais sur celui de la relation spirituelle et de la soif de Dieu qui peut habiter même les hommes non religieux. Cela demande aux prédicateurs le discernement de l’Esprit pour ne pas « jeter leurs perles aux pourceaux » (Mt 7.6), c'est-à-dire ne pas prêcher en vain à des personnes qui dédaignent leur message.
Prêcher la Parole demande patience et persévérance, d’où la nécessité pour les apôtres de ne pas s’éparpiller d’hôtes en hôtes, et de rester à demeure chez celui qui les reçoit volontiers, pour accomplir auprès de lui un travail en profondeur qui portera des fruits de paix (v 13). Si l’hôte ne les écoute pas, qu’ils ne se découragent pas ou ne s’impatientent pas : la paix de leur cœur demeurera en eux car ils ne sont pas responsables du refus de leurs auditeurs d’accepter la Bonne Nouvelle qu’ils leur apportaient. C’est le sens du geste de secouer la « poussière de leurs pieds ». La poussière, symbole de la mort (Gen 3.19) que les hôtes ont choisie spirituellement par leur rejet de la Bonne Nouvelle, ne les « souillera »pas, leur mort ne leur sera pas reprochée devant Dieu au jour du Jugement. Pour Jésus ce refus d’entendre la Parole des apôtres est plus grave que le refus des habitants de Sodome et Gomorrhe d’entendre l’appel de Lot et des anges de Dieu à sortir de leurs villes. Car pour eux ce n’étaient qu’un appel à éviter une mort physique, tandis que pour les auditeurs des apôtres c’est le refus de la vie spirituelle et éternelle qu’ils leur offrent. Sodome et Gomorrhe deviennent ainsi un « type » du sort éternel que choisissent ceux qui refusent d’écouter les appels de Dieu.
Questions pour une application dans la vie chrétienne
- Comme les Douze, tout disciple est un « envoyé » de son Maître auprès des autres. Comment moi qui me dis un disciple de Jésus, est-ce que je remplis cette mission auprès des miens qui n’ont pas encore connu l’amour de Christ pour eux ?
- Comment montrer concrètement que le royaume de Dieu s’est approché d’eux ? Qu’est-ce que cela signifie pour l’homme moderne, laïc, stressé, revendicateur, individualiste et démocrate ?
- Ai-je fait l’expérience de la guérison, de la résurrection, de la libération qu’offre Jésus dans tous les domaines de ma vie ? Puis-je en révéler les effets concrets ? Si non, comment puis-je prêcher la Bonne Nouvelle aux autres, si pour moi-même elle n’a rien changé dans ma vie ?
- Cette question est à se poser individuellement et collectivement. Comment l’Eglise peut-elle prêcher ce qu’elle n’est pas capable de vivre ? Que devons-nous et pouvons-nous modifier dans nos mentalités et dans nos comportements entre disciples pour rendre notre témoignage crédible à l’extérieur ?
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